Les Etats-Unis se retirent de l'UNESCO: une décision choquante qui trahit l'influence d'Israël (ANALYSE)
- Publié le 12-10-2017 à 16h31
- Mis à jour le 13-10-2017 à 19h21
Alors qu’il menace continuellement la Corée du Nord des pires représailles, Donald Trump n’avait jamais donné à penser qu’il avait l’Unesco dans le collimateur – pas un seul tweet sur le sujet ! Avec sa bénédiction, le département d’Etat a pourtant annoncé jeudi que les Etats-Unis se retireraient de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture à la fin de l’année prochaine. Une nouvelle qui a provoqué l’émoi au siège de l’Unesco à Paris, le jour même où les 58 pays membres de son conseil exécutif devaient se prononcer sur le choix d’un successeur à l’actuelle directrice générale, la Bulgare Irina Bokova, qui achève son second mandat dans un contexte politique déjà tendu.
Dans un communiqué, le département d’Etat justifie sa décision par l’accumulation des arriérés de paiement des Etats membres, la nécessité d’une réforme en profondeur de cette organisation et son parti pris anti-isréalien persistant.
Consécration palestinienneDes trois motivations, la dernière est sans conteste la plus déterminante – les Israéliens n’ont d’ailleurs pas tardé à annoncer qu’ils emboîtaient le pas aux Américains et quittaient eux aussi l’Unesco. Dès octobre 2011, les Etats-Unis avaient, comme Israël, cessé de verser leur contribution, privant l’Unesco de quelque 22 % de son budget, pour protester contre l’admission de l’Autorité palestinienne. Avec cette admission, acquise par 107 voix pour (dont la Belgique et la France), 14 voix contre (dont les Etats-Unis et l’Allemagne) et 52 abstentions (dont la Grande-Bretagne), l’Etat palestinien devenait pour la première fois membre à part entière d’une organisation des Nations unies et cette reconnaissance internationale devait préluder, l’année suivante, à l’obtention par l’Autorité palestinienne d’un statut d’observateur à l’Onu elle-même.
L’Unesco a beau, comme l’Onu, avoir vocation à l’universalité, et les Etats-Unis ont beau plaider pour une solution au conflit israélo-palestinien qui postule la coexistence de deux Etats, le cadeau ainsi fait aux Palestiniens avait fortement irrité l’Administration Obama. La décision d’inscrire la vieille ville d’Hébron comme “zone protégée” au patrimoine mondial de l’humanité – une provocation intolérable aux yeux du gouvernement israélien – avait consommé la rupture en juillet dernier.
Un précédent sous Ronald ReaganDonald Trump ne porte pas le multilatéralisme dans son cœur (on sait qu’il veut renégocier ou abroger la plupart des traités qui lient les Etats-Unis, de l’Accord de libre-échange nord-américain à l’Accord de Paris sur le climat). Il ne se sera donc pas fait prier pour officialiser cette rupture, laquelle ne sera, toutefois, pas totale puisque les Etats-Unis entendent garder un statut d’observateur. Et ce n’est au demeurant pas la première fois qu’ils se retirent de l’Unesco. Ronald Reagan avait pris déjà cette décision en 1984, en invoquant des raisons budgétaires. L’Amérique ne devait réintégrer l’Unesco que près de vingt ans plus tard, sous la présidence de George W. Bush.
L’initiative de Washington n’en pose pas moins question. La promotion de l’éducation, de la science et de la culture à l’échelle planétaire ne devrait-elle pas, en effet, être plus que jamais une priorité à une époque marquée par la progression des extrémismes et de l’obscurantisme ? Et si tout le monde s’accorde sur la nécessité d’une réforme de l’Unesco comme de l’ensemble du système des Nations unies, Donald Trump, à la tribune de l’Onu, le mois dernier, n’en avait nullement fait un casus belli. Il n’avait pas davantage évoqué le contentieux entre l’Unesco et Israël. Il n’avait, qui plus est, pas dit un mot du conflit israélo-palestilestinien, chose plutôt exceptionnelle s’agissant d’un président américain en pareilles circonstances.
La marque de Nikki Haley ?La résolution soudaine et radicale de l’Administration américaine trahit indéniablement l’influence considérable que Benjamin Netanyahou exerce sur le président américain (et l’on présume que son gendre, Jared Kushner, proche du Premier ministre israélien, n’y est pas pour rien). Elle traduit peut-être, par ailleurs, la montée en puissance de Nikki Haley, l’ambassadeur des Etats-Unis auprès de l’Onu, qui, elle, n’a pas ménagé ses critiques contre l’Unesco. Ce qui ne serait pas anodin dans le contexte des tensions manifestes entre Donald Trump et son secrétaire d’Etat, Rex Tillerson, à qui, assure la rumeur à Washington, l’ex-gouverneur de la Caroline du Sud se verrait bien succéder.