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LIBAN

Le Hezbollah, la milice libanaise devenue acteur incontournable au Moyen-Orient

Force dominante au Liban, honnie par Israël et l’Arabie saoudite, le Hezbollah se retrouve, dans le sillage de son parrain iranien, au cœur des tensions régionales qui secouent le Moyen-Orient.

Jamais, depuis sa création en 1982, le Hezbollah n’a été aussi puissant.
Jamais, depuis sa création en 1982, le Hezbollah n’a été aussi puissant. Mahmoud Zayyat, AFP (archives)
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Plus une semaine ne passe sans que le Hezbollah libanais ne se trouve au cœur de l’actualité brûlante du Moyen-Orient. Après les nouvelles sanctions de l’administration américaine, qui l’ont ciblé cet automne, les mises en garde chroniques de hauts responsables israéliens contre lui, et les accusations répétées du pouvoir saoudien, dimanche, le mouvement chiite a été pointé du doigt par le Premier ministre libanais Saad Hariri pour justifier sa démission, prononcée dans des conditions troubles.

Force dominante au Liban, où il est accusé d’avoir imposé sa mainmise, et omniprésent dans le conflit syrien, le parti de Hassan Nasrallah se retrouve désormais au cœur des tensions régionales qui secouent actuellement le Moyen-Orient, déchiré par la rivalité entre l’Iran chiite et l’Arabie saoudite sunnite.

Jamais, depuis sa création en 1982, pour lutter contre l’armée israélienne au Sud-Liban, la milice islamiste parrainée par la République islamique d’Iran, qui s’est muée au fil des ans en un mouvement politico-militaire, n’a été aussi puissante. Et ce, de l’avis même des experts, mais aussi des ennemis de "la Résistance islamique au Liban".

Une stature régionale à part entière

Classé comme organisation terroriste par Washington et les pays du Golfe (l'UE et Paris ne qualifient que sa branche armée de terroriste), le mouvement doté d’une forte capacité de mobilisation, d’un appareil de propagande puissant, et d’un arsenal plus important que celui de l’armée libanaise, compte de plus en plus d’ennemis. Surtout depuis que son expertise militaire et son engagement aux côtés du régime syrien se sont révélés décisifs pour la survie du président Bachar al-Assad. Et celle de l’axe Téhéran-Damas, dont il est devenu indissociable.

"Depuis trois décennies, le Hezbollah a progressivement acquis une stature régionale à part entière, explique Didier Leroy, spécialiste du Hezbollah libanais, et chercheur à l’Institut royal supérieur de défense (Belgique) et à l’Université libre de Bruxelles (ULB), à France 24. Le tournant de cette évolution se situe avec la guerre en Syrie, où il s’est déployé avec succès aux côtés des troupes syriennes".

Au-delà du front syrien, où le parti a enregistré de lourdes pertes, la présence des membres du Hezbollah est signalée aux quatre coins du Moyen-Orient. "Outre les entraînements suivis par ses combattants en Iran, il a mis à disposition, selon des analystes de la région, plusieurs centaines de conseillers militaires sur le territoire irakien, où ils se coordonnent avec le pasdarans iraniens et d’autres milices chiites locales, de même qu’il a dépêché des conseillers au Yémen, en appui aux rebelles Houthis", poursuit Didier Leroy.

Un agenda iranien ?

Un agenda qui semble l’éloigner sensiblement des frontières israélo-libanaises, où il est supposé toujours concentrer toutes ses forces, pour mieux défendre les intérêts régionaux iraniens immédiats. Un éparpillement suspect pour ses pourfendeurs, qui l’accusent d’être, en plus d’un outil de terreur, un agent au service de la République islamique qui lui fournit, depuis sa création, un appui militaire, logistique et financier.

Les experts nuancent cependant la nature de cette relation particulière qui lie le parti de Dieu à Téhéran. "Au départ, le Hezbollah est né d’une volonté iranienne d’encadrer une partie de la communauté chiite libanaise, pour créer une force anti-israélienne, proprement chiite", note Didier Leroy. Selon lui, le Hezbollah, "qui est la combinaison d’une ressource humaine libanaise combinée à une aide extérieure iranienne vitale", représente "sans aucun doute un atout majeur pour Téhéran dans sa capacité à se projeter hors de ses frontières".

Pour Anaïs-Trissa Khatchadourian, chercheuse spécialisée dans l’étude du chiisme (Université du Maine), le Hezbollah "fait indéniablement partie de la sphère d’influence de la République islamique iranienne, engagée dans un bras de fer avec l’Arabie saoudite, et il est un instrument nécessaire de par son poids au Liban et son engagement en Syrie".

Mais il est cependant erroné, selon elle, de qualifier le Hezbollah de marionnette iranienne. "Le parti fait partie intégrante de la société libanaise, suit et défend ses propres intérêts et applique un agenda libanais, précise-t-elle Ceci étant dit, il faut indéniablement prendre en compte ses influences iraniennes, dans le sens où pour le Hezbollah, et c’est une position assumée, le Guide suprême à suivre reste celui de la révolution iranienne, l’ayatollah Khomeiny au départ, puis l’ayatollah Khamenei qui lui a succédé".

>> Sur France 24 : "Chaque membre ordinaire du Hezbollah est un combattant potentiel"

En effet au nom du principe du "wilâyat al-faqîh", qui affirme la primauté du religieux sur le politique, le parti chiite, son encadrement et son chef, reconnaissent obéir directement au Guide suprême iranien.

"L’allégeance du Hezbollah renvoie au walî [guide suprême iranien], et non au gouvernement iranien, insiste de son côté Erminia Chiara Calabrese, chercheuse post-doctorante au Centre d'études en sciences sociales du religieux (CESOR) à l'EHESS. Même si en réalité, la relation du parti avec le guide suprême donne au Hezbollah une large autonomie, notamment en ce qui concerne les affaires libanaises et les questions politiques."

Un chef charismatique et une résilience érigée en stratégie

Le Hezbollah, malgré cette allégeance, peut toutefois s’appuyer sur son leader, Hassan Nasrallah, dont l’image est indissociable du parti, à tel point qu’il est devenu lui aussi un acteur régional de poids. "Même si le parti est un appareil assez large et complexe, indéniablement, la personnalité, l’aura et le charisme particulier d’Hassan Nasrallah ont joué un rôle important dans le développement de l’image du parti, au Liban certes, mais aussi dans l’ensemble de la région", juge Anaïs-Trissa Khatchadourian.

Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah photographié lors de l'une de ses rares apparitions en public, en 2015.
Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah photographié lors de l'une de ses rares apparitions en public, en 2015. Anwar Amro, AFP

Un avis que partage Didier Leroy. "Le Hezbollah essaye de ne pas être le parti d’un seul homme pour ne pas contredire son idéologie, prônant la défense des opprimés et très révolutionnaire dans l’âme, explique-t-il. Mais on ne peut que constater qu’à l’échelle de cette dernière décennie, Hassan Nasrallah est le leader sous lequel le parti a cumulé les victoires politiques et militaires dont il se targue".

La résilience intégrée au sein de la stratégie du parti

Né à un moment clé de l’histoire du Moyen-Orient, après la révolution islamique en Iran, en 1979, la deuxième invasion israélienne du Liban en 1982, le Hezbollah, semble se nourrir des conflits et des tensions pour monter en puissance. Et pas seulement grâce à l’appui iranien.

"Force est de constater que depuis son émergence, le Hezbollah n’a cessé de surprendre ses adversaires, puisqu’à chaque fois qu’il s’est retrouvé engagé dans un conflit, dans lequel il était pronostiqué comme perdant, il a systématiquement réussi à en ressortir non pas aussi fort qu’avant la crise, mais plus fort, qu’il s’agisse des affrontements inter-chiites durant la guerre du Liban, qu’il s’agisse de son rapport de force avec l’armée israélienne, notamment après la guerre de 2006, et également face aux forces hostiles au régime syrien", explique Didier Leroy.

"Cela s’explique par le fait que le Hezbollah a su intégrer la notion de résilience au sein de sa stratégie, ajoute le chercheur. Notamment en développant une idéologie résiliente basée sur les symboles du chiisme, comme par exemple l’idée de la victoire du sang sur le glaive, souligne-t-il. C’est à ce niveau-là que se situe la différence entre la résistance pure et la notion de résilience, qui est la capacité de résister et de continuer à se développer en dépit d’une adversité".

Sauf que jamais, jusqu’ici, le parti de Dieu n’avait concentré autant d’ennemis à la fois, sur autant de fronts.

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