Asaf Avidan, c’est d’abord une voix. La plus singulière que l’on ait entendue depuis la disparition, en 2011, d’Amy Winehouse, dont elle partage l’équilibre instable entre séduction et failles. Ceux qui entendraient cet organe pour la première fois seraient bien en peine d’en identifier l’âge, le genre, voire l’espèce. Mama du blues confiant ses peines pendant la Grande Dépression ? Chat-huant ? Elle émane étrangement d’un gringalet israélien de 37 ans au look punkabilly, coiffé d’un compromis entre la banane et l’iroquoise.
Cette voix a trouvé ses adeptes hors de son pays, puisque le musicien joue deux soirs dans un Olympia à guichets fermés. Il reviendra au printemps pour sillonner la France en solitaire, de Royan à Belfort, de Caen à Toulouse.
Attiré et captivé par l’élasticité de ce timbre, le public parisien réagit mollement, jeudi 16 novembre, aux chansons qu’il semble méconnaître. A sa décharge, Avidan défend prioritairement ses récentes créations, extraites d’un troisième album solo (il a mené une première carrière avec le groupe The Mojos) qu’il joue quasiment dans son intégralité. Ce qui est toujours signe de bonne santé.
Beauté crépusculaire
Paru début novembre, The Study on Falling a été enregistré à Los Angeles avec le producteur canadien Mark Howard qui fut, auprès de son compatriote Daniel Lanois, artisan de la renaissance artistique de Bob Dylan avec le chef-d’œuvre Time out of Mind (1997). Les deux disques ont en commun une beauté crépusculaire et un goût pour les idiomes d’avant la naissance du rock : ballades de rhythm’n’blues, folk destructuré.
Sur scène, Avidan est accompagné d’un groupe minimal, impeccable de sobriété : un batteur, un bassiste, un claviériste privilégiant les sons de temple (orgue Hammond, piano Fender Rhodes). Lui se charge des guitares – dont une Cigar Box qu’il fait sonner comme un oud – et des voix, multiples.
Conscient du risque que ses dons le réduisent à un phénomène de télé-crochet, il s’affirme donc comme un songwriter de premier ordre, quand bien même ses thèmes d’élection sont toujours les mêmes : les mystères de la passion, les vertiges de la finitude – le jeune homme a survécu à un cancer du système lymphatique quand il avait 21 ans. Ceux qui s’attendraient à des commentaires sur le Proche-Orient peuvent passer leur chemin. Et si Avidan évoque la Bible, c’est parce qu’il « aime la littérature ».
Charisme communicatif
Autant dissiper tout malentendu. Car il dispose aussi d’un énorme tube à son répertoire, Reckoning Song, qui a cartonné en Europe dans sa version remixée (à contresens et au déplaisir de l’auteur) par le DJ allemand Wankelmut. Muni d’une guitare espagnole, Avidan restitue sa vérité à sa chanson. Dans le rasgueado, cette technique flamenca de frappes enroulées et rapides, et en ranimant le souvenir de Leonard Cohen.
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