Depuis un an, à chaque fin de shabbat, il y avait du bruit devant le domicile du procureur général israélien Avichai Mandelblit, à Petah Tikva. Plusieurs centaines de personnes s’y rassemblaient pour le rappeler à ses responsabilités. Samedi 2 décembre, le mouvement a changé radicalement d’échelle. Des dizaines de milliers de citoyens ont afflué à Tel-Aviv pour la « marche de la honte », au nom d’une même préoccupation : la préservation de l’Etat de droit. Ils veulent qu’aboutissent les nombreuses enquêtes judiciaires mettant en cause le premier ministre, Benyamin Nétanyahou, ou son entourage.
Cette mobilisation inhabituelle en Israël, jamais vue depuis les manifestations de 2011 contre le coût de la vie, n’est pas le fait d’un parti ou d’un mouvement, mais des réseaux sociaux. Elle exprime l’exaspération suscitée par les attaques du Likoud, la formation du premier ministre, contre la séparation des pouvoirs. La dernière en date est un projet de loi, passé en première lecture le 27 novembre, qui veut interdire à la police de recommander des inculpations au parquet général dans le cadre des enquêtes dites « sensibles ». Ce texte, qui devait être adopté définitivement lundi 4 décembre, suscite des remous au sein même de la majorité. Dimanche, M. Nétanyahou s’est engagé à ce qu’il ne s’applique pas aux dossiers qui le visent. Mais la rue n’a obtenu là qu’un recul tactique.
L’ambiance est délétère en Israël. Jamais encore un premier ministre ne s’était trouvé menacé par tant d’enquêtes à la fois, mettant en cause sa probité, son entourage ou sa façon de gérer les affaires publiques. Cigares, champagne, hôtels, pots-de-vin, manipulation de médias… Chaque affaire a sa dramaturgie. « Il n’y aura rien parce qu’il n’y a rien », répète M. Nétanyahou, qui joue sa survie et se replie sur un quarteron de fidèles. Lui ou le chaos ? Lui et le chaos, plutôt.
Etouffer toute concurrence à droite
En poste depuis 2009, M. Nétanyahou a exercé un premier mandat entre 1996 et 1999. La fin approche forcément, malgré sa résilience et sa capacité à étouffer toute concurrence à droite. Mais on a si souvent annoncé sa chute à tort. « Dans ce système parlementaire, il n’a pas besoin du soutien de la majorité, ni d’être le plus populaire, rappelle le consultant Aron Shaviv, qui fut à ses côtés pendant les élections victorieuses de 2015. Ce n’est pas grave d’être haï par 70 % des gens, s’il maintient une base solide de 25 %-30 %. »
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