Dépêche

Les Palestiniens "prêts à se battre" pour Jérusalem

par Ali Sawafta

JERUSALEM (Reuters) - La colère et le sentiment d'avoir été trahis par les Etats-Unis ont gagné bon nombre de Palestiniens à l'annonce des intentions de Donald Trump, qui s'apprête à reconnaître Jérusalem en tant que capitale de l'Etat d'Israël.

Beaucoup craignent une reprise des hostilités et sont convaincus qu'il s'agit de l'arrêt de mort du processus de paix comme de l'Etat palestinien auquel il était censé donner naissance, conformément au principe de "coexistence pacifique de deux Etats".

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"Trump veut aider Israël à s'emparer de la ville tout entière. Peut-être que certains ne feront rien, mais d'autres sont prêts à se battre pour Jérusalem. Cette décision va mettre le feu dans la région. Les pressions entraînent des explosions", avertit Hamad Abou Sbeïh, un chômeur de la vieille ville âgé de 28 ans.

Tsahal s'est emparée de la partie orientale de Jérusalem, alors jordanienne, en 1967, lors de la guerre des Six-Jours. Une motion adoptée en juin de la même année à la Knesset proclame la ville "capitale éternelle et indivisible d’Israël et du peuple juif", ce que la "loi fondamentale" de 1980 a confirmé.

La décision annoncée du président des Etats-Unis remet en cause la position de la communauté internationale, selon laquelle son statut doit être défini dans le cadre du processus de paix.

"C'est dingue. On parle d'un lieu sacré. Jérusalem est la capitale de l'Etat de Palestine et ni le monde ni notre peuple ne l'accepteront", s'indigne Samir al Asmar, un commerçant de la vieille ville, qui a assisté à sa prise quand il était enfant.

"Ça ne changera rien à ce qu'est Jérusalem. Elle restera arabe. Cette décision va tout saboter et les gens ne l'accepteront pas", poursuit-il, faisant écho aux gros titres de la presse palestinienne.

"Trump défie le monde", résume Al Ayyam. "Jérusalem est le symbole de l'endurance palestinienne", souligne quant à lui Al Hayat en lettres rouges.

Le froid et la pluie ont pour le moment étouffé les appels à manifester mais rares sont ceux qui doutent de l'imminence d'un nouvel accès de violence.

Le dispositif de sécurité israélien a été renforcé et aucun débordement n'a pour le moment été signalé, mais les choses pourraient changer rapidement, compte tenu des passions suscitées par l'esplanade des Mosquées, où se trouve le troisième lieu saint de l'islam.

C'est une visite de l'ancien Premier ministre israélien Ariel Sharon sur ce site que les juifs nomment Mont du Temple qui est à l'origine de la seconde Intifada, lancée en 2000.

De violents affrontements y ont encore éclaté en juillet après l'installation, à l'initiative des autorités israéliennes, de détecteurs de métaux aux abords des lieux saints.

Dans la bande de Gaza, des manifestants ont scandé "Mort à l'Amérique ! Mort à Israël ! A bas Trump !" Pour Youssef Mohammad, résident septuagénaire d'un camp de réfugiés, la décision de Trump va révéler l'impuissance du monde arabe.

"Laissons-le faire. Voyons ce que les dirigeants et les souverains arabes vont faire. Ils ne feront rien parce que ce sont des lâches", dit-il.

Sur le plan intérieur, le geste de Trump risque de remettre en cause l'accord de réconciliation que le Fatah de Mahmoud Abbas, président de l'Autorité palestinienne et partisan du processus de paix, a conclu avec le Hamas, voué à la destruction d'Israël.

Pour Hazem Qassem, porte-parole du mouvement islamiste qui administrait seul la bande de Gaza depuis juin 2007, "les Etats-Unis n'ont jamais été un médiateur neutre (...) Ils ont toujours été du côté de l'occupant".

(Jean-Philippe Lefief pour le service français)