Tribune. La perspective d’une déclaration unilatérale par les Etats-Unis d’une reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël, puis d’un transfert de l’ambassade américaine dans la ville doit nous inquiéter. D’une part parce que ces décisions risquent de mettre le monde arabe en émoi, déclenchant un nouveau cycle de violences dont personne, aujourd’hui, ne peut prédire l’amplitude et les conséquences. D’autre part, parce que, en agissant de la sorte, la plus grande puissance du monde risque fort de contribuer à conforter davantage Israël et le judaïsme dans une perception idolâtre – et dangereusement erronée – de sa relation à la terre, à la « sainteté » et à l’histoire.
L’importance religieuse de Jérusalem, la ville sainte par excellence, pour de très nombreux croyants des trois religions monothéistes, ne doit plus être démontrée. Cette évidence s’impose à tous, et les liens historiques et religieux entre la ville et le peuple juif, malgré ce qu’en pense l’Unesco, sont bien réels.
Cependant, la « sainteté » associée à ce lieu, dont la tradition juive se fait l’écho à de très nombreuses reprises, ne devrait pas être confondue avec une obligation quelconque de « souveraineté ». Ne pas « posséder » cette ville (dans un sens politique) n’implique en rien que celle-ci perde sa symbolique religieuse, identitaire et mémorielle pour le peuple juif.
« Jérusalem a-t-elle besoin d’être la capitale de l’Etat d’Israël pour garder sa signification religieuse pour le peuple juif ? »
Concrètement, Jérusalem a-t-elle besoin d’être la capitale de l’Etat d’Israël pour garder sa signification religieuse pour le peuple juif ? La question est certes audacieuse, dans la mesure où, depuis 1980, la ville est la « capitale éternelle et indivisible » d’Israël (Loi fondamentale, votée à la Knesset le 30 juillet 1980). Rares sont ceux qui, depuis, ont osé remettre en question le principe de cette loi fondamentale asseyant la légitimité d’Israël sur le souvenir historique et symbolique de ce lieu politique du pouvoir et de l’unité du peuple issu de la narration biblique.
Dans le contexte actuel, nous pourrions également ajouter que, même pour les instances internationales favorables à la création de deux Etats – Israël et la Palestine –, Jérusalem resterait capitale éternelle et indivisible, quand bien même elle serait partagée. La politique officielle de l’Union européenne (UE) n’est-elle pas justement : « Jérusalem, capitale de deux Etats » ? Bien que partagée, la ville resterait sous l’empreinte d’un certain sceau de la souveraineté.
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