Reconnaissance de Jérusalem: comme un avant-goût de nouvelle "intifada"
- Publié le 08-12-2017 à 08h48
- Mis à jour le 08-12-2017 à 13h39
Stupeur, réprobation, colère, incrédulité, la décision de Donald Trump de reconnaître Jérusalem en tant que capitale d’Israël suscite aussi bien des appréhensions. Si elle ne devrait avoir que des conséquences minimes dans la Ville sainte dans les prochaines semaines, elle ouvre par contre une boîte de Pandore pour le monde arabe et musulman, dont les réactions âpres sont à la mesure du caractère controversé de cette décision.
Des heurts ont eu lieu dans toute la Cisjordanie occupée par Israël et dans la bande de Gaza. Des Palestiniens y ont affronté jeudi des soldats israéliens, brûlant le portrait de Donald Trump. Plus d’une vingtaine de Palestiniens ont été blessés par des balles en caoutchouc ou des balles réelles.
Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne, la première concernée par cette reconnaissance, a accusé les Etats-Unis de "saper délibérément tous les efforts de paix". Non sans voir dans cette décision la proclamation "qu’ils abandonnent le rôle de sponsor du processus de paix qu’ils ont joué au cours des dernières décennies" . Plus radical, le chef du Hamas Ismaël Haniyeh, a parlé d’une "déclaration de guerre" contre le peuple palestinien et les sites sacrés musulmans. "On ne peut faire face à la politique sioniste soutenue par les Etats-Unis qu’en lançant une nouvelle intifada", a déclaré M. Haniyeh, évoquant un troisième soulèvement populaire.
Ismaël Radouane, un autre responsable du mouvement islamiste qui tente depuis deux mois une réconciliation avec le Fatah de Mahmoud Abbas, a quant à lui promis l’ouverture des "portes de l’enfer pour les intérêts américains dans la région". Devant des journalistes dans la bande de Gaza, il a appelé les pays arabes et musulmans à "couper les liens économiques et politiques" avec les ambassades américaines, et à expulser le personnel diplomatique américain.
"Une partie intégrante de la Palestine"
L’Iran a dénoncé une "provocation et une décision insensée de la part des Etats-Unis […] qui va provoquer une nouvelle intifada et pousser à des comportements plus radicaux et à davantage de colère et de violence". La décision de M. Trump est une "violation claire des résolutions internationales", a ajouté le ministère des Affaires étrangères iranien, estimant que Jérusalem était "une partie intégrante de la Palestine".
En Irak, la puissante milice irakienne de Noujaba, pro-iranienne, a jugé "légitime de frapper les forces américaines en Irak". "Al Akhbar", journal réputé proche du Hezbollah libanais, a publié en Une une photo montrant un drapeau américain en flammes et légendée : "Mort à l’Amérique".
En tant que chef des file des pays sunnites de la région, l’Arabie saoudite a critiqué une décision "injustifiée et irresponsable". Riyad a exprimé "de profonds regrets" rappelant qu’il avait "déjà mis en garde contre les graves conséquences que peut avoir cette décision", a souligné un communiqué du Palais royal cité par les médias d’Etat.
Le communiqué saoudien dit espérer "voir l’administration américaine revenir sur cette décision" qui "va à l’encontre des droits historiques des Palestiniens à Jérusalem […] et va compliquer le conflit entre Israël et les Palestiniens".
L’espoir que Washington revienne sur sa décision
Pour Riyad, il s’agit "d’un recul dans les efforts en faveur du processus de paix et d’une violation de la position américaine historiquement neutre sur Jérusalem".
Mercredi, avant l’annonce de la décision américaine, les délégations palestiniennes et jordaniennes à la Ligue arabe avaient demandé, avec l’appui du Maroc, une réunion d’urgence des ministres des Affaires étrangères. Cette réunion devrait se tenir samedi. Selon la demande du représentant de la Palestine, elle devrait permettre d’examiner "les actions arabes qui s’imposent au sujet de ce changement affectant le statut juridique et historique de Jérusalem".
L’Union européenne exprime sa vive inquiétude
La mise en garde adressée, mardi à Bruxelles, au chef de la diplomatie américaine Rex Tillerson par la haute représentante pour la politique étrangère et de sécurité de l’Union européenne, Federica Mogherini, est restée sans effet. Donald Trump a franchi le pas mercredi, et reconnu Jérusalem comme capitale officielle d’Israël. Dans le "contexte fragile" du Proche-Orient, cette annonce "peut potentiellement nous renvoyer à une époque plus sombre encore que celle nous vivons aujourd’hui", a déclaré Mme Mogherini, jeudi, lors d’un point presse. La position de l’Union européenne, unanimement soutenue par les Vingt-huit, reste inchangée, a insisté l’Italienne : "La seule solution réaliste" pour parvenir à la paix est celle des deux Etats, "avec Jérusalem comme capitale de l’Etat d’Israël et de l’Etat de Palestine".
Si Federica Mogherini a souligné que l’Union estime toujours que les Etats-Unis sont un interlocuteur essentiel à la relance du processus de paix, elle n’en constate pas moins que "[le] mouvement [de Donald Trump] pourrait diminuer le rôle potentiel" que Washington "pourrait jouer dans la région et créer de la confusion". L’Union, pour sa part, "est déterminée à jouer un rôle plus actif pour relancer le processus de paix", en collaboration avec le Quartet pour le Proche-Orient (Etats-Unis, Russie, Nations unies, UE).
Reste à voir si Israël est disposé à laisser l’Europe prendre cette place. On devrait en avoir un premier indice lundi, lors de la visite Benjamin Netanyahou à Bruxelles, lundi. Le Premier ministre israélien sera l’invité de la réunion des ministres européens des Affaires étrangères. Sans surprise, "le principal point de discussion sera la situation à Jérusalem et le processus de paix", a annoncé Mme Mogherini.