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Envoyée spéciale

Donald Trump et le Moyen-Orient : des réponses à vos questions

La correspondante de Radio-Canada pour le Moyen-Orient, Marie-Eve Bédard, répond aux questions du public sur Facebook. Derrière elle, la ville de Jérusalem.

La correspondante de Radio-Canada pour le Moyen-Orient, Marie-Eve Bédard, répond aux questions du public sur Facebook.

Photo : Radio-Canada

Radio-Canada

Dans les jours qui ont suivi la décision unilatérale des États-Unis de reconnaître Jérusalem comme capitale d'Israël, les Palestiniens en colère ont exprimé leur rage sous forme de manifestations. Vendredi, la correspondante de Radio-Canada pour le Moyen-Orient, Marie-Eve Bédard, qui se trouve à Jérusalem, a répondu aux questions des internautes en direct sur Facebook. En voici un résumé.

1. Quel est le contexte qui rend la question de Jérusalem si complexe, si explosive?

Marie-Eve Bédard : Le gouvernement israélien a toujours considéré la ville de Jérusalem comme sa capitale nationale. C’est là qu’est installé le Parlement israélien. Depuis la guerre de 1967 (depuis que les Israéliens ont occupé la partie est de Jérusalem, qui, auparavant, était contrôlée par la Jordanie), cette partie est de Jérusalem est revendiquée par les Palestiniens comme l'éventuelle capitale d’un futur État indépendant palestinien, ce qui aurait dû être négocié au cours d’accords de paix. On a toujours considéré que c’était une question à ce point sensible qu’on gardait la résolution du statut de Jérusalem pour la toute fin de chacune des tentatives de négociation.

Jérusalem est une ville sainte pour plusieurs des grandes religions. C’est une ville où l'on trouve le plus important lieu saint pour la religion juive, le mur des Lamentations. Mais c’est aussi le troisième lieu saint de l’islam, avec l’esplanade des Mosquées, la mosquée Al-Aqsa, où se déroulait, vendredi, cette grande prière.

Donc on lutte pour obtenir le contrôle de ce territoire. Pour le moment, l’esplanade des Mosquées, la mosquée Al-Aqsa, c’est un lieu dont la Jordanie a la gestion, donc une tierce partie plus indépendante, mais où seuls les musulmans peuvent entrer pour aller prier.

Évidemment, pour les chrétiens, c’est également une ville sainte. On y trouve le Saint-Sépulcre.

C’est donc une ville avec un statut très particulier, et à laquelle tout le monde est profondément attaché.

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2. Comment Donald Trump a-t-il le pouvoir de changer une capitale d’un autre pays?

M.-E. B. : Donald Trump ne peut pas changer la capitale d’un autre pays. Pour l’État israélien, Jérusalem a toujours été la capitale. Les pays étrangers ne reconnaissent pas cet état de fait. On attend de négocier le statut de la ville de Jérusalem dans des accords de paix qui sont soutenus par la communauté internationale. L’ensemble de la communauté internationale est unanime depuis 1982, depuis des résolutions de l’ONU, pour dire que cette question du statut de Jérusalem doit attendre qu’il y ait un accord de paix, à la faveur d’une solution à deux États – c’est-à-dire un État indépendant israélien et un État indépendant palestinien.

Ce que Donald Trump a fait, c’est qu’il a reconnu cette position israélienne. Dans son discours, il a dit que c’était un état de fait de toute façon; que le Parlement israélien, la Knesset, y siège; que les institutions politiques du gouvernement israélien s’y trouvent, à Jérusalem; que ça n’avait pas fait avancer la paix entre les Israéliens et les Palestiniens que de ne pas reconnaître cet état de fait. Donc c’est une décision très symbolique, qui a un poids important.

Donald Trump a passé la dernière année à affirmer qu’il recherchait une paix durable au Moyen-Orient. Il a envoyé plusieurs de ses conseillers pour rencontrer les dirigeants du côté palestinien, du côté israélien et partout dans le monde arabe pour tenter de relancer un processus de paix qui était complètement moribond. Ce n’est pas à lui de décider. L’ensemble de la communauté internationale s’entend pour dire que tant qu’on n’a pas réglé le conflit israélo-palestinien et, surtout, cette question du statut de Jérusalem, on ne peut pas reconnaître la ville comme étant la capitale israélienne. Et l’ensemble des ambassades (il y en a 85 à Israël) ont pignon sur rue à Tel-Aviv, qui est la métropole israélienne. Les représentations diplomatiques officielles se trouvent de ce côté.

3. Quel est l’intérêt de Donald Trump et des États-Unis de désigner Jérusalem comme capitale?

M.-E. B. : Dans son discours cette semaine, Donald Trump a aussi précisé que la décision de reconnaître Jérusalem comme la capitale d'Israël ne voulait pas dire que ça définissait les frontières géographiques de ce que représentait Israël. Il a donc ouvert la porte aux réclamations palestiniennes sur la partie est de Jérusalem.

Plusieurs observateurs de la politique interne américaine croient qu’il y a un intérêt électoraliste pour M. Trump que de poser ce geste et de prendre cette décision à ce moment-ci. C’est une décision qui fait plaisir à une partie de sa base conservatrice aux États-Unis. Mais, autrement, si vous posez la question : "Quel était l’intérêt de M. Trump à ce moment-ci?" ici, dans la région, du côté palestinien, dans le monde arabo-musulman, vous allez rencontrer majoritairement de l’incompréhension.

Dans la rue, les gens qui manifestent nous disent que M. Trump était soit complètement idiot, soit complètement irresponsable. Les gens disent aussi qu’il devait s’attendre à une vive réaction; à ce que ça provoque la colère des Palestiniens, mais aussi des musulmans.

4. Le gouvernement israélien a vivement applaudi la décision de Donald Trump. Est-ce le même son de cloche dans la population?

M.-E. B. : Au sein du gouvernement israélien, oui. Les gens sont réjouis et se sont montrés profondément reconnaissants. Il y a même certains ministres qui auraient souhaité que Donald Trump aille plus loin, aille plus vite; que ça se transforme en geste concret beaucoup plus rapidement. Le gouvernement appelle aussi d’autres pays à emboîter le pas à Washington en prenant la décision de déménager leur ambassade à Jérusalem.

Au sein de la population, cette annonce est accueillie de deux façons principalement. Pour une partie de la population israélienne, il y a un enthousiasme qui est réel, même si l'on a tenté de minimiser les célébrations. Les autorités ont demandé aux gens de se montrer discrets, de faire preuve de modération. Il y a aussi une bonne partie de la population israélienne qui dit : et alors? La capitale d’Israël, c’est Jérusalem; on n’avait pas besoin de Donald Trump pour reconnaître cet état de fait, et donc ça ne change pas grand-chose dans notre existence. Il y a aussi une partie minoritaire dans la société israélienne qui manifeste contre l’occupation israélienne et qui craint véritablement les conséquences de cette annonce. Pour elle, ça ne fait que raviver les violences et ça n’aide en rien la situation.

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5. Croyez-vous que cette reconnaissance de la part des Américains est un point de non-retour dans le conflit israélo-palestinien? Existe-t-il encore un scénario réalisable menant à la paix dans la région?

M.-E. B. : Je dirais qu’on est plus loin de la paix que jamais. Il y a des gens qui font pression en ce moment sur l’Autorité palestinienne et sur son président, Mahmoud Abbas, pour qu’il se retire complètement du processus diplomatique.

Pour qu’une paix puisse être réalisée, il faut que toutes les parties soient assises à la table. Donald Trump se présentait comme le médiateur; celui qui allait parvenir à obtenir une bonne affaire, comme il aimait le dire, pour les Israéliens et les Palestiniens. Aujourd’hui, la perception de l’homme du côté palestinien est tout autre. On l’a répété à plusieurs reprises depuis son annonce : il ne peut plus être perçu comme un honnête médiateur. On ne croit plus que Donald Trump cherche le bien des deux parties. On a l’impression qu’il a choisi son camp. C’est difficile de demander à une partie qui se sent complètement lésée de faire confiance à Donald Trump aujourd’hui.

Il y a aussi une partie de la population palestinienne qui ne croit plus à la solution à deux États. Beaucoup de gens sont désabusés et ne croient plus qu’ils puissent prétendre à un État palestinien. Donc pour le moment, le processus de paix est au point mort, et on a l’impression qu’on s’éloigne de plus en plus d’une possibilité de trouver une solution de conciliation qui va satisfaire toutes les parties.

6. Est-ce qu’il y aurait moyen de faire de Jérusalem une ville neutre, comme le Vatican?

M.-E. B. : C’est ce que certaines personnes réclament : que Jérusalem soit administrée peut-être par les Nations unies, comme il s’agit d’une ville qui est un lieu saint. Mais ce n’est pas une position qui pourrait satisfaire, pour le moment en tout cas, le gouvernement israélien. Quand il parle de Jérusalem, sa capitale, c’est une capitale éternelle et indivisible. De retrancher une partie de cette ville pour y contenir la vieille ville de Jérusalem, ça demanderait des années de négociations. Même chose du côté palestinien.

Les réponses de Marie-Eve Bédard ont pu être légèrement modifiées ou abrégées pour faciliter la compréhension du texte.

Vous pouvez réécouter la conversation avec Marie-Eve Bédard dans la vidéo ci-dessous :

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