Israël cadenasse le sort de Jérusalem
- Publié le 04-01-2018 à 15h30
- Mis à jour le 04-01-2018 à 15h35
Le Parlement israélien a voté une loi qui rend difficile toute future partition de la Ville sainte.Il n’aura pas fallu un mois. Après la déclaration du 6 décembre par le président américain Donald Trump sur la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël, l’Etat hébreu réaffirme sa souveraineté sur la Ville sainte. Les députés de la Knesset (Parlement israélien) ont voté, à 64 voix contre 51, plus une abstention, pour un projet de loi qui compromet toute division territoriale de Jérusalem, dans la perspective d’un futur accord de paix avec les Palestiniens.
Le texte adopté exige un vote spécial à la majorité des deux tiers à la Knesset pour renoncer à toute partie de Jérusalem en faveur d’une "entité étrangère".
La législation adoptée est en fait un amendement à la Loi fondamentale de Jérusalem, votée en 1980 et proclamant Jérusalem "entière et unifiée" capitale de l’Etat hébreu. Israël dit avoir réunifié la Ville sainte en juin 1967, après la guerre des Six jours, en annexant sa partie orientale. La communauté internationale n’a jamais reconnu l’annexion israélienne de 1967, encore moins Jérusalem comme capitale israélienne. Le sort de la ville doit faire l’objet d’un statut négocié entre Israël et les Palestiniens. D’ailleurs, si Trump s’est prononcé pour une reconnaissance unilatérale de Jérusalem comme capitale israélienne, il n’a pas spécifié les limites de la souveraineté israélienne.
Or c’est bien pour asseoir son hégémonie sur l’ensemble de la Ville sainte que la coalition de droite au gouvernement a soutenu cet amendement. Présenté en juillet à la Knesset, celui-ci doit "empêcher les concessions dans le cadre de futurs accords diplomatiques" et garantir que "Jérusalem ne sera jamais sur la table des négociations", selon les mots de la députée du Foyer juif (parti de droite nationaliste) Shuli Moalem-Refaeli, qui avait alors défendu le texte au Parlement. A l’avenir, en cas d’une reprise des pourparlers entre Israël et les Palestiniens, l’amendement adopté sera une difficulté supplémentaire pour parvenir à un accord de paix.
Une "déclaration de guerre"
La loi adoptée le 2 janvier a d’ailleurs suscité la colère des responsables palestiniens. Suite à la déclaration de M. Trump sur Jérusalem, la loi équivaut à "une déclaration de guerre au peuple palestinien et à son identité politique et religieuse", a réagi dans un communiqué le bureau du président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas. Pour le secrétaire général de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), Saëb Erakat, Israël ose prendre de telles décisions parce qu’il bénéficie du soutien des Etats-Unis. "Dans ses déclarations, Donald Trump a signifié aux Israéliens qu’il ne leur mettrait aucune pression concernant Jérusalem ou une solution à deux Etats", signale Aviv Tartasky, un responsable de l’ONG israélienne Ir Amim. La stratégie de la droite israélienne au pouvoir se décline donc en deux axes : "bloquer la solution à deux Etats" en la rendant de facto impossible et ensuite, "contrôler une population sous occupation", dit-il.
Car l’amendement prévoit aussi de faciliter un nouveau tracé des frontières municipales de la ville, qui permettrait d’exclure certains quartiers arabes de Jérusalem-Est, situés au-delà du mur de séparation et où habitent près des deux tiers des Palestiniens résidents de Jérusalem (300 000 au total). A terme, la population palestinienne concernée perdrait son statut de résident mais resterait sous souveraineté israélienne. Le ministre de Jérusalem, Zeev Elkin (Likoud), qui a défendu cet aspect de la loi, entend ainsi s’assurer d’une majorité juive israélienne dans la Ville sainte. Et rendre irrévocable l’unification de 1967.