Les canons à eau avancent, puis reculent. Leur détermination est douteuse, leurs jets manquent de puissance. On sent les policiers aussi irrités qu’embarrassés. Face à eux, des centaines de silhouettes sombres dansent et chantent. Certains se jettent sous les roues des camions avant d’être évacués. D’autres, stoïques, ont protégé leur chapeau noir avec un sac plastique puis ont offert leur dos aux jets à haute pression. Ils psalmodient. En ce dimanche de la fin novembre, les tramways ne passent pas au bout de la rue Jaffa, à Jérusalem. Une nouvelle manifestation réunit la frange la plus endurcie, très jeune, des communautés ultra-orthodoxes. Celle prête à tous les excès pour s’opposer à une perspective insupportable : le service militaire obligatoire pour tous.
Plus d’exemption permettant de consacrer sa vie à Dieu et aux textes ? On est encore loin d’une telle révolution. Mais le 12 septembre, la Haute Cour de justice a estimé que la législation en vigueur était discriminatoire envers le reste des jeunes Israéliens, ceux qui font leur service. Une loi qui prévoyait d’accélérer la participation des haredim (« les craignant Dieu ») à l’armée avait en effet été neutralisée par un amendement voté en 2015. Les hauts magistrats ont donné jusqu’à la fin de l’été 2018 au gouvernement de Benyamin Nétanyahou pour concevoir un nouveau dispositif. La coalition de droite, à laquelle participent deux formations ultra-orthodoxes choyées comme jamais, cherche une porte de sortie. En attendant, cette population religieuse est mobilisée pour pousser ses propres représentants à l’action.
Raidissement contre le service militaire
Au moment de la fondation de l’Etat d’Israël, il y a soixante-dix ans, les haredim ne se distinguaient pas du reste de la population. Mais les premiers dirigeants laïcs, à commencer par le premier ministre, David Ben Gourion, ont accordé une exemption aux jeunes ultra-orthodoxes pour étudier la Torah, notamment parce que beaucoup de yeshiva (écoles religieuses) avaient été anéanties en Europe pendant la guerre. Les rabbins ont ensuite défendu ce principe, redoutant la dissolution de l’identité religieuse conservatrice dans le chaudron de l’armée, où l’uniforme efface les différences. Pour eux, la mixité est une contamination, une forme de dégradation morale.
Au fil des décennies, ces communautés se sont étendues, tout en se raidissant contre le service militaire. La tension avec le reste de la société s’est focalisée sur cet engagement patriotique, qui mobilise les hommes pendant 32 mois et les femmes pendant 24. Certes, le nombre de jeunes intégrant les forces armées est en hausse constante. Mais cela correspond à la croissance générale de ces communautés, qui représentent aujourd’hui 11 % de la population. En pourcentage, près d’un haredi sur trois sert sous les drapeaux, selon une étude du Israel Democracy Institute. On est encore loin d’une généralisation. Or les besoins en personnel ne cessent d’augmenter, entre l’occupation en Cisjordanie, la poudrière de la bande de Gaza, la menace du Hezbollah au Liban, la Syrie…
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