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Au FIPA, un documentaire sur le hackeur Ulcan fait polémique

La projection de « The Patriot », un documentaire contesté sur le hackeur franco-israélien, a suscité débats et vives réactions au Festival international de la création audiovisuelle de Biarritz.

Par  et

Publié le 26 janvier 2018 à 13h35, modifié le 26 janvier 2018 à 13h40

Temps de Lecture 70 min.

A l’ouverture de la 31e édition du Festival international de la création audiovisuelle (FIPA) de Biarritz, mardi 23 janvier, une feuille volante accompagnait l’agenda des projections de la semaine. Dessus : le nouveau synopsis du documentaire The Patriot, consacré au hackeur sioniste franco-israélien Gregory Chelli, plus connu sous le nom de Ulcan.

La première description du film diffusée par le FIPA avait fait « frémir » les journalistes Pierre Haski (Rue89), Daniel Schneidermann (Arrêt sur Images) et Denis Sieffert (Politis), au point de vouloir s’en expliquer dans une lettre ouverte publiée le 16 janvier, sur le site de Politis. Tous trois reprochaient au festival de présenter l’« hacktiviste » comme « un hackeur sioniste militant » livrant « une guerre virtuelle et sans merci aux leaders du mouvement antisémite français. »

Un portrait un peu vite tracé pour les journalistes, qui ont eux-mêmes été victimes de Ulcan, dont l’une des marques de fabrique est le swatting, autrement dit le fait d’envoyer la police chez les personnes prises pour cible. « Ces quelques lignes contiennent une diffamation infamante contre toutes les victimes d’Ulcan présentées comme antisémites », peut-on également lire dans la lettre. Sans pour autant demander la déprogrammation du film, les signataires réclamaient, outre le changement de description du documentaire, l’organisation d’un débat avant ou après la projection.

C’est donc dans ce contexte que le public biarrot a assisté, jeudi 25, à la diffusion du documentaire polémique réalisé par Daniel Sivan. Hormis son titre mélioratif, The Patriot pose question ; beaucoup lui reprochant notamment de mettre en exergue les faits et gestes de Ulcan et son narcissisme démesuré, sans plus de contextualisation et de mise à distance. Le propos n’est ainsi que rarement nuancé et/ou clarifié.

Conçu comme une succession d’extraits de vidéos Youtube, le documentaire joue avec les codes du genre. Du coup, le téléspectateur navigue à travers le film comme s’il surfait sur internet. Pour illustrer l’antisémitisme en France le réalisateur s’appuie, entre les diatribes de Dieudonné et d’Alain Soral notamment, sur la vidéo du journaliste israélien Zvika Klein, qui s’était filmé en 2015 marchant dans Paris avec une kippa sur la tête. A l’époque, plusieurs médias, dont « Envoyé Spécial », avaient pointé du doigt les incohérences et le montage sélectif du journaliste.

Un manque de distanciation

Pour ses détracteurs, le documentaire apparaît surtout comme un portrait bienveillant de Gregory Chelli, érigé au rang de véritable « justicier » des temps modernes luttant contre l’antisémitisme. Un traitement de faveur « insupportable » pour Pierre Haski. Le cofondateur de Rue89, qui avoue regretter, aujourd’hui, d’avoir participé au documentaire, considère que l’antisémitisme est un sujet bien trop grave pour être traité par le seul prisme du hackeur. De son côté, le producteur de The Patriot, Zafrir Kochanovsky, également présent lors du débat, se défend de toute volonté hagiographique : « On voulait simplement travailler sur les hackeurs et on a trouvé Gregory Chelli. En aucun cas on a voulu en faire un héros. »

Un héros dont l’hubris est toutefois contrebalancé par le témoignage de Benoît Le Corre, journaliste à Rue89, dont le père est mort d’un infarctus en octobre 2014, après avoir été victime de plusieurs canulars téléphoniques orchestrés par Gregory Chelli. Cette affaire poussera d’ailleurs le parquet de Paris à ouvrir deux informations judiciaires, l’une pour
« violences volontaires », l’autre pour « accès frauduleux à un système de traitement automatique de données ».

Un Ulcan toujours plus détaché

Ce témoignage utilisé comme conclusion du documentaire aurait nuancé le propos. A la place, le film continue de faire la part belle à un Ulcan toujours plus détaché. Celui-ci ira jusqu’à citer Vladimir Jabotinsky, un des pères fondateurs de la droite sioniste israélienne : « Juif, fier, noble et cruel. »

La présidente du Fipa, Anne Georget, a avoué quant à elle avoir pris connaissance du personnage lors de la programmation du documentaire. Pour elle, ce qui ressort du film c’est que « d’où qu’elle vienne, la haine est atroce ».

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Présenté hors compétition dans le cadre d’un focus consacré cette année à la production audiovisuelle israélienne, The Patriot entache quelque peu l’effort de paix mis en avant dans plusieurs des réalisations émanant de ce pays. En début de semaine, des cinéastes internationaux et des professionnel-le-s de l’audiovisuel ont adressé une lettre ouverte aux organisateurs du FIPA pour protester contre son choix de s’associer avec le gouvernement israélien qui intensifie, selon eux, « l’occupation, la colonisation et le nettoyage ethnique du peuple palestinien. »

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