Au lendemain de recommandations de la police israélienne, préconisant qu’il soit poursuivi dans deux affaires de corruption, le premier ministre, Benyamin Nétanyahou s’est montré serein mercredi 14 février. Dans un discours prononcé à Tel-Aviv, M. Nétanyahou a assuré que la coalition sur laquelle repose son gouvernement était « stable » :
« Je peux vous rassurer : la coalition est stable et ni moi ni personne n’avons de projet d’élections [anticipées]. Nous allons continuer à travailler ensemble pour le bien de nos citoyens israéliens jusqu’à la fin du mandat [prévue en 2019]. »
Dans un discours tenu dans la même ville, Naftali Bennett, ministre de l’éducation et chef du parti Foyer juif, l’un des piliers de la coalition gouvernementale, a critiqué le premier ministre.
« Accepter sur une période prolongée des cadeaux représentant de grosses sommes, ce n’est pas être à la hauteur des standards » d’une personnalité censée donner l’exemple a estimé M. Bennet, déclarant que « nous sommes dans un Etat de droit, et le premier ministre reste présumé innocent ». Ajoutant que c’est pour cela qu’il avait « décidé d’attendre ». Naftali Bennett a toutefois ajouté qu’il restait au sein de la coalition jusqu’à ce que le procureur général décide ou non de poursuivre le chef du gouvernement.
Du côté de la presse israélienne, le quotidien Yediot Aharonot, hostile à M. Nétanyahou, parle de « début de la fin ». Mais les responsables israéliens et les dirigeants internationaux risquent de traiter encore un certain temps avec une personnalité apparemment sans rival dans son pays, interlocuteur de longue date des plus grands à l’étranger.
Deux affaires :
Mardi soir, la police israélienne avait formellement transmis ses recommandations au parquet général, dans deux des enquêtes visant le premier ministre. Au terme de ses investigations, elle plaide en faveur de son inculpation pour corruption, fraude et abus de confiance dans deux affaires.
- Le « dossier 1000 ». Le couple Nétanyahou et son fils Yaïr sont suspectés d’avoir bénéficié des largesses d’un producteur à Hollywood, Arnon Milchan, et du milliardaire australien James Packer, pour un montant de 1 million de shekels (229 000 euros). Le premier leur aurait livré régulièrement du champagne et des cigares, ainsi que des bijoux pour Sara Nétanyahou. En contrepartie, M. Nétanyahou aurait notamment facilité une législation réduisant les impôts pour les Israéliens ayant séjourné longtemps à l’étranger ;
- La seconde affaire, le « dossier 2000 », met en cause les liens de Benyamin Nétanyahou et du propriétaire du quotidien Yediot Aharonot, Arnon Mozes, lui aussi visé par la police. Celle-ci dispose d’enregistrements de conversations des deux hommes, qui envisagent un pacte compromettant, aux dépens de Sheldon Adelson. Ce dernier est un milliardaire américain, magnat des casinos, qui a créé en 2007 Israel Hayom, un quotidien gratuit à grand tirage. Dans ses conversations avec Arnon Mozes, M. Nétanyahou propose de soutenir un projet de loi pour réduire la distribution d’Israel Hayom, grand rival du Yediot. En échange, Arnon Mozes organiserait une couverture médiatique plus favorable au gouvernement Nétanyahou de la part de son journal. M. Nétanyahou prétend qu’il ne s’agissait que d’une conversation à bâtons rompus, sans engagement.
Les adversaires de Benyamin Nétanyahou réfutent l’argument des petits cadeaux entre vieux amis. Pour eux, les deux affaires ne sont que la « partie émergée de l’iceberg », une corruption systématisée et des échanges de faveurs auxquels MM. Milchan et Packer ne seraient pas les seuls à avoir contribué.
« Sans équivoque possible, le premier ministre doit démissionner », a répété mercredi le leadeur du Parti travailliste, parti d’opposition, Avi Gabbay. « Il n’estpas digne de rester premier ministre. »
Bientôt douze années au pouvoir
La décision de l’inculpation incombe au procureur général Avichaï Mandelblit, qui a été nommé à ce poste par Benyamin Nétanyahou et qui avait été auparavant son secrétaire du cabinet des ministres. Rien ne l’oblige à prendre une décision rapide, et même inculpé, M. Nétanyahou ne sera pas forcé de se retirer.
Le premier ministre a annoncé lui-même mardi soir qu’il avait fait l’objet ces dernières années d’une quinzaine d’enquêtes plus ou moins avancées, et qu’il n’en était jamais rien sorti. Dans certains cas, la police a recommandé son inculpation, sans que cela soit suivi d’effet.
Les conclusions de la police mettent en question le maintien au gouvernement de M. Nétanyahou, au pouvoir depuis bientôt douze ans au total, et notamment l’attitude de ses partenaires de coalition. Ces derniers n’ont signalé jusqu’alors aucune intention de se désolidariser.
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