La mairie de Jérusalem a l'intention de taxer les Eglises chrétiennes
La municipalité remet en cause une exemption fiscale en vigueur dans la Ville sainte.
- Publié le 18-02-2018 à 19h32
- Mis à jour le 18-02-2018 à 19h34

La municipalité remet en cause une exemption fiscale en vigueur dans la Ville sainte.La querelle ne fait que commencer. Au début du mois de février, la municipalité de Jérusalem a annoncé son intention de taxer les Eglises chrétiennes de Jérusalem, de rite catholique et orthodoxe, sur leurs propriétés dans la Ville sainte. Prises de court, celles-ci dénoncent un changement unilatéral de politique à leur égard, sans aucune notification préalable.
Suivant la législation israélienne, le paiement de la taxe municipale d'habitation, ou Arnona, est obligatoire pour tout résident ou détenteur d'un bien immobilier en Israël. Or, selon une tradition instaurée depuis l'époque ottomane, les Eglises à Jérusalem bénéficient d'une exemption fiscale. Ce statu quo est actuellement remis en cause par la mairie, qui précise que les accords internationaux d'exemption prédéfinis ne sont valables que sur les lieux de culte, et non pas sur les biens à usage commercial, qui génèrent des revenus. Elle entend donc désormais imposer ces biens ecclésiaux.
Le directeur général de la municipalité, Amnon Merhav, a donc établi la dette des Eglises pour 887 propriétés à 657 millions de shekels (soit 150 millions d'euros), les considérant comme des arriérés de paiement. "Nous n'accepterons pas que les résidents de Jérusalem financent ces importantes sommes [de taxes qui devraient être prétendument payées par les Eglises]", a d'ailleurs justifié le maire de Jérusalem, Nir Barkat.
Comptes bancaires gelés
"La municipalité dresse un tableau noir des Eglises comme si elles volaient l'argent du contribuable, ce qui est totalement faux", observe Fareed Jubran, conseiller juridique de la Custodie de Terre sainte, gardienne des Lieux saints pour l'Eglise catholique. Celle-ci s'est récemment vu notifier qu'elle devrait payer l'équivalent de sept années de taxe impayée, soit 145 000 euros, et que certains de ses biens mobiliers pourraient être saisis. La municipalité a également déjà fait geler les comptes bancaires de plusieurs Eglises. Une manière "brutale" et "cynique" de procéder, commente M. Jubran, alors que les Eglises génèrent pour la ville d'importantes recettes, via le tourisme de pèlerinage. Sans compter leur engagement auprès des chrétiens palestiniens.
Dans un communiqué conjoint datant du 15 février, les patriarches et les chefs des Eglises grecque orthodoxe, arménienne, copte, catholique, luthérienne ou maronite, ont rappelé qu'"à travers les siècles" les autorités civiles avaient "toujours reconnu et respecté la grande contribution des Eglises, qui investissent des milliards dans la construction d'écoles, d'hôpitaux et de maisons". La décision de la mairie "sape à la fois le caractère sacré de Jérusalem et compromet la capacité de l'Eglise à mener son ministère", ont-ils dénoncé, réclamant le retrait d'une telle mesure. Les conseillers juridiques des Eglises concernées se réuniront prochainement pour explorer toutes les voies légales possibles, afin d'en bloquer l'application.
Règlement de compte ?
La raison de cette récente décision demeure obscure. Selon certains observateurs, la manœuvre relèverait du règlement de compte politique, le maire de Jérusalem reprochant au ministre des Finances, Moshe Kahlon, de ne pas fournir suffisamment de budget à sa ville. Imposer les Eglises de Jérusalem serait donc un moyen de pression efficace auprès du gouvernement, compte tenu du caractère sensible de l'affaire et de sa visibilité à une échelle internationale. Plus localement, la taxation des Eglises pourrait tout aussi bien faire partie de la stratégie électoraliste de Nir Barkat, dans la perspective des prochaines élections municipales à Jérusalem prévues pour l'automne 2018.