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Pologne-Israël : le torchon brûle de plus belle

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Le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki (à gauche) et son homologue israélien Benjamin Netanyahu pendant la Conférence de Munich sur la sécurité, le 18 février 2018
Le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki (à gauche) et son homologue israélien Benjamin Netanyahu pendant la Conférence de Munich sur la sécurité, le 18 février 2018
AFP - Thomas KIENZLE

Le gouvernement polonais espérait que les émotions soulevées par sa loi controversée retomberaient rapidement, mais en parlant d'"auteurs juifs" de la Shoah, le Premier ministre Mateusz Morawiecki a rallumé l'incendie avec Israël.

En voulant défendre la récente loi controversée destinée à protéger la Pologne d'accusations de complicité de génocide avec les nazis, M. Morawiecki a fait scandale samedi en affirmant qu'il y avait aussi "des auteurs juifs" de la Shoah. Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a jugé ces propos "inacceptables".

"C'est tragique. Et un changement positif n'est plus possible que dans une perspective à plus long terme" dans les relations entre la Pologne et Israël, déplore le politologue Stanislaw Mocek.

Dans un entretien avec l'AFP, M. Mocek reproche à la "politique historique" des conservateurs au pouvoir de "détruire les relations internationales bâties depuis plus d'un quart de siècle" et de "créer l'identité nationale par la voie de conflits avec tous".

"Après l'histoire des réparations de guerre allemandes, ce sont les relations avec les Juifs à travers le monde - donc non seulement avec Israël -, avec l'Ukraine, sans parler de la Russie, peut-être bientôt avec les Tchèques et les Slovaques, parce que bien sûr il y a eu quelques litiges historiques" avec eux, poursuit l'universitaire.

Le secours pourrait venir en premier lieu du Tribunal constitutionnel polonais. Le président Andrzej Duda l'a chargé, en promulguant la loi, d'en vérifier certains passages.

Une survivante des camps de la mort montre une photo de classe datant de son enfance en Pologne pendant une manifestation devant l'ambassade polonaise à Tel Aviv, le 8 février 2018 (AFP/Archives - GIL COHEN-MAGEN)
Une survivante des camps de la mort montre une photo de classe datant de son enfance en Pologne pendant une manifestation devant l'ambassade polonaise à Tel Aviv, le 8 février 2018 (AFP/Archives - GIL COHEN-MAGEN)

Destinée selon ses auteurs à défendre l'image de la Pologne à l'étranger, et notamment à combattre l'expression inexacte de "camps de la mort polonais", cette loi est perçue en Israël comme une tentative de nier la participation de certains Polonais à l'extermination des Juifs.

Au fur et à mesure que la tension autour de la loi monte, les responsables polonais apparaissent de plus en plus convaincus que le Tribunal en modifiera le texte.

"Une certaine interprétation (de la loi par le Tribunal) est nécessaire, pour éliminer les doutes qui apparaissent", a déclaré lundi le chef de la diplomatie polonaise Jacek Czaputowicz sur la chaîne privée Polsat.

Pour lui, les paroles controversées du Premier ministre à Munich sont dues "de toute évidence à une erreur de vocabulaire" et "il n'y a vraiment pas de quoi demander pardon (...) il faut l'expliquer".

-"L'essence à la place de l'eau"-

Les commentateurs des principaux quotidiens polonais restent sévères.

Le Premier ministre "devait éteindre l'incendie dans les relations polono-israéliennes, mais il a versé de l'essence à la place de l'eau", écrit Gazeta Wyborcza (GW), proche de l'opposition.

L'entrée du camp d'Auschwitz en janvier 1945 (AFP/Archives - -)
L'entrée du camp d'Auschwitz en janvier 1945 (AFP/Archives - -)

"Qui étaient, selon le Premier ministre, ces +auteurs juifs+ (de la Shoah)?, demande GW. Pensait-il par exemple aux membres du Sonderkommando d'Auschwitz - Juifs désignés pour le service des chambres à gaz et des fours crématoires ? Aux membres du service d'ordre juif dans les ghettos? Ou peut-être aux membres des Judenräte, conseils créés dans ces mêmes ghettos et chargés de contacts avec les Allemands ?"

"Dans une question aussi délicate, il aurait dû s'exprimer avec précision: indiquer les crimes et les criminels", ajoute Gazeta Wyborcza, qui reproche au chef du gouvernement de "mettre sur le même plan le comportement d'une poignée de Juifs et les crimes des Allemands et d'un groupe considérable de Polonais, Ukrainiens et Russes".

Le ton est bien différent à la une du quotidien catholique conservateur Nasz Dziennik. "Le Premier ministre a dit la vérité", titre le journal.

"La collaboration des institutions juives et de certains Juifs avec les Allemands (...) est un fait connu des historiens et des chercheurs sur l'Holocauste depuis de longues années", écrit le quotidien, qui cite plusieurs universitaires polonais pour étayer cette affirmation.

M. Mocek accorde au Premier ministre le bénéfice du doute. A Munich, "je ne pense pas que ce soient des propos prémédités. Mais alors, il aurait fallu simplement dire 'excusez-moi' et ne pas continuer à s'enfoncer".

Un autre geste de M. Morawiecki a suscité l'indignation de médias israéliens: il est devenu premier haut responsable polonais à déposer une couronne de fleurs sur les tombes de combattants polonais d'une unité nationaliste d'extrême droite, Brygada Swietokrzyska. Cette unité avait d'abord combattu les Allemands, mais ensuite a collaboré avec eux pour combattre la résistance communiste et finalement se réfugier en Occident.

via-sw/roc

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