Une tension inflammable monte dans la bande de Gaza
Le territoire palestinien traverse une crise humanitaire sans précédent. Et une contestation populaire se lève contre les dirigeants.
- Publié le 01-03-2018 à 12h51
- Mis à jour le 03-03-2018 à 13h43
Le territoire palestinien traverse une crise humanitaire sans précédent. Et une contestation populaire se lève contre les dirigeants. La crise humanitaire dans l’enclave palestinienne induit une grogne populaire. L’effondrement guette. Eclairage Claire Bastier Correspondante à Jérusalem
Gaza en 2020. Un endroit vivable ?" La question, qui sert de titre au rapport publié par l’Onu en août 2012, n’a rien perdu de sa pertinence. Celui-ci prévoyait que, si aucune amélioration n’était notée d’ici là, la vie dans l’enclave palestinienne deviendrait insupportable. Or, moins de six ans plus tard, Gaza n’est déjà plus vivable.
Après avoir réduit leurs services en janvier, par manque de combustible pour faire fonctionner les générateurs, une vingtaine d’établissements médicaux de la bande de Gaza vont pouvoir reprendre leurs activités. Des financements venus du Qatar (7,7 millions d’euros) et des Emirats arabes unis (1,7 million d’euros) vont permettre d’y résoudre, à court terme, la pénurie de combustible et d’électricité. L’annonce, datant du 8 février, faisait suite à l’appel aux dons lancé par l’Onu deux jours plus tôt. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) avait prévenu que, sans soutien financier, le pronostic vital de 1 715 patients à Gaza serait engagé. L’apaisement, réel, est néanmoins temporaire.
La situation sanitaire dans la bande de Gaza est entrée dans une "phase sans précédent" en raison de la pénurie d’électricité, a prévenu Achraf al Qudra, le porte-parole du ministère de la Santé à Gaza. Actuellement, les deux millions d’habitants de l’enclave ne reçoivent du réseau public que quelques heures d’électricité par jour, nécessitant l’utilisation de générateurs.
Des conséquences humanitaires très graves
Récurrente, la crise de l’électricité s’est accentuée au printemps dernier, du fait des rivalités entre le Fatah de l’Autorité palestinienne (AP), basé à Ramallah (Cisjordanie), et le Hamas, le mouvement islamique qui a pris le contrôle de la bande de Gaza en 2007. Pour faire pression sur ce dernier, le président palestinien, Mahmoud Abbas, a décidé en mars de ne plus payer la facture d’électricité à Israël.
Soumise à un blocus israélo-égyptien, censé contenir le Hamas, l’enclave palestinienne est aujourd’hui minée par la pauvreté, le chômage (qui touche 40 % de la population), le marasme économique, les pénuries d’eau. "C’est une réelle catastrophe", résume Amjad Shawa, directeur de PNGO, un réseau d’organisationss non gouvernementales palestiniennes basé à Gaza. "La crise est d’abord de nature politique, mais elle a des conséquences humanitaires très graves."
La protestation s’organise
Le 6 février, l’envoyé spécial de l’Onu au Proche-Orient, Nickolay Mladenov, appelait à la restauration du pouvoir de l’AP à Gaza, pour y éviter "un effondrement total". Seulement, malgré le retour du gouvernement de Ramallah dans l’enclave et la reprise en main des affaires civiles, le Hamas y maintient son autorité.
La population gazaouie est la première à pâtir de la situation : près de deux tiers des habitants dépendent de l’aide étrangère. La crise est désormais telle qu’un mouvement civil de protestation prend forme. Le 6 février, lors d’une manifestation organisée par le secteur privé, des dizaines de camions ont bloqué les routes près du passage de Kerem Shalom, la route principale pour les marchandises entrant à Gaza depuis Israël.
Deux jours plus tard, des dizaines de patients, valides et handicapés, se sont rassemblés à Erez, à la frontière nord de l’enclave, pour dénoncer l’embargo israélien. Selon l’OMS, depuis juillet, les autorités israéliennes ont retardé ou refusé 40 % des demandes de sortie de Gaza pour raisons médicales.
Un nouveau conflit avec Israël
"La tension monte à Gaza", prévient Amjad Shawa. "Nous avons besoin d’une intervention urgente. Le conflit interne palestinien doit être résolu. La communauté internationale doit faire pression sur Israël pour que le blocus soit levé."
De son côté, l’Etat hébreu oscille entre état d’alerte et déni. Le 4 février, le chef d’état-major israélien, Gadi Eizenkot, a averti le gouvernement du risque d’un nouveau conflit avec le Hamas, au vu de la dégradation de la situation à Gaza. Il a rapidement été démenti par le ministre de la Défense, Avigdor Lieberman. Mettant en cause le Hamas, celui-ci a assuré qu’aucun soutien financier ne viendrait d’Israël, assurant qu’il y avait "assez de riches pays arabes" pour s’en charger.