Partager
Politique

Pourquoi le CRIF n'aurait pas du écarter Le Pen et Mélenchon

Les invectives et débordements visant Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen lors de la "marche blanche" contre l'antisémitisme à Paris ont entraîné de nombreuses critiques. Erreur politique du CRIF d’autant plus flagrante et redoutable qu’elle aboutira à « communautariser » la « Marche blanche », à en faire la riposte des juifs de France et non plus la mobilisation des citoyens français tous rassemblés au delà des divisions habituelles.

réagir
LE PEN ET MÉLENCHON HUÉS À LA MARCHE POUR MIREILLE KNOLL

Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon ont été hués mercredi lors de la marche blanche organisée à Paris en mémoire de Mireille Knoll.

GONZALO FUENTES

Après l’assassinat perpétré contre Mireille Knoll, une vieille dame juive de 86 ans ayant échappé enfant à la rafle du Vel d’Hiv sous l’occupation nazie, le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) a pris l’initiative d’appeler le peuple de Paris à une « Marche blanche » pour dénoncer l’antisémitisme et sa recrudescence. Une initiative ô combien estimable et fort à propos.

La définition même d’une « Marche blanche » implique toutefois d’éviter les clivages habituels. C’est la société rassemblée qui, dans toutes ses composantes, exprime à la fois son effroi, sa colère et sa solidarité avec la victime, pour le coup juive et âgée. Une « Marche blanche » échappe par la force des choses aux organisations, quelles soient politiques, syndicales, religieuses, ou associatives. Parce qu’elle relève d’une démarche par définition populaire et collective. C’est ce cadre si particulier que les principaux responsables du CRIF ont négligé en stipulant à Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon qu’ils étaient l’un et l’autre « interdits » de «Marche blanche ». Erreur politique d’autant plus flagrante et redoutable qu’elle aboutira à « communautariser » la « Marche blanche », à en faire la riposte des juifs de France et non plus la mobilisation des citoyens français tous rassemblés au delà des divisions habituelles.

Reste à comprendre les ressorts de cette authentique bourde politique. Et ses éventuelles conséquences.

1. LE FRONT NATIONAL A-T-IL ROMPU AVEC L’ANTISÉMITISME?

Que le CRIF soupçonne le FN d’antisémitisme, c’est au moins légitime. Sans même insister sur les multiples provocations de son fondateur Jean-Marie Le Pen, il suffit de suivre la généalogie culturo-historique du parti d’extrême-droite pour savoir que l’antisémitisme le plus virulent, le plus crade, accompagne chaque instant ce son histoire. Le Pen était entouré de « collabos » quand il a fondé le FN (citons par exemple le journaliste Roland Gaucher et l’ex waffenSS Pierre Bousquet, premier trésorier du mouvement); l’éditorialiste vedette de la presse d’extrême-droite, Francois Brigneau, milicien emprisonné à la Libération et vice-président du FN durant quelques années, ne dissimulait pas qu’il approuvait les thèses négationnistes de Robert Faurisson exprimant de la sorte un antisémitisme déchaîné. Brigneau était adulé des militants et des sympathisants frontistes. Aujourd’hui encore, les ex-responsables du GUD qui entourent Marine Le Pen ou les Identitaires proches du niçois Philippe Vardon, l’une des figures montantes du FN, dissimulent à peine une détestation des juifs sous couvert de solidarité avec le peuple palestinien.

Ces quelques rappels pourraient suffire à justifier l’ostracisme du CRIF envers le Front National et les lepénistes, tout générations confondues, du père à la fille. Il serait même justifié d’insister sur une faille morale et politique qui touche Marine Le Pen elle-même: la présidente du FN affirme que l’antisémitisme lui fait horreur, que la rupture avec Jean-Marie Le Pen trouve là sa principale explication, et nul n’a le droit de mettre en doute sa parole hormis la présentation d’éléments tangibles démontrant l’inverse; elle considère, elle l’a dit et répété, la Shoah comme « le pire des crimes contre l’humanité au XXème siècle ». Fort bien. Mais alors pourquoi n’a-t-elle jamais estimé opportun « d’officialiser » au sein du Front National cette vision nouvelle de l’histoire, de rompre avec une explication « pétainiste » de la 2ème guerre mondiale, de chasser de ses rangs les antisémites déclarés et camouflés?

Or, étrangement, les leaders du CRIF se sont abstenus de toute explication, de toute pédagogie. Rompre ainsi avec la règle tacite d’une « Marche blanche », provoquer sciemment une polémique à très haute intensité, voilà qui aurait mérité quelques efforts pour au moins tenter de se faire comprendre. « Nous ne voulons pas côtoyer Marine Le Pen parce que ses efforts pour combattre l’antisémitisme au sein de son parti sont encore insuffisants ». Voilà qui aurait eu le mérite de la clarté.

Rien, aucune tentative d’éclaircissement, si ce n’est confondre Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, les jeter ensemble dans la même « poubelle », dans une identique opprobre- une faute à la fois morale et politique. Une faute qui dévoile les véritables intentions, et arrière-pensées, des gens du CRIF.

2. MÉLENCHON, ISRAËL ET L’ANTISÉMITISME.

Nous sommes fréquemment en désaccord avec Jean-Luc Mélenchon. Son néo-populisme de gauche nous apparaît aussi sommaire, aussi dangereux, aussi détestable que la démagogie ultra-droitière de Laurent Wauquiez. Son déchaînement anti-européen, son repli derrière d’invisibles frontières nous semblent indignes de l’excellent ministre de François Mitterrand qu’il fut. Nous pensions Mélenchon cosmopolite au meilleur sens du terme; nous le découvrons nationaliste au front bas. D’où notre déception et notre vigilance de chaque instant. Mais l’une et l’autre, notre déception et notre vigilance, nous permette d’affirmer que l’accusation du CRIF accusant Jean-Luc Mélenchon d’antisémitisme est pour le coup obscène. Car, en plusieurs décennies d’activités politiques, rien ne permet de détecter chez le chef de la France Insoumise, le moindre dérapage antisémite. Au contraire. Ses attitude fut en permanence exemplaire a chaque soubresaut d’antisémitisme frappant la société française. Pour l’avoir observé à maintes reprises, Mélenchon n’eut jamais besoin de se « forcer »: la lutte contre l’antisémitisme et le racisme, la confrontation contre les antisémites et les racistes allaient de soi. Alors que s’est-il passé dans l’esprit, pour le moins confus, des leaders du CRIF?

La chose suivante:

Cela fait bien longtemps qu’ils ont changé de priorité: avant même de défendre les intérêts légitimes des juifs de France, ils se sont mis au service du gouvernement Netanyahou. Sinon ils n’auraient pas « abîmé » cette « Marche Blanche » au point d’en affecter l’effet « union nationale ». C’est cela la conséquence désastreuse des « renvois » de Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon.

Le CRIF ne défend pas l’état d’Israël dans toutes ses composantes; il s’aligne sans la moindre réserve sur le pouvoir ultra droitier en place. Mélenchon désapprouve-t-il à sa façon tonitruante la politique Netanyahou? Il mérite aussitôt la diabolisation et la marque de l’infamie. La mise au pas débouche toujours sur des impairs politiques majeurs. Et le CRIF s’est discrédité, pour longtemps.

Depuis fort longtemps, nous avons souligné que l’antisionisme- c’est à dire la remise en cause de l’existence d’un état des juifs et et non pas la légitime critique du gouvernement d’Israël- débouchait le plus fréquemment sur l’antisémitisme. Les Islamistes se sont d’ailleurs emparés de cet « anti-sionisme antisémite » qui ravage les cités de l’intérieur. Il est donc indispensable que les pouvoirs publics et les médiateurs le combattent, le contiennent pied à pied. Il se trouve que les chefaillons du CRIF desservent cette cause légitime en rangeant Mélenchon là où il n’est pas. Quelques islamo-gauchistes dangereux essaiment parmi les Insoumis. Mélenchon était un allié de poids, sans doute le plus efficace pour les combattre.

Même cela, le CRIF ne l’a pas compris. Quelle misère intellectuelle.

Commenter Commenter

Centre de préférence
de vos alertes infos

Vos préférences ont bien été enregistrées.

Si vous souhaitez modifier vos centres d'intérêt, vous pouvez à tout moment cliquer sur le lien Notifications, présent en pied de toutes les pages du site.

Vous vous êtes inscrit pour recevoir l’actualité en direct, qu’est-ce qui vous intéresse?

Je souhaite TOUT savoir de l’actualité et je veux recevoir chaque alerte

Je souhaite recevoir uniquement les alertes infos parmi les thématiques suivantes :

Entreprise
Politique
Économie
Automobile
Monde
Je ne souhaite plus recevoir de notifications