Mémoire d'Auschwitz: "J'ai eu mes 17 ans dans un train qui m'emmenait en enfer"
Parmi les derniers rescapés d'Auschwitz, Alberto Israël témoigne face aux jeunes.
- Publié le 17-04-2018 à 12h00
- Mis à jour le 17-04-2018 à 15h18

Parmi les derniers rescapés d'Auschwitz, Alberto Israël témoigne face aux jeunes.
Chaque année, il prend le temps d'aller à la rencontre d'une vingtaine de groupes de jeunes pour les éduquer à la mémoire : Chimay, Mons, Charleroi… La route d'Alberto Israël est passée ce lundi par le lycée Vauban, où il a témoigné devant près de 300 élèves, à l'initiative de la cellule Hainaut Mémoire (lire ci-contre).
Son récit commence en juillet 44 sur une île grecque qui est encore territoire italien à l'époque, celle de Rhodes. Plus de 2.000 juifs y sont embarqués sur des bacs à bestiaux à destination d'un premier camp de concentration à Athènes : c'est le début d'une migration dont ils ne seront que 150 à revenir vivants. Personne n'imagine que le voyage les conduits en enfer, celui des camps de la mort. Après un court séjour de sélection, les déportés sont poussés dans un train. En fait, ils ignorent où ils partent et s'accrochent à l'espoir naïf que c'est pour une vie meilleure.
Destination : Auschwitz Birkenau, en Pologne. Il fait 37 degrés, le trajet dure 13 jours, c'est là qu'Alberto passe le cap de ses 17 ans : il assiste au décès d'un jeune bébé et de sa mère. "Nous sommes une centaine par wagon, on en sort des cadavres à chaque étape." Le jeune garçon voit mourir ses deux parents à Auschwitz, puis son frère Elie avant d'en perdre un autre à Mathausen où les prisonniers juifs partent à pied. Une marche de 100 kilomètres où le froid, la fatigue et les balles des nazis font des milliers de morts. Transféré vers le camp d'Ebensee où il travaille dans la mine jusqu'à sa libération en mai 1945, Alberto raconte les privations, les coups, les exécutions sommaires auxquelles il assiste chaque jour. Son récit est poignant. Il en est ému aux larmes, n'en dort plus pendant quelques nuits. Face à lui, des jeunes craquent et pleurent. "C'est à l'âge adulte que mon père m'a confié ce qu'il avait vécu. Nous, ses enfants, avons grandi dans l'ignorance car il voulait nous préserver", raconte sa fille Rachel qui l'accompagne.
Alberto Israël témoigne pour que la folie du nazisme ne refasse plus jamais d'autres victimes. Dans une Europe qui voit revenir l'extrême droite, c'est un devoir de se souvenir.
Éduquer à la mémoire
Depuis 10 ans, la Province de Hainaut mène un travail d'éducation à la mémoire auprès des jeunes : rencontres avec des survivants des camps, visites de lieux mémoriels, animations pédagogiques.
"Chaque année nous touchons entre 5.000 et 7.000 participants, indique Michel Descamps, à la tête de la cellule provinciale. Nous organisons chaque année deux grands voyages à l'étranger : après Berlin l'année dernière, nous mettons le cap en 2018 sur le nord de l'Allemagne avec les camps de concentration de Neuengamme dans le district d'Hambourg, et de Bergen Belsen où Anne Franck a trouvé la mort. Est également prévu un déplacement en Autriche et en Tchéquie qui passera par le camp de Mathausen qui était le centre d'euthanasie des personnes handicapées durant la Seconde Guerre mondiale. Nous y emmenons un groupe de sourds de l'école provinciale d'enseignement spécialisé de Ghlin, c'est une première."