Il voulait être "un père pour Anvers"… L’avenir politique de Kris Peeters se jouera "à quitte ou double"
- Publié le 21-04-2018 à 10h15
Après l’éviction d’un Juif ultra-orthodoxe de la liste CD&V à Anvers, l’étoile du vice-Premier ministre a pâli.Le bourgmestre d’Anvers est un fin latiniste. Bart De Wever aime appuyer ses propos par une bonne citation puisée dans l’histoire multiséculaire de Rome. A Kris Peeters, le vice-Premier ministre CD&V qui l’a défié pour la conquête de l’hôtel de ville, il aurait pu dire ceci : "Arx tarpeia Capitoli proxima". La roche Tarpéienne, la crète d’où étaient précipités les condamnés jusqu’à la fin de la République romaine, est toute proche du Capitole, le centre religieux où les honneurs étaient rendus aux dieux. Plus prosaïquement : le succès est précaire, la déchéance n’est jamais très loin.
Le destin politique du vice-Premier ministre CD&V vient de s’assombrir. Il s’est mis son parti à dos, il a perdu en crédibilité. En cause, cette polémique dans la campagne électorale pour les communales d’octobre : Aron Berger, un Juif ultra-orthodoxe qui devait être candidat sur la liste chrétienne-démocrate à Anvers, a déclaré ne pas pouvoir serrer la main à d’autres femmes que la sienne. A la revue "Joods Actueel", il affirmait que le CD&V l’avait recruté en connaissance de cause pour la campagne. La machine médiatique s’emballe alors à l’encontre de ce qui semble être une attitude obscurantiste. Jeudi, après plusieurs jours de tempête, Aron Berger annonce qu’il renonce à se présenter aux communales.
La séquence laissera des traces. L’état-major du parti n’avait pas été tenu au courant de l’arrivée de cette recrue. "Du jamais-vu en termes d’amateurisme !", confie une source CD&V au "Morgen" de jeudi. Dans le "Standaard" du même jour, l’éditorialiste Bart Sturtewagen l’affirme : "La fin de la carrière politique de Kris Peeters a commencé." Au sein de sa propre formation, les attaques contre le vice-Premier pleuvent. Même le président Wouter Beke le lâche.
"La nuit des longs couteaux"
Comment le CD&V local a-t-il pu cautionner cela ? Et surtout, comment la tête de liste Kris Peeters a-t-elle pu tomber dans ce panneau ? A la base, l’idée de faire venir Aron Berger était bonne : séduire la communauté hassidique et l’électorat juif en général plutôt acquis aux libéraux et à la N-VA. "Mais Aron Berger est sorti trop vite dans la presse, nous explique un chrétien-démocrate. Il n’avait même pas encore été briefé sur la manière de s’exprimer médiatiquement. C’est la section locale d’Anvers qui avait repéré en lui un candidat intéressant mais il n’y a pas eu les vérifications nécessaires au sujet de son profil. Kris Peeters ne le savait pas. Ce n’est pas vraiment de sa faute mais il est responsable car il est tête de liste. Le résultat est là : entre le parti et Kris Peeters, ça va vraiment très mal. Certains ont même vu sa tête tomber… La nuit des longs couteaux peut commencer."
Ancien patron de l’Unizo (l’association flamande des classes moyennes), ancien ministre-Président flamand, Kris Peeters aura du mal à se remettre de cette séquence anversoise. Parachuté dans la ville portuaire pour tenter de chiper le mayorat à De Wever, il risque de manquer l’objectif. Après l’épisode "Aron Berger", Kris Peeters s’est mis tout le monde à dos : les féministes de son parti, les progressistes mais aussi l’aile la plus droitière des chrétiens-démocrates… Le CD&V voulait plaire aux Juifs orthodoxes ? L’éviction, dans de telles circonstances, d’un de leurs membres ne risque pas de les convaincre.
Il voulait être "un père pour Anvers"…
A Anvers, Kris Peeters proposait de réconcilier les communautés face à une N-VA lancée à plein régime dans une campagne identitaire. "On croise plus de 170 nationalités à Anvers, confiait-il récemment à "La Libre". Il y a des communautés différentes, des confessions différentes, il y a les chrétiens, les musulmans, les Juifs… Cette diversité est hors normes. Cette réalité doit être appréciée comme un élément positif. […] Comme bourgmestre, je voudrais être un père pour les communautés et les différentes confessions, et ne pas diviser." C’est raté… Les déboires dans la composition de sa liste sont, au contraire, de nature à polariser les ressentiments, à mettre en évidence les différences culturelles.
Si Kris Peeters se plantait en octobre prochain, si sa présence en tête de liste n’apportait finalement aucune plus-value pour le CD&V, si les rapports au sein de sa formation politique restaient détestables, c’est aussi son avenir au fédéral qui serait en jeu pour la prochaine législature. Pressenti comme Premier ministre en 2014, il est possible qu’il ne puisse se maintenir au gouvernement fédéral après 2019. La fin de sa carrière politique, donc ? "Maintenant, c’est du quitte ou double", note une source bien informée.