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Cyclisme : les ambassadeurs à bicyclette de l’« Israel Cycling Academy »

Au départ du Tour d’Italie, à Jérusalem, cette équipe internationale souhaite développer le cyclisme dans un pays où il existe à peine. Et, accessoirement, porter l’image d’Israël dans le monde entier.

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Publié le 05 mai 2018 à 11h31, modifié le 05 mai 2018 à 11h31

Temps de Lecture 4 min.

Les coureurs de l’équipe à l’entraînement, sur le site de Tel Azeka où, selon la Bible, le jeune David a vaincu le géant Goliath.

Curieux objet que cette « Israël Cycling Academy ». Une équipe de vélo ? Un outil diplomatique ? Un agent culturel ? Un centre de formation ? Ces trois prochaines semaines, on lui prêtera le premier rôle, puisqu’elle est engagée sur le Tour d’Italie. C’est à son invitation qu’était conditionné le Grand départ du Giro à Jérusalem, vendredi 4 mai. Une épreuve plus haut que son rang mais où elle devrait faire bonne figure, portée par un grimpeur belge pour qui « le contexte politique à Bruxelles » n’est pas pire que celui en Israël.

Seize nationalités, six continents représentés sur sept (même si l’Erythréen Gebremedhin est devenu Suédois), ce sont un peu les Nations unies du vélo. Nuance : Israël y a meilleure presse qu’à l’ONU. Ne mêlez pas la politique à tout cela, nous a-t-on dit, encore moins la religion, cependant que l’on nous transmettait vendredi les images du premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, encourageant l’équipe et celles de ses coureurs espagnol ou letton portant la kippah devant le mur des Lamentations.

Dans le staff, une quinzaine de nationalités là encore, on trouve un gars de la Manche, l’affable Lionel Marie. Avec Israël Cycling Academy (ICA), il a découvert le kiddouch, le rituel qui précède le repas du shabbat, chez une riche famille juive qui accueillait les coureurs dans sa maison d’Adélaïde (Australie). Vertus insoupçonnées du cyclisme mondialisé. Il insiste : « C’est un projet sportif et humain. » C’était l’ambition de Ran Margaliot, ancien professionnel au parcours modeste, lorsqu’il a créé l’équipe, en 2014.

Il faut interroger le bailleur de fonds de l’équipe, le milliardaire d’origine canadienne Sylvan Adams, pour comprendre qu’il y a, depuis, autre chose : « Les membres de l’équipe sont des ambassadeurs du pays d’Israël, qui est la base de l’équipe. On utilise le sport pour créer des liens et porter l’image du pays. »

Sylvan Adams, également à l’origine du départ du Giro en Israël, avait une idée : pouvoir faire d’un musulman un « ambassadeur d’Israël » à vélo, en mondovision, au départ du Giro. Le Turc Ahmet Örken, jeune sprinteur talentueux, devait être celui-là. L’homme d’affaires voulait faire de la politique, la politique l’a rattrapée : en décembre, après le regain de tension à la suite du déménagement à Jérusalem de l’ambassade américaine, Örken a demandé la rupture de son contrat, citant les pressions subies par sa famille. Dans son village de la région conservatrice de Konya, berceau de Recep Tayyip Erdogan, on comprenait mal que le fils cycliste puisse courir sous les couleurs israéliennes.

Peu de liens avec le gouvernement

Dans une lettre ouverte à l’Union cycliste internationale (UCI) en date du 2 février, 29 députés européens réclament des sanctions à l’encontre de la Fédération israélienne, des organisateurs du Tour d’Italie mais aussi contre l’équipe Israel Cycling Academy. Elle est accusée d’avoir pris part, à la fin d’avril, à une course d’amateurs faisant une incursion dans la colonie occupée de Pisgat Ze’ev, à Jérusalem-Est.

Hormis une faible contribution financière du ministère du tourisme, les liens entre l’équipe et le gouvernement de Benyamin Nétanyahou sont ténus, même si Sylvan Adams est un fervent défenseur du premier ministre conservateur. Comme ses alter ego du Golfe, Bahreïn-Merida et UAE Emirates, Israel Cycling Academy n’a que les oripeaux de l’équipe nationale. Hors sponsors techniques, le seul partenaire de l’équipe est le Centre Shimon Peres pour la paix, dont les dirigeants ne cachent pas leurs divergences de vue avec la politique étrangère du gouvernement.

Le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou, vendredi 4 mai, aux côtés des coureurs et des propriétaires de l’équipe.

Pour le reste, Israël n’est autre qu’une présence discrète sur le maillot, en plus petits caractères qu’« Academy ». Les coureurs résident majoritairement à Gérone (Espagne), où se trouve le camp de base de l’équipe, à près de 5 000 kilomètres de Jérusalem. Ils s’y sont rendus en novembre, pour le premier stage de la saison – la visite du mémorial Yad Vashem était au programme.

Objectif Tour de France en 2020

Les directeurs sportifs ont une contrainte : aligner un Israélien à chaque course. Il faut alors jongler entre les cinq nationaux de l’équipe, dont Omer Goldstein, 21 ans, qui finit sa troisième et dernière année de service militaire. Trois fois par semaine, il pointe au régiment et reste debout de 14 heures à 22 heures, ce qui n’a jamais été recommandé pour la récupération de l’entraînement.

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De façon surprenante, non pas un mais deux Israéliens ont été intégrés dans l’équipe du Tour d’Italie, soit un quart de l’effectif. Deux fois plus de chances de cocher l’un des trois objectifs : devenir le premier Israélien à finir un grand Tour – les deux autres sont de montrer le maillot dans les échappées et remporter une étape. « Dans d’autres équipes, ces deux coureurs n’auraient pas pris le départ. Là, ils le prennent, et ça a fait l’objet d’une longue discussion, relate Lionel Marie. On va devoir les aider au maximum à aller au bout. Car ça donnera une impulsion au cyclisme en Israël. »

Le champion d’Israël contre la montre Guy Sagiv, au départ de la première étape du Tour d’Italie.

Le sport est balbutiant dans ce pays grand comme la Lorraine, où la variété des routes d’entraînement n’est pas infinie. On y pratique plus volontiers le VTT dans les collines du désert de Judée, et la culture du cyclisme sur route n’est pas ancrée. « Le week-end, on voit beaucoup de vététistes amateurs, mais les compétitions sont rares, dit Guy Niv, l’un des Israéliens au départ du Giro. Sur route, nous avons très peu de courses, sept à dix par an pour les amateurs. Ce n’est pas dans notre culture de fermer des routes pour faire du vélo, il faudrait payer la police israélienne et la fédération n’en a pas les moyens. Alors, les jeunes doivent quitter le pays pour courir. Certains vont en Belgique. »

Plus que l’équipe professionnelle, c’est l’équipe amateur d’Israel Cycling Academy, rassemblant exclusivement de jeunes coureurs israéliens, qui devraient constituer le vivier du cyclisme israélien à l’avenir. Dans un futur proche, elle pourrait accueillir des coureurs palestiniens. Les professionnels étrangers, eux, pourraient se présenter au départ du Tour de France en 2020, selon les projections de propriétaires aux poches profondes.

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