Des manuels antisémites et prônant le djihad au cœur de la formation d'imams à Bruxelles
- Publié le 08-05-2018 à 19h00
- Mis à jour le 09-05-2018 à 11h59
La formation des imams délivrée en arabe au sein du Centre islamique et culturel de Belgique (CICB), qui abrite la Grande mosquée de Bruxelles, incite les fidèles à se lancer dans le djihad armé pour “se rapprocher de Dieu”, à “briser le cou” des minorités musulmanes comme les Druzes et les Alaouites, à jeter les homosexuels du haut des bâtiments et considère les juifs comme “un peuple corrompu, maléfique et perfide”.
C’est un rapport confidentiel de l’Organe de coordination pour l’analyse de la menace (Ocam) qui le dit – et que “La Libre Belgique” a pu lire. L’analyse date du 26 février. Elle couvre l’année académique 2016-2017 et a été remise récemment à la Commission parlementaire de suivi des attentats terroristes, qui en discutera ce mercredi à Bruxelles.
En une quarantaine de pages, l’Ocam dresse un tableau effrayant des cours et manuels en vigueur dans ce CICB qui, jusqu’en mars 2019, dépend encore entièrement de l’Arabie saoudite (un financement de 4,5 millions d’euros ces quatre dernières années). On se souvient que sur la recommandation de la commission d’enquête parlementaire qui a planché sur les attentats du 22 mars à Bruxelles, le gouvernement a rompu, en mars, la concession de la Grande mosquée, avec un an de préavis, pour la confier à l’Exécutif des musulmans.
Des ouvrages distribués surtout côté francophoneInstallée dans un des plus beaux parcs de Bruxelles, la Grande mosquée fait partie du réseau de la Ligue islamique mondiale. Depuis sa fondation, elle n’a cessé de diffuser en Belgique une pensée wahhabite salafiste. “Cet enseignement consiste en une transmission sans discernement des visions classiques de droit islamique et des doctrines telles qu’elles ont été observées du neuvième au douzième siècle de notre ère”, explique l’Ocam.
Le problème est que, si la Grande Mosquée va changer de propriétaire, ses manuels saoudiens ont été diffusés dans d’autres mosquées du pays, “surtout du côté francophone” selon l’Ocam, et même dans des établissements pénitentiaires. La pénétration de ces idées continue donc.
En 1984, le CICB a créé sa propre école de la charia, devenue l’Institut islamique européen. C’est là qu’on forme des imams, des prédicateurs et des professeurs de religion islamique parmi la deuxième et troisième génération de musulmans. La formation, en arabe, dure quatre ans sous la direction de l’imam égyptien Abd al-Hady Swayf. Elle est plus modérée en langue française, sous l’égide de l’imam sénégalais Muhammad Ndaye Galaye.
Les cours et manuels en arabe s’appuient sur une série de penseurs, dont Ibn Taymiyya, une référence salafiste qui a développé les concepts de djihad armé, de mécréance, d’égarement et d’excommunication (takfir).
Le manuel qui inspirait Al-QaïdaL’un des manuels utilisés à Bruxelles, en troisième année, est “Les grands principes de base du musulman sunnite”. Selon l’Ocam, “dans les années 80-90, ce cours faisait partie du matériel pédagogique des milieux djihadistes arabes au sein et aux alentours du leadership central d’Al-Qaïda”. Ce texte incite notamment les musulmans sunnites à mener “le combat armé aux côtés de leurs dirigeants, qu’ils soient bien guidés ou corrompus, afin d’instaurer les lois de l’islam”. Les Druzes et Alaouites, qu’on trouve en Syrie auprès du régime de Bachar Al-Assad mais aussi ailleurs, sont considérés comme des “polythéistes égarés”.
Un autre manuel, “La voie du musulman”, vendu dans des librairies en Europe, stipule que “le djihad armé est l’une des formes les plus élevées de rapprochement de Dieu le Très haut et l’expression la plus noble de la pratique religieuse”. Pour les homosexuels, il suggère, comme le faisait Daech, de procéder à trois types d’exécution : la lapidation, le bûcher ou “trouver le bâtiment le plus haut du village (ou de la ville) et y jeter du toit l’homosexuel, la tête en bas, après quoi, il sera achevé par lapidation”.
Un concentré d’antisémitismeUn troisième manuel, consacré aux autres confessions et rédigé par un savant saoudien contemporain, est un concentré d’antisémitisme. Il considère notamment que les juifs sont “des traîtres, des infidèles et des imposteurs”, “obscènes et grossiers”, “cruels et insensibles”, “cupides, avides et avares”. Selon ce théologien qui a pignon sur rue, “les juifs ont recours à la violence, au pouvoir et à la terreur afin de contrôler le monde”.
Le livre fait référence aux “Protocoles de Sion”, une fiction créée au début du XXe siècle par les services de renseignement tsaristes russes, qui alimente toujours les théories du complot au Moyen-Orient. Le manuel s’en prend également à la franc-maçonnerie qui est présentée comme “une organisation secrète juive” ayant pour but d’instaurer dans le monde des républiques laïques contre des États religieux.
Certains membres de la Commission parlementaire invoquent des actions en justice, après lecture de ce rapport. Signe encourageant, l’Ocam précise qu’une nouvelle génération de jeunes imams voit le jour en Belgique, qui plaide pour une lecture contemporaine des textes islamiques.