Loin de la violence de Gaza, les riverains de l’ambassade américaine à Jérusalem restent sereins
- Publié le 15-05-2018 à 16h02
- Mis à jour le 15-05-2018 à 16h03
Le ton était à la fête à quelques heures de l’inauguration de l’ambassade des Etats-Unis à Jérusalem, qui s’est déroulée ce lundi 14 mai à 16 heures. Les bâtiments de l’ex-Consulat américain arborent déjà d’immenses d’affiches proclamant "Trump make Israel great" tandis que les drapeaux israélien et américain flottent aux lampadaires des rues adjacentes.
En se réalisant, la promesse controversée du président américain Donald Trump inaugure une semaine à haut risque sur le plan sécuritaire. De violentes protestations sont prévues en Cisjordanie et se sont déroulées dans la bande de Gaza.
Mais les habitants du quartier d’Arnona, où se trouve désormais l’ambassade américaine, sont sereins. "On en a vu d’autres !", plaisante Naomi Iluk, propriétaire d’un salon de beauté situé à deux pas des lieux. "Aujourd’hui, tout le monde en parle, puis la vie reprendra son cours normalement." D’autant que le transfert semble surtout symbolique : seule une petite équipe de l’ambassade de Tel Aviv sera pour le moment redéployée à Jérusalem.
La crainte des mesures de sécurité
Depuis quelques jours, la quiétude du quartier résidentiel aux immeubles de pierres blondes et balcons fleuris est seulement perturbée par les préparatifs de la cérémonie de lundi et par le ballet des journalistes. Cette périphérie du sud de Jérusalem, anciennement à la limite entre le territoire jordanien et Israël, ne s’est développée qu’à partir de 1967, après la Guerre des Six jours et l’occupation par l’Etat hébreu de Jérusalem-Est.
Installée à Arnona depuis trente ans, Yael Michaeli, 71 ans, se réjouit de l’ouverture de l’ambassade sous ses fenêtres : "Trump a donc pris la bonne décision, cela aurait dû être fait il y a soixante-dix ans", explique-t-elle. En revanche, elle redoute les mesures sécuritaires qui risquent de défigurer le quartier. "Depuis mon balcon, j’ai une vue panoramique sur le désert et la mer Morte. Mais si un mur est construit autour de l’ambassade, j’en serai privée", dit-elle.
La fureur des riverains
En mars, une dérogation signée par le ministre israélien des Finances, Moshe Kahlon, pour permettre au département d’Etat américain de construire de nouvelles infrastructures de sécurité sur le site, avait provoqué la fureur de certains riverains. Les grilles autour de l’enceinte devraient, par exemple, être remplacées un mur massif dépassant les quatre mètres de haut. Néanmoins, "par nationalisme", Yael Michaeli se dit prête à un tel "sacrifice". Elle est par ailleurs certaine que son appartement prendra de la valeur sur le marché immobilier, du fait de sa proximité avec l’ambassade.
Tous ne partagent pas son avis. "Les appartenances politiques des résidents d’Arnona sont diverses", raconte une commerçante installée à Arnona depuis trente ans. "Logiquement, les gens de droite se réjouissent de l’ouverture de l’ambassade américaine, tandis que les gens de gauche la réprouvent. Mais le quartier change : les résidents laïcs de gauche s’en vont et laissent la place à des familles juives pratiquantes, originaires des Etats-Unis ou de France, et plutôt de droite. La présence de l’ambassade accentuera peut-être ce phénomène." De passage dans le quartier, Yudith Oppenheimer ne cache pas son agacement : "Ce déménagement est une grave erreur, il va élargir le fossé entre les Israéliens et les Palestiniens."
Quelques rues plus loin, un résident rajuste l’énorme pancarte qu’il a accrochée aux grilles de son jardin et qui indique : "God Bless President Trump." "Ce n’est pas mon genre d’afficher ce type de posters", sourit-il. "Mais avec la décision de Trump la semaine dernière (de se retirer de l’accord nucléaire iranien, NdlR) et son soutien pour Israël, il fallait que je marque le coup : c’est un moment historique !" Descendu de son échelle, il se frotte les mains, tout en se souhaitant que "d’autres Etats suivent l’exemple des Etats-Unis".