Des dizaines d'imams ont été formés avec les manuels antisémites
- Publié le 17-05-2018 à 10h56
A huis clos, le patron de l’Ocam juge que les membres de l’Exécutif des musulmans dépendent trop du Maroc ou de la Turquie.Mercredi, une semaine après les révélations sur les manuels antisémites et homophobes utilisés dans la formation d’imams au sein de la Grande Mosquée de Bruxelles, l’heure était aux explications à la commission de suivi des attentats à la Chambre.
Les députés ont entendu pendant deux heures, et à huis clos, Paul Van Tigchelt, le patron de l’Organe pour la coordination et l’analyse de la menace (Ocam), auteur du rapport qui a étudié ces manuels.
Il en ressort que ceux-ci sont utilisés depuis une quinzaine d’années à l’Institut islamique européen, fondé en 1984 sous un autre nom, la Faculté de la Charia.
Cette école pour imams belges a été et reste le seul campus théologique officiel dans le pays, dans l’attente du programme de formation des imams qui doit être mis en œuvre par l’Exécutif des musulmans. Cet institut dépend du Centre islamique et culturel de Belgique (CICB). Il a formé plusieurs générations d’imams qui prêchent en Belgique.
Premier chapitre, le djihad armé
Un manuel fort utilisé est "La Voie du Musulman". Ce manuel est employé en première année du programme en arabe de 4 ans. Commercialisé en Arabie saoudite, il est très populaire dans le monde arabe. L’Ocam souligne dans son rapport que le chapitre relatif à "l’interaction sociale et sociétale" commence d’emblée sur le thème du djihad armé (avant le crime, le châtiment, le mariage, etc.) et que des extraits du Coran sur le djihad armé sont cités sans mise en contexte historique et "comme s’il s’agissait d’un texte indépendant, absolu et isolé et d’une obligation littérale de passer à l’action".
Ces éléments ont servi à expliquer aux autorités saoudiennes pourquoi la Belgique demandait la rupture de la concession accordée à l’Arabie saoudite. Selon la Régie des bâtiments, contactée par "La Libre", la résiliation a bien eu lieu et la période de transition d’un an court jusqu’au 31 mars 2019.
Encore loin d’un islam belge
C’est l’Exécutif des musulmans qui doit assurer au bout de ce délai la gestion de la Grande Mosquée. Les experts de l’Ocam expriment cependant des réserves sur le fonctionnement actuel de cet Exécutif, dont les membres dépendent soit des autorités marocaines, soit de la Diyanet turque.
Ainsi l’ancien président Salah Echallaoui doit, en tant que membre du Conseil des oulémas maghrébins, se rendre deux fois par an au Maroc pour suivre un cours organisé par le ministère des Affaires religieuses. Côté turc, la Diyanet est le deuxième budget du gouvernement Erdogan et les prêches des imams belgo-turcs insistent lourdement sur la loyauté à la mère patrie.
Plusieurs députés ont demandé que le rapport de l’Ocam soit rendu public ou confié aux Communautés (qui ont en charge la reconnaissance des mosquées). Le rapport a été distribué en "diffusion restreinte", dont aux autorités judiciaires. Le MR insiste pour que des poursuites soient engagées, mais on s’interroge : devant quel tribunal ? Correctionnel ou les Assises pour "délit de presse" ?