Pourquoi Erdogan se pose en défenseur de la cause palestinienne
- Publié le 18-05-2018 à 20h17
Israël se rapproche de l’Arabie saoudite; la Turquie héberge les Frères.Le président turc Tayyip Erdogan a pour la deuxième fois accueilli à Istanbul une réunion extraordinaire de l’Organisation de la coopération islamique (OCI). Il l’avait fait en décembre pour protester contre le déménagement de l’ambassade américaine à Jérusalem et l’a fait vendredi soir pour dénoncer la répression sanglante des manifestants palestiniens par l’armée israélienne.
Erdogan se positionne ainsi en virulent critique du gouvernement israélien qu’il a accusé successivement cette semaine de "génocide", "terrorisme d’Etat" et "Etat d’apartheid".
Des considérations morales et de politique intérieure (les élections sont attendues le 24 juin) jouent dans l’attitude du président turc. Mais celle-ci s’explique aussi par le positionnement de la Turquie qui depuis 2011 fait bloc avec le Qatar, pour défendre les opposants aux deux régimes forts de la région, la Syrie et l’Egypte.
Terre d’accueil pour les Frères
Parmi ces opposants hébergés en Turquie, figurent les Frères musulmans, d’encombrants alliés qui isolent la Turquie par rapport à d’autres pays arabes. Leur télévision satellite, Rabea TV, émet à partir de la Turquie tandis que M.Erdogan a plusieurs fois affiché le signe de la rabia (quatre doigts levés, le pouce refermé) qui est le signe de ralliement des Frères égyptiens.
Rabea TV, qui appartient à un homme d’affaires qatari, irrite particulièrement les autorités égyptiennes car ses programmes peuvent être vus au Caire grâce à YouTube.
C’est également à Istanbul que les Frères ont établi en avril 2015 leur bureau des Egyptiens à l’étranger. Il est dirigé par Ahmed Abdel-Rahman alors que les trois principaux leaders des Frères, le guide suprême Mohamed Badie, son adjoint Khairat el-Shater et l’ex-président Morsi, sont détenus en Egypte.
Le 3 avril, les Frères (dont le mouvement est né en 1928 en Egypte) ont remercié la Turquie d’avoir accueilli son nonantième gala d’anniversaire et d’avoir soutenu "moralement et financièrement" l’événement. Dans leur communiqué, les Frères disent espérer que leur centième anniversaire pourra être célébré de nouveau "au Caire, à Damas et dans la Jérusalem bien aimée".
La question de Jérusalem est au cœur du discours des Frères et résonne aux oreilles d’une partie de l’électorat d’Erdogan.
Plusieurs pays - dont l’Arabie saoudite, le Bahrein et les Emirats - considèrent les Frères comme un groupe "terroriste". En réalité, c’est un groupe transnational, islamiste et sunnite qui revendique la création d’un califat global, dénonce la violence et les monarchies du Golfe.
Le mouvement a toutefois donné naissance à des courants très violents et djihadistes inspirés par le penseur frériste Sayyib Qutb.
Un soutien au Hamas
Radicalement antisionistes, les Frères soutiennent le Hamas, qui contrôle la bande de Gaza depuis 2007. Ils en sont même à l’origine puisque ce sont trois Frères qui l’ont fondé en 1987. Dans ses statuts, le Hamas se définissait comme "une des ailes des Frères musulmans en Palestine".
Le groupe palestinien affirme toutefois avoir pris ses distances avec les Frères l’an dernier car le Hamas doit composer avec l’Egypte du président al-Sissi, qui a banni le Hamas en 2014 dans sa répression tous azimuts des Frères musulmans. Sans accord avec l’Egypte, le poste-frontière de Rafah est fermé.
Pour le président Erdogan, le Hamas n’est pas un groupe terroriste mais "un des mouvements de résistance travaillant à libérer les territoires occupés des Palestiniens", a-t-il dit à Londres le 16 mai.