La Mecque? Jérusalem? l'ex-PM sénégalais s'emmêle les pinceaux sur le pèlerinage

© AFP 2023 SEYLLOUIdrissa Seck
Idrissa Seck - Sputnik Afrique
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Mal lui en prit. En faisant étalage de ses solides connaissances linguistiques, l’ancien Premier ministre sénégalais s’est attiré les foudres de dignitaires sénégalais, a fait la Une de la presse nationale et subsaharienne. Last but not least, il a reçu un carton rouge de l’Organisation de la Conférence Islamique, l’ONU musulmane.

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Personne ne sait exactement comment dans un point de presse donné à Dakar par un leader de l'opposition sénégalaise, La Mecque s'est invitée d'une bien étrange façon. Dans la foulée, c'est une malheureuse digression sur le conflit israélo-palestinien et pour compléter cet ubuesque tableau, une (très) vive condamnation de l'Organisation de la Conférence Islamique (OCI).

Nous sommes, pourtant, à mille lieues de l'«Orient compliqué». Et «les idées simples» exprimées ce jour-là, par Idrissa Seck, ancien Premier ministre sénégalais, n'en étaient pas moins… Fantasques.

«Dieu, dans le Coran, ne parle pas de Makkah [nom arabe de La Mecque, ndlr], mais de Bakkah, qui renvoie étymologiquement aux pleurs. Pourquoi est-ce qu'on penserait que le lieu de pèlerinage serait La Mecque et pas Jérusalem? Moi, j'ai la preuve de l'endroit exact où c'est, mais j'en parlerai à vous deux réunis: Israéliens et Arabes…» a déclaré le chef du parti Rewmi.

Allusion au Mur des Lamentations? Il s'agirait plutôt de «la vallée de Baca», dans l'Ancien Testament, appelée aussi «la vallée des larmes».

«Lorsqu'ils traversent la vallée de Baca, ils la transforment en un lieu plein de sources et la pluie la couvre aussi de bénédictions», peut-on lire dans les Psaumes (84:7).

L'exégèse islamique classique est pourtant unanime. Bakkah, dans le texte coranique, c'est bien Makkah. Le verset auquel faisait allusion Idrissa Seck désignerait La Mecque sous son ancien nom, selon certaines interprétations. Explication qui trouverait sa justification dans la mise en perspective historique que fait le verset.

«La première Demeure sacrée qui ait été établie pour les Hommes c'est [en vérité] celle de Bakkah, bénie et source d'inspiration pour l'Humanité» (Coran, 3:96).

Il n'en fallut pas plus pour que la plus haute Organisation intergouvernementale islamique, l'OCI (Organisation de la Conférence Islamique, un équivalent de l'ONU pour les pays musulmans), réagisse fermement via son agence spécialisée, l'Organisation islamique pour l'Éducation, les Sciences et la Culture (ISESCO). Une intervention à laquelle ne serait pas étrangère, sans doute, la qualité de l'auteur des propos. Ancien Premier ministre, «Idy» est un leader de l'opposition… et parmi les plus sérieux prétendants à la succession du président Macky Sall en 2019. Dans un communiqué dont plusieurs médias sénégalais ont reçu copie,

«L'ISESCO condamne fermement les propos de M. Idrissa Seck, ancien Premier ministre sénégalais et actuel président du parti Rewmi au sujet des lieux saints du pèlerinage de l'islam de La Mecque en ce sens qu'il a avancé qu'il dispose de preuves et arguments confirmant qu'elle n'est pas le lieu exact du pèlerinage,» souligne depuis son siège à Rabat le pendant de l'Unesco au sein de l'OCI.

Des propos qui ont fait réagir, également, nombre d'officiels et de dignitaires religieux sénégalais. D'autant plus que Seck s'en prenait, selon eux, à la cause palestinienne, réduite dans sa bouche à «de petites querelles de demi-frères rivaux».

«Une méconnaissance totale de l'histoire du conflit qui oppose les Israéliens aux Palestiniens ou d'une volonté de faire allégeance au lobby sioniste pour des raisons inavouées,» fustige, pour sa part, la Ligue des Imams et Prédicateurs du Sénégal (Lips).

Sur la toile, nombreux sont ceux qui expriment leur étonnement, incompréhension ou réprimande. Chez certains, ce serait même un véritable «suicide politique», dans un pays conservateur malgré son ouverture, où la religion musulmane structure la vie politique, avec le poids incontournable des confréries soufies.

​Assiégé de toutes parts, Idrissa Seck se résoudra finalement à des excuses publiques. En promettant, toutefois, de répondre à ses détracteurs après la fin du mois de Ramadan… pendant lequel on se doit tout de même de garder un peu de retenue.

«Des gens malintentionnés m'ont fait dire des choses que je n'ai pas dites au sujet de la religion musulmane et du Prophète. En humble musulman, je présente mes excuses à chaque musulman auprès duquel on a essayé de ternir mon image. Je demande également pardon à toute la communauté musulmane,» déclare Idrissa Seck en wolof lors d'une conférence de presse à son fief de Thiès (Ouest).

Dans une autre vidéo, on voit l'ancien Premier ministre s'adresser à des journalistes pour leur expliquer le but de son intervention. Pour Idrissa Seck, il fallait absolument donner au Sénégal la place qu'il mérite dans la résolution du conflit israélo-palestinien, «sans attendre Trump ni Macron. Ce que fait Macky Sall». À moins d'un an de la présidentielle, on se démène comme on peut, même à coups de Bible et de Coran.

 

 

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