Amos Yadlin est l’une des voix les plus renommées parmi les experts des questions sécuritaires en Israël. Avant de devenir directeur de l’Institut pour les études de sécurité nationale (INSS), il a passé près de quarante ans au sein de l’armée israélienne, notamment dans les forces aériennes. Entre 2006 et 2010, il a été le chef du renseignement militaire.
Depuis le retrait américain, l’avenir de l’accord sur le nucléaire iranien (dit JCPOA) paraît incertain. Quel scénario vous semble le plus probable ?
Deux types de scénarios se dessinent pour les six prochains mois, en fonction de l’efficacité de la réintroduction des sanctions en Iran et leur impact sur son économie. Dans le cas où les sanctions ne sont pas assez efficaces, si les Européens développent des mécanismes pour les contourner, si la Russie, la Chine, l’Inde, le Japon ne changent pas leurs relations avec l’Iran, alors, le cœur de la lutte sera l’Europe.
Les Américains vont introduire des sanctions secondaires vis-à-vis des compagnies européennes, afin que ces dernières réalisent que le marché américain est bien plus important que le marché iranien. Entre ensuite en jeu la question des importations du pétrole iranien, qui concerne surtout l’Inde, la Chine, le Japon et la Corée du Sud. Enfin, il y a la question des transactions financières (Swift), qui pourraient être atteintes comme en 2012, mais si un mécanisme est trouvé pour opérer ces transactions par des banques sans activités aux Etats-Unis, alors la mesure sera inefficace.
Si les sanctions ne produisent pas d’effets, je pense que l’Iran restera dans l’accord. Le statu quo des trois dernières années se poursuivra : l’Iran respectera l’accord, profitera de bonnes relations économiques avec l’Europe, la Chine, la Russie. Le retrait américain aura un effet limité.
Si les sanctions fonctionnent, on peut imaginer des scénarios positifs et négatifs. Le plus positif étant un retour iranien à la table des négociations, et la conclusion d’un meilleur accord. Mais je dois souligner que, à Washington, on mise davantage sur un effondrement du régime iranien. Les Etats-Unis espèrent que les sanctions déclencheront des troubles et des manifestations défiant le régime. Personne ne le dit explicitement, mais tel est leur objectif.
Si les sanctions fonctionnent, voyez-vous de possibles conséquences néfastes ?
Cela pourrait être le retour à la case départ, c’est-à-dire comme en 2013, avant le gel du programme nucléaire iranien. L’Iran reviendrait à l’enrichissement de l’uranium. Il existe 60 000 emplacements pour centrifugeuses à Natanz, et construire un autre site est possible. Cela sous couverture d’un programme civil, en arguant du fait que l’Iran a signé le traité de non-prolifération. Cela signifierait que les Iraniens s’approcheraient de la bombe. Enfin, le pire des scénarios est le saut iranien vers la bombe, en suivant le chemin nord-coréen, en sortant du traité de non-prolifération.
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