Un plan propose à Israël de rompre avec les Palestiniens. Mais que contient-il ?
- Publié le 10-10-2018 à 16h13
- Mis à jour le 10-10-2018 à 16h14
Un important think tank israélien l’incite à façonner seul son destin.La récente loi fondamentale sur l’État-nation du peuple juif l’a rappelé en creux : la réalité démographique d’Israël pourrait conduire un jour à ce que la majorité juive et la minorité arabe s’inversent. Dans un tel État binational en devenir, le caractère juif ne peut être préservé sans que son son caractère démocratique ne soit altéré, bafoué. Et s’il veut préserver ce dernier, c’est son caractère juif qu’il ne peut maintenir. Or, Israël se définit depuis sa fondation par ces deux attributs.
Ce constat, qui "menace le rêve des pères fondateurs sionistes", sert de préliminaire au plan que vient de finaliser l’un des principaux groupes de réflexion israélien.
Tout sauf un plan de paix
Le document, présenté lundi par l’Institut pour les études de sécurité nationale (INSS), propose de "garantir l’existence d’Israël en tant qu’État juif, démocratique, sécurisé et moral", sans qu’il soit question de transiger sur l’une ou l’autre de ces qualités.
II ne s’agit pas d’un "plan de paix", mais d’un plan d’actions unilatérales qu’Israël pourrait mettre en œuvre du seul point de vue de ses intérêts propres, a résumé Amos Yadlin, un ex-général de l’armée israélienne (en charge un temps des renseignements militaires) aujourd’hui à la tête de l’INSS.
Cette étude de 121 pages, intitulée sobrement "Un cadre politico-sécuritaire pour la scène israélo-palestinienne", est le fruit de deux années de recherches au sein de ce think tank - qui se dit non partisan - basé à l’université de Tel-Aviv. De nombreux responsables politiques et diplomates, israéliens, arabes de la région et américains, ont été consultés.
Une séparation politique et territoriale
Le plan incite Israël à démontrer son intention de promouvoir une "séparation politique et territoriale vis-à-vis des Palestiniens". L’État hébreu devrait aussi faire preuve de son profond engagement vis-à-vis d’une "réalité à deux États", qu’il s’agisse d’un État indépendant de Palestine ou de toute "entité contiguë sous contrôle de l’Autorité palestinienne et constituée d’environ 65 % du territoire de la Cisjordanie".
Se couper du destin palestinien est la seule manière d’échapper à cette réalité binationale, qui découle d’une souveraineté israélienne (allant de la Méditerranée au Jourdain) s’exerçant aussi sur la Cisjordanie. Que celle-ci soit partielle, comme aujourd’hui avec l’occupation de la zone C (62 % du territoire palestinien), ou totale, en cas d’une annexion de l’ensemble de ce territoire (comme le souhaitent les nationalistes religieux).
Il s’agit aussi d’une manière de ne "pas répéter l’erreur du retrait total de Gaza", comme le soulignait l’un des chercheurs de l’INSS lors de la présentation publique de lundi soir. Le petit territoire côtier palestinien ne fait pas partie de la réflexion du think tank, pas plus que Jérusalem-Est (réclamé par les Palestiniens comme la capitale de leur futur État), mais ils peuvent intégrer l’ensemble en tant que modules optionnels.
Une rare fenêtre d’opportunité
Néanmoins, le contrôle sécuritaire resterait israélien, le plan ne prévoyant pas que les Palestiniens disposent d’une armée ou d’une force militaire propre.
Autre principe directeur : Israël pourrait, avec l’aide internationale, contribuer à renforcer l’infrastructure de l’Autorité palestinienne en matière de gouvernance, ainsi que l’économie palestinienne.
En définitive, le gouvernement israélien serait inspiré de prendre l’initiative de cette rupture, estiment les auteurs de l’étude. Israël, qui n’a "jamais été si fort ni autant en sécurité" qu’aujourd’hui, doit profiter de cet avantage et ne pas être tributaire du refus palestinien de revenir à la table des négociations. D’après l’INSS, il y a une "rare fenêtre d’opportunité" dont le cadre repose sur une administration américaine "amicale", un sentiment favorable à Israël dans les États arabes de la région… Et cette fenêtre pourrait se refermer dans deux ans.