Pourquoi des affiches du Likoud font scandale à Tel Aviv
Le parti du Premier ministre a usé d'une rhétorique haineuse et clivante pour la campagne des municipales.
- Publié le 22-10-2018 à 19h10

Le parti du Premier ministre a usé d'une rhétorique haineuse et clivante pour la campagne des municipales.Les prochaines élections municipales en Israël sont prévues pour le 30 octobre. Depuis le début du mois, la campagne électorale a commencé dans les grandes villes du pays. Des banderoles au nom des candidats ont été accrochées à certains balcons ou sur la façade de bâtiments, tandis que les transports publics ont été habillés aux couleurs des partis concurrents. À Tel Aviv-Jaffa, la campagne du Likoud a fait parler d'elle. Le parti de droite, dirigé par le Premier ministre Benjamin Netanyahou, a repris le leitmotiv des élections législatives du printemps 2015 : "C'est nous ou eux". Aux derniers jours de la campagne, M. Netanyahou avait appelé les électeurs juifs israéliens à se déplacer aux urnes pour contrer le vote arabe en Israël.
Cette fois, la campagne du Likoud, qui ne brigue pas le poste de maire mais davantage de sièges au conseil municipal (il en occupe deux actuellement, sur 31), vise les migrants africains résidant dans le sud de Tel Aviv, les ONG luttant contre l'occupation israélienne en Cisjordanie et les résidents arabes musulmans de Jaffa. Rattachée à Tel Aviv en 1950, celle-ci compte plus d'un tiers d'Arabes parmi ses 46 000 résidents israéliens.

"Cité juive" contre "ville des infiltrés"
Dès le 3 octobre, les passants ont découvert les affiches du Likoud placardées sur les murs et dans les espaces publicitaires des abribus. Deux images étaient apposées : celle d'un drapeau israélien face à celle d'un homme cagoulé brandissant le drapeau palestinien ou de demandeurs d'asile avec le drapeau soudanais. À chaque image correspondait une accroche particulière : "C'est nous ou eux - la cité juive ou le Mouvement islamique de Jaffa" [un mouvement islamiste arabe israélien, NdlR], ou bien : "C'est nous ou eux - la cité juive ou la ville des infiltrés" [terme utilisé par l'actuel gouvernement pour désigner les migrants africains illégaux en Israël, NdlR].
Dans la très libérale et multiculturelle Tel Aviv, de tels messages ont immédiatement fait polémique, suscitant colère et indignation dans le grand public, les hommes politiques et les ONG. Parmi eux, l'artiste Shoshke Engelmayer s'est fait remarquer. Ce personnage excentrique, habillé d'un costume de femme aux formes généreuses et d'une perruque blonde, est sorti dans la rue pour couvrir les affiches du Likoud de ses propres images. Celles-ci représentent les cinq doigts de la main affublés de marionnettes souriantes, l'une portant une kippa, la deuxième un béret, un autre encore avec un keffieh (foulard dans la culture arabe). Le slogan répond à celui du Likoud : "C'est nous… ou nous". Interrogé dans les médias israéliens, l'artiste prétendait ainsi "réparer la honte" incarnée par les affiches du Likoud.
Les autres candidats en lice ont également dénoncé une campagne illégitime et contraire à l'esprit de Tel Aviv-Jaffa. Sur la page Facebook de son parti "Nous sommes la ville" (liste unie juive-arabe), Assaf Harel, candidat à la mairie, a reproché au Likoud d'avoir régulièrement recours à ce type de campagne qui concourt à la division et la haine dans la société israélienne.
En réponse, Arnon Giladi, député-maire de Tel Aviv et représentant le Likoud au conseil municipal, a défendu la campagne d'affichage, assurant que son parti est le seul à se battre "pour préserver le caractère sioniste de la première ville juive d'Israël". Le 8 octobre, Ron Huldai, l'actuel maire de la ville (parti travailliste) a finalement obtenu du Likoud l'abandon de sa campagne d'affichage. Les images ont disparu mais le message demeure, aurait néanmoins prévenu Arnon Giladi.
