Patrick Bruel: "Le succès est très dangereux"
À 59 ans, Patrick Bruel sort un nouvel album qui (ré) sonne comme un renouveau pour le chanteur.
- Publié le 08-11-2018 à 10h52
- Mis à jour le 08-11-2018 à 10h53
À 59 ans, Patrick Bruel sort un nouvel album qui (ré) sonne comme un renouveau pour le chanteur. "S’il y a un côté de moi qu’on ne connaissait pas sur cet album, ça ne veut pas dire qu’on sort de sa zone de confort, confie Patrick Bruel au sujet de son 9e disque aux consonances parfois urbaines. On explore juste d’autres horizons musicaux. On va simplement à chaque fois chercher des costumes qui vont le mieux aux chansons. La chanson de Mickey 3D (Tout recommencer en collaboration également Vianney, NdlR) est différente car ma voix y a une tessiture basse. Si les gens pensent que j’ai perdu ma voix à cause de cette chanson-là, cet album-ci va les rassurer (sourire) ! Car, au contraire, je suis dans une zone de grand confort. J’ai des textes plus aboutis et exigeants encore, des sujets forts. Mes fans disent que c’est mon meilleur album, j’en suis ravi."
Votre chanson Louise, qui évoque le suicide d’une ado suite aux effets pervers des réseaux sociaux, parle d’une Namuroise…
"J’avais déjà abordé le thème du harcèlement dans Maux d’enfants , il y a 6 ans. Là, on est au-delà, on est dans l’enrôlement, la puissance de frappe. C’est marrant de me dire que c’est une Namuroise car Louise est aussi une Bretonne et une fille du Languedoc. Si on change le prénom, ce sont des dizaines de personnes comme ce petit garçon de 14 ans qui a mis fin à ses jours encore récemment en France. Un sujet réel et un vrai fléau. Moi j’ai des ados (Oscar et Léon qu’il a eu avec Amanda Sthers, NdlR) , je ne peux pas laisser les gens parler avec n’importe qui sur Internet. C’est aux parents et aux enseignants de leur apprendre à maîtriser l’outil avant de subir et de pousser les enfants à parler. Il faut briser le silence. C’est pourquoi j’ai fini ce titre en musique plus urbaine. Il fallait un son fort et violent."
Vous brisez aussi le silence sur votre âge (59 ans) en évoquant le temps qui passe sur Pas eu le temps.
"Personne n’accepte forcément le temps qui passe et les marques que cela provoque. C’est d’ailleurs la chanson préférée de mes enfants. Car quand ils n’aiment pas, ils ne se gênent pas pour le dire. Ils aiment le contrepoint entre la musique rythmée et le texte bercé de nostalgie et mélancolie. Le temps qui passe ne doit pas être un obstacle à notre vie, au contraire !"
Vous vivez donc tout intensément malgré ce succès parfois fou ?
"Oui, chaque concert, chaque album. On n’a jamais envie de s’arrêter. J’ai été le spectateur que vous êtes avec les yeux qui regardent un artiste et je connais la résonance que cela peut avoir sur les gens. C’est quelque chose d’indescriptible. Une dose de complicité, d’énergie et d’amour. Un bel échange car les gens ont répondu dès le départ et ça ne fait que s’amplifier."
Comment ne pas sombrer du mauvais côté ?
"En restant toujours en mouvement. Je fais des albums pour rencontrer les gens en concert car ça me remplit de joie autant que mon public. La seule chose qui monte à la tête est de penser que le succès donne raison. Le succès est quelque chose de très envahissant et dangereux. Car tout ce qui est dans l’excès peut avoir des effets pervers. Il y a des artistes qui reçoivent une déflagration à laquelle il faut être psychologiquement préparé. Moi, le succès n’est pas arrivé tout de suite, c’était à 30 ans. J’ai commencé à 18 ans. J’ai eu le temps de me préparer, même si j’aurais pu péter un câble à ce moment-là et je l’ai peut-être même fait quelque part… Mais je voulais faire de la musique. Je n’avais pas envie que ça s’arrête et je ne voulais pas me faire embarquer par des trucs qui ne me ressemblaient pas. Je ne suis pas très différent dans la vie que sur scène."
"Je n’ai pas à pardonner mon père"
Dans son album plein, à la fois festif (Stand-up qui donne envie de danser et annonce la couleur de ses concerts), solaire et qui fait réfléchir (il évoque notamment les derniers attentats), Patrick Bruel a aussi écrit une chanson adressée à son père, J’ai croisé ton fils, qui nuance l’importance du pardon. "Le problème de pardonner est qu’on se situe en une personne qui veut pardonner, souligne celui dont le père a quitté le domicile familial alors qu’il n’avait que 1 an. Mais moi, je n’ai pas à lui pardonner finalement. J’ai discuté. J’avais finalement besoin d’une explication, de parler et de comprendre. Puis de se dire si c’est apaisé ou pas… Et ça l’est aujourd’hui. Il faut se poser les bonnes questions car il n’y a pas eu de crime grave. Mon père avait 20 ans et il s’est séparé d’une femme avec qui il a eu un enfant… cela arrive à tout le monde, tous les jours. Je n’ai pas eu d’agression ni de maltraitance, rien qui ne demande de pardon." Le chanteur, bientôt en tournage d’un film avec Fabrice Luchini (par les auteurs du Prénom), continue d’ailleurs à le voir. "Il y a eu des périodes où je ne le voyais pas, des périodes un peu plus et, depuis quelque temps avec la naissance de mes enfants, je le vois régulièrement. Car, au fond, il n’y a rien eu de grave. Je l’ai évoqué dans des chansons, je me suis construit là-dessus. Et celle-ci me permet d’apaiser toute cette histoire."
Patrick Bruel nous refait le match France 1 - Belgique 0
Qu’est-ce qu’on fait est le titre que Bruel a écrit lui-même, en une heure, le 17 juillet, au retour de la victoire de la France à la dernière Coupe du Monde. "On était sur les Champs-Élysées, on avait gagné notre deuxième étoile, on était tous heureux, on faisait la fête. Une liesse populaire où tout le monde se prend dans les bras. Ok mais on fait quoi de tout ça ? C’est juste deux étoiles et puis on plie comme en 1998 ? Et la France black blanc beur et la diversité, on en fait quoi ? On s’aime une semaine et après on arrête ? C’est ça l’histoire ?" Un pays pris dans ses propres filets de l’union nationale qui aurait pu arriver aussi à la Belgique. "Il est vrai que ça aurait été extraordinaire vu le parcours de votre pays. Mais finir 3e en faisant peur au gagnant, ça a fait du bien à la Belgique. Et puis c’est peut-être comme ça que vous gagnerez l’Euro. Car nous, c’est parce qu’on a perdu contre le Portugal qu’on a gagné l’Euro. C’est aussi ça le football! Mais que l’on arrête de dire que vous deviez gagner ce match contre la France. La Belgique n’avait qu’à marquer un but dans la première demi-heure ! Il faudrait que les Belges revoient le match car ils ne le reverront pas comme ils l’ont vécu ce soir-là. Car la réaction de certains supporters et joueurs belges après le match était un peu disproportionnée et pas digne de leur niveau. Moi, j’avais donné la Belgique, avec la France, la Croatie et l’Espagne dans le carré gagnant avant la Coupe du Monde. Et quand le match arrive contre la Belgique, on a vraiment peur… car on a vu un pays très fort ! Ils avaient tout donné dans le match contre le Brésil donc on pensait jouer là-dessus sauf que, pendant 25 minutes, on est complètement écrasé par votre domination. Et vous ne marquez pas, Mazel tov ! Après, on a quand même des joueurs et dire qu’on a fermé le match, ce n’est pas vrai. On a contenu pour ne pas prendre un but. À la mi-temps, j’avais même posté : ‘On souffre, on a les deux meilleurs joueurs du monde à leur poste, Mbappé et Hazard. Le premier qui marque gagne la Coupe du Monde .’ Et c’est nous qui marquons. Et une fois qu’on marque, on n’a pas envie d’en prendre un. On ne va pas faire le spectacle, hein ! On savait qu’il n’y aurait qu’un but."
Rencontre avec Patrick Bruel
En savoir plus Ce soir on sort… (Sony Music) et Patrick Bruel sera en concert le 28 février 2019 (COMPLET), le 15 mai (COMPLET) et le 16 mai au Forest National de Bruxelles.
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