La rencontre mystérieuse de Mehdi Nemmouche avec un "Japonais francophone"
- Publié le 13-11-2018 à 19h02
- Mis à jour le 14-11-2018 à 07h37
C’est là une des (nombreuses) questions restées sans réponse sur le parcours de Mehdi Nemmouche, qui sera jugé en janvier 2019 devant les assises de Bruxelles pour sa participation dans la tuerie du Musée juif de Bruxelles, où quatre personnes ont été abattues le 24 mai 2014. Qui est ce “Japonais francophone” qui s’est intéressé de très près à Mehdi Nemmouche lorsqu’il a fait un long crochet par l’Asie du Sud-Est après avoir quitté la Syrie mais avant de rejoindre l’Europe.
L’itinéraire de Mehdi Nemmouche est connu. En Syrie, il a été, avec notamment Najim Laachraoui qui se fera exploser à Zaventem le 22 mars 2016, un des geôliers des otages occidentaux retenus en Syrie par l’Etat islamique. Il était même le plus cruel, dira de lui un des journalistes français retenus en otage. En février 2014, Mehdi Nemmouche a quitté la Syrie pour rejoindre la Malaisie d’où il a rayonné pendant un mois et demi vers Singapour et Bangkok.
C’est dans la ville-Etat qu’il a fait une rencontre étonnante, comme le relate Matthieu Suc, dans son ouvrage “Les espions de la terreur”, paru la semaine dernière. Il se base sur les confidences à un détenu faites par Mehdi Nemmouche, qui, après son arrestation une semaine après l’attentat au Musée juif, restera incarcéré plusieurs mois en France.
Un gardien qui écoute à la serrure
Le 28 juillet 2014, alors qu’il est détenu depuis deux mois à Bois d’Arcy, Mehdi Nemmouche s’est confié à un autre détenu qui était dans la cour de promenade qui jouxte les cellules du quartier d’isolement. Cet homme, qui s’était également rendu en Syrie, ne savait pas qu’un gardien, caché derrière la porte, n’en perdait pas un mot. Mehdi Nemmouche l'ignorait également.
Le surveillant en a avisé la direction. Mehdi Nemmouche a raconté qu’il avait rencontré “un Japonais”, soit un Asiatique francophone qu’il l’aurait “roulé”.
Cet homme s’est présenté comme un étudiant en médecine âgé de 21 ans. Il se serait, selon Nemmouche, montré insistant pour regarder son passeport, au prétexte qu’il n’en a jamais vu de français. Nemmouche lui montre, masquant son identité. Le “Japonais” l’interroge sur les visas algériens, libanais et turcs tamponnés. Nemmouche lui répond qu’il est un commerçant actif dans le textile et qu’il cherche les tissus les moins chers.
Une fausse adresse mail
Mehdi Nemmouche devient méfiant. Lorsque le “Japonais” lui demande ses coordonnées pour rester en contact, il lui donne une fausse adresse mail. Le lendemain, Mehdi Nemmouche se rend près d’une des plus belles mosquées de Singapour. Et il voit… l’étudiant en médecine. Il lui demande pourquoi il est là. Et celui-ci lui répond que la mosquée est recommandée par le Guide du Routard.
Nemmouche, à qui on ne la fait pas, fera des vérifications. Nulle trace de cette mosquée dans le plus connu des guides touristiques francophones. Et Nemmouche de penser qu’il a démasqué un agent secret.
Matthieu Suc a tenté de vérifier. Côté français, la DGSE (Direction générale de la sécurité extérieure) et la DCI (Direction de la coopération internationale, dépendant du ministère de l’Intérieur) ont des antennes à Singapour. Elles refusent de commenter ou précisent que ce n’est ni dans leurs missions ou leurs méthodes. Serait-ce, si Nemmouche était bien surveillé, les services de renseignement de Singapour ? Ils n'ont pas de commentaires à faire.
Cela ne pourrait de toute façon pas être les services belges, qui n’ont rien de tel en Asie.