Publicité

Golda Meir par Edmonde Charles-Roux en 1994: «Aucune femme ne m'a autant impressionnée»

Golda Meir (1898-1978), grande dame de la politique israélienne, a toujours milité en faveur des juifs. Elle est considérée comme l'un des fondateurs d'Israël. Rue des Archives/Rue des Archives/Tallandier

LES ARCHIVES DU FIGARO - Il y a 40 ans disparaissait l'ancienne Première ministre d'Israël, Golda Meir. Elle fut pour le peuple israélien, la «Grand-mère d'Israël» et une femme militante dont la ténacité faisait l'admiration d'un grand nombre. En 1994, la romancière Edmonde Charles-Roux lui rend un émouvant hommage.

«Le seul homme du gouvernement» disait d'elle son compagnon de route Ben Gourion. Devenue la première femme Première ministre en Israël en 1969, elle mène une brillante carrière politique qui s'achève avec la guerre du Kippour.

Née à Kiev, en Ukraine, en 1898, Golda Meir connaît les pogroms. Elle part s'installer avec sa famille aux États-Unis, dans le Wisconsin. Dès l'âge de 15 ans l'adolescente milite dans le parti «Poale Zion» (les ouvriers de Sion). C'est le début d'un long engagement en faveur du sionisme et d'Israël. En 1921, la jeune femme émigre en Palestine. Envoyée en mission aux États-Unis en tant que secrétaire de l'Organisation sioniste des femmes pionnières, elle se révèle très vite une femme de caractère, et se consacre aux questions de politique internationale.

En 1948, David Ben Gourion pressent une invasion probable d'Israël par les pays arabes. À la recherche d'armements, il envoie Golda Meir aux États-Unis qui récolte des fonds, pas moins de 55 millions de dollars. C'est un succès.

Après la création de l'État d'Israël en avril 1948, elle est nommée ambassadeur de son pays en Union soviétique. Dès lors elle demeure au sein de la politique israélienne.

En 1956, en remplacement de Moshe Sharet, elle est nommée ministre de la politique étrangère israélienne. Elle s'impose par ses prises de positions fermes avec les diplomates étrangers. Elle est très appréciée des Israéliens qui la nomment affectueusement «Golda». En mars 1969, âgée de 70 ans, elle est nommée Premier ministre lors de la disparition de Levi Eshkol. Elle s'efforce de resserrer les liens de son pays avec les États-Unis et également avec l'Europe. Son souhait est de souder l'unité nationale et de ne rien céder aux pays arabes. Elle croit fermement qu'Israël fait son possible pour arriver à une paix, en dépit de l'incompréhension des pays arabes. Lorsqu'éclate la guerre du Kippour, le 6 octobre 1973, le gouvernement est pris de surprise. Golda Meir est sous le choc: devant les forces égyptiennes qui progressent dans Le Sinaï au sud, et l'armée syrienne au nord, Golda Meir désespérée, songe alors que c'est la fin de l'État d'Israël.

Elle va cependant prendre les décisions stratégiques qui permettront à la guerre du Kippour de se terminer à l'avantage d'Israël. Mais le conflit d'octobre ruine ses espoirs et pour la première fois les pertes sont lourdes. Cette guerre provoque un séisme politique. La chef du gouvernement est accusée d'imprévoyance et de légèreté, la guerre montrant l'incapacité des services secrets du Mossad à prévenir le gouvernement. Golda Meir, discréditée, est contrainte de démissionner.

Le 8 décembre 1978, la combattante d'Israël s'éteint après une année de santé chancelante. En réalité, elle était malade depuis de longues années: elle souffrait d'une forme chronique de leucémie. Golda Meir est inhumée à Jérusalem sur le mont Herzl, dans le cimetière qui abrite tous les fondateurs de l'État Hébreu. Suivant ses dernières volontés, aucune oraison n'est prononcée. Celle qui a consacré toute sa vie à son peuple repose enfin en paix.

Retrouvons le vibrant témoignage de la romancière Edmonde Charles-Roux écrit quelques années plus tard. Elle éprouve une affection et une admiration toute particulière pour l'une des figures les plus marquantes de l'État d'Israël.


Article paru dans Le Figaro du 16 mars 1994

L'indomptable Golda Meir

Elle incarnait la force et le courage. Ce fut pour cela qu'elle s'imposa à une nation en péril. Ce fut aussi parce qu'elle prenait en main les destinées de tout un peuple à un âge où d'autres prennent leur retraite. Elle fut, à soixante-dix ans, la seule femme chef de gouvernement et le demeura cinq ans pour la plus grande surprise de ceux qui avaient prédit qu'elle ne tiendrait pas six mois.

Golda Meir avait hésité à prendre la succession de Levi Eshkol. La charge était lourde; la situation particulièrement délicate. Elle prétexta d'autres projets sur lesquels elle ne souhaitait pas revenir. Quand on lui demanda lesquels, elle répondit: «Être une vraie grand-mère pour mes petits-enfants.» C'est ainsi qu'elle devint, presque contre son gré, celle que l'on appelait «la grand-mère d'Israël».

« Ses relations avec ses collaborateurs étaient d'un rare mélange d'admiration et de tendresse ».

Edmonde Charles-Roux

Une vieille dame inusable, héroïque, exemplaire, dont Ben Gourion disait: «Elle est le seul homme d'État de mon gouvernement.» Ses relations avec ses collaborateurs étaient d'un rare mélange d'admiration et de tendresse. Tendresse… le mot surprendra. C'est que l'on a souvent parlé des qualités masculines de Golda Meir, en oubliant trop souvent ce qu'elle avait de spécifiquement féminin. On la représentait plus volontiers en pionnière du sionisme ou en militante de base de la Confédération des travailleurs israéliens que devant ses fourneaux, préparant pour les membres de son cabinet l'un de ces petits-déjeuners à l'aube dont elle avait le secret.

On parlait à son propos de l'«homme fort», jamais de celle auquel il arriva, dans des moments particulièrement cruels ou difficiles de sa carrière politique, d'user d'une arme de faible femme: les larmes.

« Je l'ai vraiment beaucoup aimée. Aucune femme ne m'a impressionnée autant qu'elle. Je l'ai aimée pour tout ce qu'elle a été. »

Edmonde Charles-Roux

Je l'ai vraiment beaucoup aimée. Aucune femme ne m'a impressionnée autant qu'elle. Je l'ai aimée pour tout ce qu'elle a été et que d'autres femmes d'État n'ont pas su être. Aucune n'a su, comme Golda, imposer le naturel, la simplicité vraie et porter son âge. Avec elle, il n'y avait rien à craindre de ce qui, d'ordinaire, menace les dames ministres dans l'exercice de leurs fonctions. Le vent? Il ne risquait pas de détruire les artifices de sa coiffure. La pluie? Elle ne pouvait effacer les artifices de son maquillage. Les mouvements de foule? Ils ne menaçaient pas l'équilibre instable de sa démarche. Elle avançait d'un pas de laboureur, chaussée en boy-scout, ses cheveux blancs tirés en arrière, vêtue d'une chemisette, style kibboutz. Elle avait un accent râpeux, énorme, magnifique, le bel accent des ghettos de la Mitteleuropa, un accent incurable et qu'elle ne cherchait pas à camoufler. Elle ne cherchait pas non plus à séduire les cameramen. Elle les rabrouait: «Allez-vous-en! Cherchez ailleurs! Je suis une vieille femme! Laissez votre grand-mère tranquille!»

Mais elle régnait, indiscutée, indiscutable. On la regardait comme ou contemple une haute montagne au soleil couchant, dans la conviction que rien ne pourra l'ébranler et qu'elle sera là, le lendemain, toujours forte et inchangée ... Quelle leçon!

Par Edmonde Charles-Roux

Golda Meir par Edmonde Charles-Roux en 1994: «Aucune femme ne m'a autant impressionnée»

S'ABONNER
Partager

Partager via :

Plus d'options

S'abonner
Aucun commentaire

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

À lire aussi

28 mars 1928: Allo, New York? Ici Paris

28 mars 1928: Allo, New York? Ici Paris

LES ARCHIVES DU FIGARO - Ce jour-là, la première ligne téléphonique transatlantique entre la France et les États-Unis était ouverte: une inauguration officielle sensationnelle, pour les particuliers... un tarif prohibitif.