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Procès Nemmouche: les «vies gâchées» des victimes du musée juif de Bruxelles

Depuis cinq ans, Mehdi Nemmouche, auteur présumé de la tuerie du musée juif de Bruxelles, se mure dans le silence. BENOIT PEYRUCQ/AFP

Les plaidoiries des parties civiles se succèdent depuis lundi, à la cour d'assises de Bruxelles pour le procès de Mehdi Nemmouche, auteur présumé de la tuerie du musée juif de Bruxelles en 2014. Les avocats ont fustigé «le silence» de l'accusé, qui empêche les familles des victimes de faire leur deuil.

Replacer l'humain au centre du procès: telles étaient les intentions des avocats des familles des quatre victimes et d'une survivante de la tuerie du musée juif de Bruxelles, le 24 mai 2014. Depuis lundi après-midi, ils ont la parole pour évoquer leur mémoire et leurs vies «gâchées». Les plaidoiries ont débuté avec l'avocat de la mère d'Alexandre Strens, Me Christian Dalne.

«Ce procès manque cruellement, follement d'humanité, de sentiment, de chaleur», a dénoncé en préambule Me Dalne, qui s'est dit «en colère» contre le manque de respect subi par les victimes de la tuerie. Alexandre Strens, employé belge du musée âgé de 26 ans, né de parents marocains, reçoit un tir en plein front dans le hall d'accueil du musée. Il décédera deux semaines plus tard à l'hôpital. «On a oublié que quatre victimes innocentes ont été abattues dans un attentat terroriste antisémite», a déclaré Me Christian Dalne, balayant l'argumentation de la défense de Mehdi Nemmouche. Selon ses avocats, l'attaque n'est pas un attentat de l'organisation État islamique (EI), mais «une exécution ciblée d'agents du Mossad», les services secrets israéliens.

«Alexandre ne fait évidemment pas partie d'un quelconque service secret», a martelé Me Darne qui, à la demande de sa mère, a souhaité «restaurer l'image et la réputation» d'Alexandre Strens. «C'est un homme aux racines plurielles, un citoyen du monde, un homme libre», a-t-il dit aux jurés. Le lendemain, Me François Koning, avocat de la famille de Dominique Sabrier, bénévole française de 66 ans abattue ce jour-là, ira plus loin encore. La mort d'Alexandre Strens est pour lui «l'emblème même du gâchis de cette histoire», décrivant un «jeune homme d'origine musulmane qui se prend d'intérêt pour la culture hébraïque et se fait assassiner au nom de l'islamisme».

Une retraitée «polyglotte, ouverte sur le monde, pleine de culture»

Dominique Sabrier est la dernière des quatre victimes. Mardi, Me Koning a voulu faire revivre aux jurés «des secondes qui ont duré une éternité», images des caméras de surveillance du musée à l'appui - images «truquées» selon les avocats de Mehdi Nemmouche -. Dominique Sabrier était assise derrière son bureau quand elle a vu surgir le tueur à quelques mètres d'elle. Alors qu'elle tente d'activer un système d'alarme, la bénévole «voit toute la scène». «Elle a tout le temps de se voir assassiner froidement par un tueur déterminé», a affirmé Me Koning. Dominique Sabrier plonge au sol pour tenter de se protéger, mais le tueur change d'arme et «vient l'achever avec une kalachnikov», a raconté l'avocat. «Elle est la seule qui s'est su, qui s'est vu assassiner par un tueur de l'État islamique», a-t-il insisté, en référence à l'accusé, soupçonné d'avoir combattu en Syrie entre janvier 2013 et février 2014 sous l'égide de l'État islamique.

Me Koning a rendu hommage à la personnalité de Dominique Sabrier, tout juste installée à Bruxelles après une carrière dans l'édition en France. La retraitée était «en bonne santé» et «polyglotte, ouverte sur le monde, pleine de culture», a rappelé l'avocat, comme pour mieux dénoncer, à la fois, l'injustice et la violence de sa mort. Au terme d'une plaidoirie de six heures, Me Koning a cédé la place aux avocats de la famille d'Emmanuel et Miriam Riva, un couple d'Israéliens abattus les premiers, sous le porche d'entrée du musée.

La «stratégie du silence» de Nemmouche, d'une «incroyable lâcheté»

Les époux Riva étaient-ils des agents secrets pour le compte d'Israël? De mardi, 17 heures, à mercredi, 11 heures, leurs avocats se sont employés à déconstruire cette théorie avancée par la défense de Mehdi Nemmouche. Le couple séjournait à Bruxelles pour fêter leur 18ème anniversaire de mariage, ont-ils martelé. Pour Me Marc Libert, Nemmouche est un «psychopathe narcissique» dont le lien avec Daech est «évident». «Si ce n'est pas un attentat, pourquoi une vidéo de revendication? A-t-on jamais vu un tueur à gage tuer avec une kalashnikov? Utiliser une kalachnikov, c'est pour terroriser. Le but a été atteint: les Riva, la communauté juive, la Belgique entière sont traumatisés».

L'avocat a usé de sa verve auprès des jurés en mentionnant les filles du couple, Shira et Ayalet. «Ce qui me hante, c'est que Ayalet, la biche (signification de son prénom en hébreu, ndlr), connaisse le même destin que Bambi, dont la mère est abattue par un chasseur», a-t-il conclu. Me David Ramet, également représentant de la famille du couple, a pour sa part évoqué le père d'Emanuel Riva «qui survécu au régime nazi pour voir son fils assassiné par la même idéologie. Il n'y a rien de pire.» Me Vincent Bodson, qui a tenu le micro pendant deux heures mercredi matin, a fustigé le mutisme de l'accusé depuis cinq ans: «Mehdi Nemmouche a fait preuve d'une incroyable lâcheté depuis le 24 mai 2014. Il a tenté d'imposer une ignoble stratégie du silence. Il a sali les victimes. Il a confisqué le deuil des familles.»

La parole est ensuite revenue à Vincent Lurquin, avocat de Clara Billeke Villalobos, une artiste chilienne de 81 ans présente dans les toilettes du musée juif au moment de la fusillade. «Elle ne veut pas parler de sa souffrance. Elle veut que justice soit rendue aux victimes. Elle veut dire que les choses se sont passées ; elle était là. Il y a un respect immense pour les personnes qui ont perdu leur vie et il y a aussi cette notion de terreur qui touche ceux qui restent. Elle a un devoir de parole, de mémoire, de justice», a-t-il adressé aux jurés. Et d'ajouter au sujet de Mehdi Nemmouche: «Est-ce que vous avez entendu le moindre mot de respect, de tristesse, de chagrin, de compassion, d'humanité? Ne pas dire cela, c'est une première signature de culpabilité.»

Se sont ensuite succédé les avocats du musée juif de Bruxelles, du Comité de coordination des organisations juives de Belgique (CCOJB), du Centre interfédéral pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme et les discriminations (Unia) et de l'Association française des victimes du terrorisme (AFVT). Le verdict du procès est attendu début mars.

Procès Nemmouche: les «vies gâchées» des victimes du musée juif de Bruxelles

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4 commentaires
  • JMCO

    le

    Ce pitoyable héros de banlieue n'a même pas le courage de reconnaître ses actes. C'est le parfait exemple de la lâcheté...

  • berking

    le

    ils ont bien de la patience les belges avec un individu pareil!une "bavure" aurait épargné bien des peines et beaucoup d'argent!

  • Bob44

    le

    le verdict pour ce genre d'individu devrait être celui de Saddam Hussein.

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