COMPTE-RENDU«Pas un saint» ni «un assassin» se défend le co-accusé d'Abdelkader Merah

Procès Merah en appel: «Je suis pas un saint, mais je suis pas un assassin non plus», se défend l'autre accusé, Fettah Malki

COMPTE-RENDUFettah Malki est poursuivi en appel pour avoir vendu un gilet pare-balles à Mohamed Merah et pour lui avoir confié l'arme utilisée lors de la tuerie de l'école juive en 2012
Abdelkader Merah et Fettah Malki dans le box des accusés devant la cour d'assises spécialement composée de Paris, le 2 octobre 2017.
Abdelkader Merah et Fettah Malki dans le box des accusés devant la cour d'assises spécialement composée de Paris, le 2 octobre 2017. - BENOIT PEYRUCQ / AFP
Hélène Sergent

Hélène Sergent

L'essentiel

  • En première instance, Fettah Malki a été reconnu coupable d’association de malfaiteurs terroriste et a été condamné à une peine de 14 ans de réclusion.
  • Quasi-invisible lors des débats en 2017, ce délinquant multirécidiviste âgé de 36 ans s’est montré plus offensif lors de son interrogatoire en appel.
  • S’il a reconnu avoir « confié » un fusil-mitrailleur Uzi à Mohamed Merah, il a toujours nié avoir eu connaissance des projets terroristes du « tueur au scooter ».

«Je m’en voudrais toute ma vie, je vivrais avec, c’est comme ça. Je peux rien y faire (…) c’est mon destin ». Le souffle court, la gorge serrée, Fettah Malki, l’autre accusé du procès Merah, a « demandé pardon » ce mercredi aux familles des victimes de Mohamed Merah. Âgé de 36 ans, ce délinquant multirécidiviste est poursuivi en appel aux côtés d'Abdelkader Merah pour avoir fourni le pistolet-mitrailleur Uzi utilisé par le « tueur au scooter » lors de l’attaque contre l’école juive Ozar Hatorah en mars 2012.

Condamné en novembre 2017 à 14 ans de réclusion pour « association de malfaiteurs terroriste », Fettah Malki avait survolé son procès en première instance, relégué au rang de « second couteau », mutique et recroquevillé à l’opposé d’Abdelkader Merah, omniprésent dans le box. Revendiquant son statut de « délinquant normal » Fettah Malki s’est montré bien plus combatif qu’en 2017, visiblement mieux préparé à l’exercice.

« Je vends et j’achète »

Arrivé d’Algérie à l’âge de 10 ans, Fettah Malki, connaît bien la fratrie Merah. Installé « au quartier » des Izards à Toulouse avec sa mère, le jeune homme fréquente Abdelkader Merah tout au long de son adolescence. « Ça a été un ami, vous le reconnaissez ? », demande un de ses avocats. « Oui », assume l’accusé, qui a troqué son survêtement du Real Madrid arboré en première instance pour une sobre chemise bleue. Décrocheur, il entre petit à petit dans la délinquance à l’âge où les autres passent le baccalauréat et devient, selon ses propres mots, le « commercial » de la cité. « Je vends et j’achète », résume-t-il, pragmatique. En 2006, Abdelkader Merah « entre en religion » et les deux amis d’enfance s’éloignent : « Je ne le voyais plus », résume Fettah Malki.

Plus âgé que Mohamed Merah, il affirme entretenir alors des relations « professionnelles » avec le cadet de la fratrie : « On était pas amis, on parlait d’affaires ». Converti après un séjour en prison en 2008, le jeune Merah devient à sa sortie un fournisseur et client régulier de l’accusé. Lui assure aujourd’hui n’avoir rien su de la radicalisation du jeune homme : « J’ai vu que Mohamed avait changé de vêtement (….) Je ne savais pas le degré de religiosité, ça ne m’intéressait pas ! Chez nous porter le Kamis*, c’est normal, mon grand-père le porte, mon oncle le porte, chez nous on porte la barbe, ça veut rien dire ».

« J’ai pas posé la question »

Inexorablement attiré par l’argent pour s’offrir paires de « AirMax » et « vêtements Lacoste », Fettah Malki ne veut rien voir, rien savoir de l’usage fait des produits qu’il écoule aux uns et aux autres. Lorsqu’il cède à Mohamed Merah un gilet pare-balles estampillé « police », il dit imaginer un achat de « collectionneur », en échange d’un peu d’or. « Il venait d’où cet or ? », demande la présidente. « J’ai pas posé la question, mais je savais que c’était un voleur Mohamed, il allait pas aller à la bijouterie, acheter de l’or et me le donner », lâche l’accusé. Champion de « l’esquive », il ne se pose pas non plus de question lorsqu’il décide de céder à Merah un pistolet-mitrailleur Uzi. Acquise illégalement par Malki, l’arme a été enterrée pendant des mois dans le jardin de son ex-compagne.

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Rouillé par l’humidité, le pistolet est « confié », « pas vendu » à Mohamed Merah, répète l’accusé. C’est cette arme défectueuse qui sera utilisée quelques semaines plus tard lors de la tuerie de l'école juive Ozar Hatorah à Toulouse. « Le soir en voyant les images et quand j’ai entendu que l’arme s’était enrayée, j’ai eu mal au cœur. Je sais pas pourquoi j’ai eu cette réaction-là mais je l’ai eu (…) malgré ça, je me disais c’est pas possible », souffle Fettah Malki dans le box. Un malheureux concours de circonstances, a-t-il maladroitement relativisé. Et qui ne prouve en rien, selon lui, sa connaissance des projets terroristes de Merah.


Notre dossier sur le procès Merah

« J’espère qu’ils me pardonneront »

S’il n’est pas poursuivi pour complicité, c’est bien cette accusation qui colle à la peau de Fettah Malki depuis son incarcération en 2013. « On me traite de terroriste, on fait croire à ces pauvres gens qui ont perdu des êtres chers que j’ai participé à retirer la vie de leurs enfants. Certes je suis pas un saint, mais je suis pas un assassin non plus », a-t-il bafouillé dans un sanglot.

Renvoyé à ses innombrables mensonges glissés au cours de l'instruction, l’accusé a présenté de longues excuses aux parties civiles. Des mots rares depuis le début du procès, aux accents de vérité : « Je voudrais dire aux familles, que je m’en voudrais toute ma vie (…) Je comprends qu’elles aient la haine contre moi. J’espère qu’ils me pardonneront, j’ai plus rien à dire ». Le procès doit se poursuivre jusqu’au 18 avril.

*Vêtement masculin traditionnel

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