Le «deal du siècle»: 50 milliards de dollars en échange de la paix

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Des militaires israéliens lors des manifestations en Palestine - Sputnik Afrique
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La Maison-Blanche a rendu publique la partie économique du «deal du siècle» - le plan américain pour régler le conflit israélo-palestinien - dont elle parle depuis plus de deux ans.

La dénomination officielle de ce plan, qui prévoit 50 milliards de dollars d'investissements dans l'économie de la Palestine, de l’Égypte, de la Jordanie et du Liban, est «De la paix à la prospérité»: c'est également l'intitulé de la conférence économique consacrée à l'avenir de la Palestine qui se déroulera à Bahreïn les 25 et 26 juin. Nuance: les Palestiniens boycotteront cet événement organisé par les États-Unis; et l'accès en a été fermé aux médias russes par les organisateurs, écrit le quotidien Kommersant. 

«Le plan "De la paix à la prospérité" pourrait ouvrir un nouveau chapitre dans l'histoire de la Palestine, qui ne serait pas caractérisé par les malheurs et les pertes mais par la liberté et la dignité», stipule la présentation sur le site de la Maison-Blanche.

Deux documents y sont joints: un descriptif des objectifs et un plan d'action décrivant en détail les dépenses pour presque 200 projets économiques.

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Le travail sur le plan de paix visant à régler le conflit israélo-palestinien se déroule depuis plus de deux ans sous la direction du conseiller et gendre du président américain Jared Kushner, ainsi que du représentant spécial pour les négociations internationales Jason Greenblatt. On savait déjà que ce plan était divisé en deux parties, économique et politique. C'est la première qui a été révélée sur le site de la Maison-Blanche, et qui sera présentée plus en détail au séminaire qui s'ouvre à Bahreïn à l'initiative américaine. La publication de la partie politique est reportée à novembre, jusqu'à la constitution du gouvernement israélien à l'issue des législatives anticipées.

La «vision économique» pour le Proche-Orient a été mise au point par analogie avec le plan Marshall, qui avait contribué à reconstruire l'Europe après la Seconde Guerre mondiale.

Selon ce document, en dix ans les États-Unis ont l'intention d'attirer 50 milliards de dollars d'investissements pour réaliser des projets en Cisjordanie et dans la bande de Gaza (27,8 milliards de dollars), ainsi qu'en Égypte (9,1 milliards de dollars), en Jordanie (7,3 milliards de dollars) et au Liban (6,3 milliards de dollars).

En Palestine ces projets concernent pratiquement tous les secteurs: l'économie, la médecine, l'éducation, les réformes dans le secteur public, le sport et la culture. Une grande partie - 6,5 milliards de dollars, soit 24% de l'ensemble du budget - permettra de financer des projets liés au transport et à la mobilité. En deuxième position figurent les réformes dans le secteur administratif (3,3 milliards de dollars, soit 12%), et en troisième position les services numériques (2,6 milliards de dollars, soit 10%). Il est prévu d'allouer 7% du «budget palestinien» (1,8 milliard de dollars) au développement de l'éducation et 5% (1,4 milliard de dollars) au tourisme.

En Jordanie, en Égypte et au Liban, le financement ira principalement à l'infrastructure de transport et routière. En particulier, en Jordanie, 1,8 milliard de dollars seront alloués au développement du réseau régional de voies ferrées, notamment la ligne Amman-Aqaba. Les autres projets planifiés dans ce pays portent sur la cybersécurité, le développement de l'énergie solaire, le nettoyage du Jourdain et le soutien du projet de canal entre la mer Rouge et la mer Morte, appelé à alimenter en eau Israël et la Jordanie et à ralentir la baisse du niveau de la mer Morte.

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En Égypte, 1,5 milliard de dollars serviront à moderniser le système de transport et logistique, ainsi qu'à créer un centre énergétique en Méditerranée. Le plan prévoit également de financer des projets liés au développement du tourisme dans le Sinaï. Au Liban, les principales dépenses, hormis les routes, concerneront la modernisation de l'aéroport et des ports à Beyrouth et à Tripoli.

Pour la gestion financière de ces projets, les États-Unis suggèrent de créer une banque multinationale de développement - un fonds principal qui sera contrôlé par un conseil d'administration. Selon le projet, l'argent devrait provenir de bourses internationales, de subventions, de prêts et de capitaux privés. On ne sait toutefois pas qui, concrètement, allouera cet argent. C'est pourtant l'une des questions centrales. Dans une interview accordée à Reuters, Jared Kushner a dit espérer qu'une grande partie des dépenses serait prise en charge par les monarchies du Golfe, ainsi que par les États européens et asiatiques, de concert avec des investisseurs privés.

D'après ce document, seul un traité de paix solide pourrait garantir la prospérité. Les États-Unis ne le cachent pas: il n'y aura pas d'argent si les pays de la région n'acceptent pas leurs initiatives de paix.

Sauf que justement, aucun pays de la région ne veut promettre des investissements ou approuver ce plan sans savoir ce que Washington proposera dans la partie politique. Certaines informations ont déjà fuité dans la presse, mais n'ont pas levé le voile sur le règlement du problème primordial pour les Palestiniens, à savoir la gestion des 5,5 millions de réfugiés (selon l'Onu) éparpillés à travers le monde. Les hypothèses sur le futur statut de Jérusalem, que les Palestiniens aimeraient proclamer pour capitale autant que les Israéliens, divergent également. La Palestine insiste sur la création d'un État basé sur les frontières de 1967, comme le stipulent les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies. Alors que le plan américain prévoira certainement un échange de territoires.

Depuis que Washington a reconnu Jérusalem en tant que capitale d'Israël, les autorités palestiniennes refusent de dialoguer avec les USA. Avant même sa publication, elles avaient rejeté le «deal du siècle» et appelé tous les pays arabes à boycotter la conférence de Bahreïn. Malgré tous leurs différends, sur ce point les leaders de l'Organisation de libération de la Palestine (à Ramallah) et ceux du Hamas (dans la bande de Gaza) se rejoignent. Ainsi, le ministre palestinien des Affaires étrangères Riyad al-Maliki a déclaré que son peuple ne voulait pas vivre dans une «cage dorée».

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Seuls l'Irak et le Liban ont entendu l'appel des Palestiniens, qui boycotteront officiellement la conférence de Bahreïn. Par contre, des représentants du Maroc, des Émirats arabes unis, de l'Arabie saoudite, de l’Égypte et de la Jordanie y seront présents. Selon le quotidien russe Kommersant, les Jordaniens ont hésité jusqu'au dernier moment. Les sentiments antiaméricains sont assez forts dans leur pays, où vivent près de 2 millions de réfugiés palestiniens.

«Notre objectif consiste à garantir que la question palestinienne restera centrale pour la région, et à défendre la solution à deux États», a déclaré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères de la Jordanie Sufian Qudah, en annonçant que la délégation du pays à Bahreïn serait présidée par le secrétaire général du ministère des Finances Abdelhakim Shibli. Les autres délégations arabes adoptent le même ton.

Toutefois, comme l'a déclaré Jared Kushner, malgré le boycott certains hommes d'affaires palestiniens se rendront tout de même à Manama. Les journalistes russes ne pourront pas voir de qui il s'agit: les organisateurs de la conférence ont proposé aux journalistes russes ayant demandé une accréditation de suivre la diffusion des sessions sur YouTube. Ils n'ont pas répondu à la question de Kommersant de savoir si le refus d'accréditation concernait uniquement les médias russes.

Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur de l'article repris d'un média russe et traduit dans son intégralité en français.

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