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Il est souvent difficile de faire le départ entre l’antisionisme officiel et l’antisémitisme tout court

Le problème juif en Union soviétique

La violente campagne que mènent la presse et la radio soviétiques contre l’Etat d’Israël a, par la force des choses, attiré l’attention de l’opinion publique mondiale sur la situation des juifs en U.R.S.S. Il est vrai que jamais les juifs, en tant que tels, n’ont été nommément attaqués dans ce pays ou dans les républiques populaires d’Europe orientale. Mais certains dessins, certains articles, de caractère anti-israélien et antisioniste, par leurs excès mêmes (accusation de génocide, comparaison avec les nazis), prêtent à confusion et permettent un facile transfert de l’Israélien — « agresseur des pays arabes » et « agent de l’impérialisme américain » — au juif qui manifeste sa solidarité et son soutien à l’Etat d’Israël.

L’hostilité soviétique à cet Etat ne date pas d’hier. Après l’avoir reconnu avec empressement en mai 1948, comptant l’opposer aux féodaux arabes soutenus par la Grande-Bretagne, Staline s’est vite rendu compte du soutien que recevait le nouvel Etat de la part des juifs américains et surtout de sa popularité auprès des juifs soviétiques. Dès 1949 les rapports sont devenus de plus en plus tendus, jusqu’à la rupture des relations diplomatiques, décidée unilatéralement par l’U.R.S.S. en février 1953. Un rapprochement s’impose de lui-même. C’est au début de 1953 qu’éclate l’affaire « des assassins en blouse blanche », des médecins, en majorité juifs, accusés d’avoir provoqué la mort de plusieurs leaders soviétiques, d’avoir voulu tuer Staline et ses proches collaborateurs, le tout sur l’ordre du Joint, organisation d’entraide des juifs américains, présentée comme une officine à peine camouflée des services d’espionnage des Etats-Unis.

La mort de Staline, survenue le 6 mars 1953, met fin à cette « ténébreuse affaire ». Les relations diplomatiques sont rétablies avec Israël en juillet 1953. Pour peu de temps. Dès décembre 1955 M. Khrouchtchev lance une violente attaque contre l’Etat d’Israël. Lors de la compagne du Sinaï et du débarquement franco-anglais à Suez en 1956, l’ambassadeur soviétique est rappelé de Tel-Aviv. Il ne rejoint son poste qu’au début de 1957. Pendant les dix dernières années l’hostilité soviétique à l’égard de l’Etat d’Israël ne se dément pas. Ce dernier est accusé d’être « une base impérialiste menaçant le progrès et la sécurité en Moyen-Orient ».

La victoire foudroyante de l’armée israélienne, la perte d’un précieux matériel de guerre tombé entre les mains des vainqueurs n’ont fait qu’augmenter l’amertume et la rancune des dirigeants soviétiques, favoriser le courant anti-israélien en U.R.S.S. et dans les autres pays communistes, qui ont tous, sauf la Roumanie, rompu les relations diplomatiques avec Israël.

Cette hostilité délibérée s’explique non seulement par les sympathies dont jouit l’Etat d’Israël en Occident, non seulement par l’extension de l’influence soviétique dans certains pays arabes, mais surtout par le divorce entre les autorités et l’opinion publique dans tous les pays est-européens à direction communiste, où, malgré les pressions officielles, la population était en majorité favorable à Israël. Le courant dépassait les milieux spécifiquement juifs. Même dans les pays traditionnellement antisémites comme la Pologne et la Roumanie, aussi bien l’élite intellectuelle que l’homme de la rue se sont réjouis de la victoire israélienne et ont eu l’insolence de le manifester.

Il est possible que les excès de la propagande anti-israélienne, qui prenait parfois l’allure d’une compagne antijuive (surtout dans les dessins satiriques), aient suscité des réactions très vives dans les milieux qui ont souffert des exactions hitlériennes et qui, de ce fait, abhorrent et redoutent toute attitude qui, de près ou de loin, leur rappelle (...)

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Victor Fay

Journaliste, ancien militant communiste en Pologne, puis en France où il rejoint le Parti socialiste. Il est décédé en 1991.

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