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En 1961, le tournant du procès Eichmann

Des centaines de personnes se sont rassemblées, le 15 février 2000, pour assister à une discussion philosophique sur la mémoire. Bernard-Henri Levy et Alain Finkielkraut, invités de l’Institut d’études levinassiennes, tentaient de dégager le « sens » d’Auschwitz et le caractère unique de l’Holocauste. Ils débattaient sur le point de savoir si le souvenir avait vaincu l’oubli, ou l’oubli le souvenir, et s’efforçaient d’évaluer le profit ou les pertes qu’Israël pouvait attendre de l’entretien de la mémoire du génocide. Sans doute y perd-il, soutenait Alain Finkielkraut : en soulignant la nature de l’Holocauste comme mal absolu, les juifs niaient un élément important de l’héritage culturel de l’Europe — l’antisémitisme.

De grands débats abstraits de ce genre sont rares en Israël. Ici, pour la majorité de la population, les horreurs du passé font simplement partie de leur biographie personnelle, ou elles ont été intégrées comme un élément de l’identité collective. Pas un jour, ou presque, ne passe sans qu’un journal ne fasse référence à l’Holocauste, même si peu d’Israéliens réfléchissent à la question de la mémoire. Symboliquement, le débat se tenait dans la salle même où Adolf Eichmann avait été jugé quarante années plus tôt, lors du procès à l’occasion duquel Israël commença à élaborer sa mémoire collective de l’Holocauste.

Adolf Eichmann, un officier supérieur SS, organisateur de l’extermination des juifs, avait été enlevé par des agents secrets israéliens à Buenos Aires en mai 1960. Les hommes du Mossad auraient pu le tuer, mais tel n’était pas leur but. La chasse aux anciens nazis n’avait jamais représenté jusque-là une priorité pour Israël. Le premier ministre, David Ben Gourion, ne s’intéressait guère à l’homme Adolf Eichmann, mais à son jugement. « Ici, la chose essentielle n’est pas la punition, mais bien le fait que le procès ait lieu et qu’il ait lieu à Jérusalem », déclara-t-il.

Ben Gourion avait deux objectifs. Le premier était de rappeler aux nations du monde que l’Holocauste les obligeait à soutenir le (...)

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Tom Segev

Journaliste et historien israélien, auteur de 1967. Six jours qui ont changé le monde, Denoël, Paris, 2007.

Génocides

Récurrent, le débat sur le devoir de mémoire a été relancé par la publication, en français, du livre de Norman Finkelstein, « L’Industrie de l’Holocauste ». Au-delà des critiques justifiées adressées à l’ouvrage, certaines réactions hostiles relèvent de tentatives de manipulation du génocide des juifs. Comme si, sans précédent dans l’histoire, la Shoah (...)

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