Culture

«Unorthodox», mélange réussi entre thriller haletant et récit initiatique

Inspirée des mémoires de l'autrice Deborah Feldman, la minisérie raconte la quête d'autonomie d'Esty, 19 ans, qui fuit la communauté juive ultra-orthodoxe de Brooklyn pour Berlin.

Shira Haas dans <em>Unorthodox</em>. | Capture d'écran <a href="https://www.youtube.com/watch?v=-zVhRId0BTw">via YouTube</a>
Shira Haas dans Unorthodox. | Capture d'écran via YouTube

Temps de lecture: 6 minutes

Tous les mercredis, Anaïs Bordages et Marie Telling décryptent pour Slate.fr l'actu des séries avec Peak TV, une newsletter doublée d'un podcast.

Le temps peut paraître long, en ce moment. Le confinement, qui a été prolongé jusqu'au 15 avril au moins, s'installe dans la durée, et nous allons devoir redoubler de patience et d'inventivité pour contrer l'isolement et la monotonie. Ça tombe bien pour nous: aucun format n'est autant adapté à cette quarantaine que les séries, conçues intrinsèquement pour durer dans le temps et, historiquement, pour occuper et divertir les ménagères confinées aux rôles domestiques. Si vous avez actuellement le luxe de pouvoir vous ennuyer chez vous (et on pense fort à celles et ceux pour qui ce n'est pas le cas), voici donc une nouvelle sélection de programmes télé de qualité pour occuper vos journées.

Pour info: Nous allons tous devoir passer beaucoup de temps chez nous ces prochaines semaines. Pendant la période de confinement, cette newsletter devient donc hebdomadaire, pour vous offrir tous les conseils séries dont vous aurez besoin. Si vous voulez une recommandation personnalisée de série, envoyez un mail à [email protected] en nous disant ce que vous recherchez selon votre situation; on tentera de vous donner plusieurs options.

Le gros plan: «Unorthodox» (Netflix)

Unorthodox raconte la quête d'autonomie d'Esty, une femme de 19 ans, qui fuit la communauté juive ultra-orthodoxe de Brooklyn dans laquelle elle a grandi et part vivre à Berlin avec, pour tout bagage, quelques billets et une photo de sa grand-mère. Inspirée des mémoires de l'autrice Deborah Feldman, la minisérie de quatre épisodes est un mélange très réussi entre thriller haletant et récit initiatique poignant. Chaque épisode alterne entre des flashbacks qui explorent l'ancienne vie d'Esty et son désenchantement croissant, et des scènes où elle découvre Berlin et les nouveaux codes au-delà des frontières de sa communauté.

 



La minisérie, coécrite par Anna Winger (Deutschland 83), réussit un numéro d'équilibriste impressionnant en nous faisant sentir tout le poids du carcan religieux qui pèse sur la jeune femme sans jamais diaboliser ou caricaturer sa communauté d'origine. La dynastie hassidique de Satmar, à laquelle Esty appartient, a été presque entièrement anéantie pendant la Shoah et chaque obligation religieuse est motivée par ce traumatisme. Yanky, le mari d'Esty, n'est pas non plus une figure menaçante ou mauvaise, mais un jeune homme naïf, influençable et qui n'a jamais connu d'autre réalité.

Grâce à cette écriture pleine d'empathie, la série aborde aussi des questions difficiles comme celle de la mémoire de la Shoah à Berlin, et nous nous offre des moments de grâce bouleversants –lorsque Esty retire pour la première fois sa perruque et plonge dans un lac berlinois, ou lorsqu'elle chante une chanson qu'elle écoutait en secret avec sa grand-mère. Des scènes portées par la performance magistrale de l'actrice israélienne Shira Haas (Shtisel) dans le rôle principal, dont le visage extrêmement expressif a le pouvoir de nous faire pleurer ou sourire en un millième de seconde.

Al Pacino en chasseur de nazis dans Hunters (Amazon Prime Video), David Simon qui met en scène des États-Unis dirigés par un président antisémite en 1940 dans The Plot Against America (OCS/HBO)... Le nazisme fait son come-back dans les séries télé. Pourquoi s'invite-t-il sur nos écrans? Pourquoi nous fascine-t-il?
 


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On regarde aussi

L'Amie prodigieuse (Canal+) – Les thèmes de cette deuxième saison sont plus riches alors que Lenù et Lila, désormais jeunes femmes, font face à toute la violence et la misogynie de leur milieu. Mais beaucoup des subtilités du roman se perdent à l'écran et le jeu des deux actrices principales est toujours beaucoup trop rigide et maladroit.

Why Women Kill (M6) – Si vous aimiez Desperate Housewives, vous apprécierez sans doute la nouvelle série de Marc Cherry, toujours aussi campy, tranchante et acidulée.

Le crush: Aaron Altaras (Robert dans «Unorthodox»)

Parce que qui n'a jamais rêvé d'être sauvée de son mariage par un Allemand doux et ténébreux qui joue du violoncelle et a plein de poils au torse? Non, que nous? Ok.

Peak de chaleur: à chaque fois qu'il fixe intensément Esty avec ses doux yeux d'épagneul.

Service après-vente

On répond à toutes vos questions pour vous aider dans cette quarantaine.

«Des recommandations dans le genre aventures/science-fiction?» –Jérémie

On va partir du principe que vous avez déjà vu les grands classiques comme Battlestar Galactica (Canal+ ou Apple), Lost (Apple), X-Files (Canal+), Doctor Who (Amazon), La Quatrième dimension (Canal+), ou encore Star Trek (Netflix). Si ce n'est pas le cas, c'est le moment de vous y mettre! Parmi les séries en cours, il y a aussi les incontournables The 100 (Netflix), Missions (OCS), ou The Expanse (Amazon).

Si vous ne les avez jamais vues, jetez-vous sur deux séries cultes de Joss Whedon, Firefly et Dollhouse, qui sont aussi drôles que haletantes, ou bien sur le grand classique des années 1960 The Prisoner. Aucune des trois n'est disponible sur un site de streaming légal, donc démerdez-vous (wink wink). Pour de la science-fiction un peu plus cérébrale (tout en restant divertissante), tentez The OA (Netflix), ou Devs (Canal+), notre obsession du moment. (Re)matez Orphan Black (Netflix) pour une bonne dose de rebondissements, et pour la performance époustouflante de Tatiana Maslany, qui joue la moitié des rôles principaux.

Enfin, si vous avez envie d'autre chose que des séries anglo-saxonnes, checkez 3% (Netflix), une excellente série brésilienne.

«J'ai envie de séries comme The Good Wife ou Suits, mais surtout d'histoires d'amour contrariées.» –Elsa

Toutes les séries procédurales et les sitcoms ont un couple will-they-won't-they au centre de l'action pour faire revenir les fans, donc prenez n'importe laquelle et vous aurez votre dose de tension sexuelle. Parmi les couples les plus cultes, il y a bien sûr Mulder et Scully de X Files (Canal+), et Vaughn et Sydney dans Alias. Ce qui se rapproche le plus de The Good Wife, aujourd'hui, c'est sans doute Evil, la nouvelle série procédurale de Robert et Michelle King, avec Mike Colter et Katja Herbers.

Pour ce qui est des relations au timing très cruel, celle de Starbuck et Apollo dans Battlestar Galactica (Canal+) restera l'une des plus mémorables de l'histoire de la télé. Sans parler de Veronica et Logan, dans Veronica Mars, une histoire d'amour «épique, qui s'étend sur des années, des continents, épique!» selon leur propre description, et on ne peut qu'être d'accord.

Pour une histoire d'amour impossible entre deux personnages qui ne peuvent pas se toucher (très dans l'air du temps), il y a Pushing Daisies (Apple). Pour de la tension sexuelle et des triangles amoureux sexy et juteux, checkez The 100 (Netflix) ou Mrs. Fletcher (OCS), ou encore Looking (OCS) et The L Word Q Generation (Canal+). Et si vous voulez une histoire de frustration et de fantasme sexuel 100% female gaze, jetez-vous sur I Love Dick (Amazon).

Et enfin, pour un amour qui défie même la mort, il y a l'épisode de Black Mirror (Netflix), San Junipero, et la relation bouleversante et exaltante de Yorkie et Kelly.

«J'ai envie d'évasion, je regarde quoi?» –Amaury

Si vous voulez avoir l'impression que le soleil caresse votre visage, regardez Bloodline (Netflix), avec ses sublimes plages des Keys et ses personnages perpétuellement moites (certes ça parle d'un meurtre, mais les paysages sont super beaux!!!). Si vous aimez les vastes plaines de l'ouest américain, il faut évidemment regarder Westworld (OCS), qui offre ce qu'il y a de mieux dans le genre. Vous pouvez aussi tenter le superbe western Godless (Netflix), ou Fargo (Netflix), qui sublime comme jamais le nord des États-Unis. Sense8, dont le tournage gargantuesque a coûté cher à Netflix, vous emmènera aux quatre coins du monde.

Si vous aimez la neige et que vous n'avez pas peur du trigger confinement, tentez The Terror (Amazon). Pour un véritable dépaysement des sens, essayez deux séries aux univers visuels et sonores enveloppants: The Knick (OCS) ou Twin Peaks: The Return. Enfin, Friday Night Lights (Canal+) et Treme (OCS), en plus d'être deux séries merveilleuses, ont chacune un amour profond et palpable pour l'endroit qu'elles décrivent –respectivement le Texas et la Nouvelle-Orléans. Pour une évasion un peu moins américaine, on vous conseille la série allemande Babylon Berlin (Canal+), qui nous transporte dans le Berlin des années 1920, ou la jolie comédie dramatique israélienne, Shtisel, qui suit les aventures d'une famille ultra-orthodoxe de Jérusalem. Et puis sinon, y a Prison Break MDR.

L'épisode culte: «No Sanctuary» («The Walking Dead», S5E1)

On a cru comprendre que certain·es parmi vous profitaient de cette pandémie pour remater The Walking Dead, LA série apocalyptique par excellence. Vous êtes complètement tordu·es, mais ok. On ne juge pas, on ne fait qu'observer. En réalité, ça nous donne l'occasion de chanter les louanges de The Walking Dead, série qui a pu s'avérer très inégale, mais nous a fourni son lot d'épisodes cultes –à commencer par son excellent pilote. Pour cette fois, on a préféré choisir un volet un peu moins évident, mais qui représente à nos yeux un des sommets de la série: «No Sanctuary», le premier épisode de la saison 5.

Après avoir passé une partie de la saison 4 à se diriger vers Le Terminus, qu'ils pensent être un refuge, Rick et sa bande réalisent trop tard qu'ils sont tombés tout droit dans le piège d'une communauté de cannibales sanguinaires. En onze saisons, The Walking Dead nous a servi des méchants tous plus sadiques et caricaturaux les uns que les autres. Rares sont ceux qui nous ont autant traumatisés que Gareth et le groupe de Terminus, et on frissonne encore en revoyant nos héros, littéralement menés à l'abattoir. Heureusement pour eux, il y a Carol, qui s'était séparée du groupe et fait un retour tellement badass qu'il ferait pâlir John McClane de jalousie. En une quarantaine de minutes, cet épisode nous offre tout ce que la série fait de mieux: une tension insoutenable, des scènes d'action époustouflantes, et même un câlin de retrouvailles entre Carol et Daryl tellement satisfaisant qu'on y repense encore cinq ans plus tard.

Ces textes sont parus dans la newsletter bimensuelle (hebdomadaire pendant le confinement) Peak TV.

 
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