Rika Zaraï, une vie de luttes et d'espoir

La chanteuse israélienne Rika Zaraï en 2007. © Gamma-Rapho via Getty Images - Lionel FLUSIN

La chanteuse franco-israélienne Rika Zaraï est décédée le 23 décembre 2020 à 3 heures du matin à l'âge de 82 ans. Elle était réapparue brièvement sur scène en février aux Folies Bergères pour la première fois depuis douze ans.

Rika Zarai, née Gozman, voit le jour en 1938 en Israël d'une famille de pionniers juifs, à l'époque ou le pays s'appelait encore la Palestine et au moment ou, en Europe, le drame de l'Holocauste commençait. Rika commence donc sa vie dans une période trouble et pleine d'angoisse pour le peuple juif, mais Shula et Eleizer Gozman, ses parents, font tout pour que leurs deux enfants aient la vie la plus agréable possible.

Shula, sa mère, pousse très tôt sa fille à faire des études, qu'elle même n'avait pas pu faire, et de la musique. À sept ans, elle commence les cours de piano et décroche à quinze ans le premier prix du Conservatoire de Jérusalem. Deux ans plus tard, Rika doit effectuer son service militaire, et ses talents musicaux rapidement remarqués la font nommer directrice musicale du centre. Elle devient même la répétitrice musicale d'une comédie musicale montée par l'armée, Cinq sur cinq. Le parolier de la comédie, un certain Johann Zarai, accompagne Rika dans la tournée du spectacle, ayant rencontré un franc succès. Elle obtient finalement le premier rôle de la comédie musicale et épouse Johann Zarai, en 1958. Un an plus naît leur fille Yaël.

Vedette féminine de l'année 1969

Motivée par le succès et le contact du public qu'elle apprécie, Rika Zarai décide de se consacrer à la musique, et se produit dans divers cafés-théâtres de la capitale israélienne. Plusieurs impresarios lui font les yeux doux, et l'un d'eux lui conseille d'aller voir Bruno Coquatrix de sa part. L'idée de se produire à Paris, qui plus est à l'Olympia, suffit à la jeune Rika pour tout quitter et se rendre à Paris avec sa fille Yaël sous le bras et seulement 100 dollars en poche.

Elle rencontre Bruno Coquatrix, qui, impressionné par son insistance et par sa voix, lui dit de revenir le voir lorsqu'elle parlerait le français. Rika Zarai connaît alors une période difficile, dans un pays dont elle ne connaît pas la langue, et pour nourrir sa fille se voit obligée de se produire dans des boîtes de Strip-tease et des maisons closes en Allemagne et en Belgique. Mais Rika ne baisse pas les bras. Elle anime des fêtes juives, fait de petites tournées en province, et fait la rencontre qui va changer sa vie, celle d'Eddie Barclay. Il la signe sous son label Bel Air, ou elle restera jusqu'en 1965.

Quelque temps après, Bruno Coquatrix, fidèle à sa parole, l'engage et lui fait faire la première partie de Jacques Brel et de ses musiciens à l'Olympia, dont Jean-Jacques Magnier.

Jean-Pierre Magnier abandonne sa carrière de musicien pour se consacrer à celle de Rika, devient son producteur avant de l'épouser, et lui entrouvre les portes du succès avec des chansons comme Hava Naguila, Exodus, et deux chansons que Charles Aznavour lui écrit, Et pourtant et Le temps. Elle commence alors à enchaîner les émissions télévisées, et signe chez Philips en 1965. Malgré de très belles chansons comme Jérusalem en en or ou Prague, c'est en 1969 que Rika connaîtra le véritable succès, avec son tube "Casatchok". La même année, la chanson Alors je chante la consacre Vedette féminine de l'année 1969.

Retrouver la scène après son accident

Mais quelques mois après avoir enfin atteint le succès, Rika et son mari sont victimes d'un terrible accident de voiture, qui plonge la chanteuse dans le coma pendant six jours. À son réveil, le bilan est terrible, les médecins lui annoncent qu'elle ne pourra plus marcher. Réalisant peu à peu la gravité de son état, elle pense un moment à mettre un terme à sa vie. Mais Rika Zarai va se battre. Ne voulant pas quitter son mari et sa fille et ne supportant pas le fait de se retrouver un jour dans un fauteuil roulant, elle décide de prendre le taureau par les cornes.

Comprenant rapidement que la médecine classique ne peut rien pour elle, elle fait appel à Raymond Dextreit, un de ses amis adeptes de la médecine naturelles. C'est la perspective de remonter prochainement sur la scène de l'Olympia qui la motive, et deux mois plus tard, rentre chez elle, avec pour unique soutien un corset qui lui sera bientôt possible d'enlever.

En 1970, elle enregistre Balapapa allongée dans un lit, un micro au-dessus d'elle. Les semaines qui suivent seront épuisante pour la chanteuse, mais elle n'abandonne pas. En février 1970 elle participe à l'émission Télé-dimanche, et interprète six chansons. Elle est ensuite invitée à la maison de la radio où elle arrive et repart en ambulance, et s'allonge entre chaque chansons, ne pouvant rester debout plus de dix minutes. La presse salue son courage, et la chanteuse réinvestit l'Olympia pendant trois semaines. Lors de la première, Rika fait un véritable triomphe et le public applaudit à tout rompre son courage, sa détermination et son talent.

"Médecine naturelle" et polémiques

Rika s'accorde une courte période de repos, puis prend le chemin d'une tournée européenne, notamment en Espagne, en Italie et en Hollande. Elle enregistre également de nouvelles chansons, qui connaîtront un gros succès, comme Tante Agathe et Les jolies cartes postales. Les petits nouveaux de la télé, Guy Lux, Danielle Gilbert, Jacques Martin ou encore Michel Drucker font régulièrement appel à elle pour leurs émissions. En 1972 elle reçoit la médaille de Chevalier des art et des lettres.

Pendant cinq ans, Rika ne chôme pas, mais abandonne juste avant un show, et tombe en dépression nerveuse. Elle finit par se relever, mais avec l'arrivée des années 80 et de ces nombreux artistes, Rika Zarai est peu à peu mise de côté. Après son album Tout va très bien sortit en 1983, Rika se retire de ce "système" qu'elle ne supporte plus, et se consacre à l'écriture. En 1985 sort Ma médecine naturelle, et se vend à des millions d'exemplaires, après des débuts laborieux. Elle ouvre même, avec les recettes du livre, un établissement où sont mis à la vente de nombreuses plantes utilisées pour la dite médecine naturelle.

En 1986, elle se remet à la chanson avec son album Sans rancune et sans regret, et fait même quelque dates à l'Olympia. Les années suivantes verront déferler sur le marché de nombreux livres de Rika Zarai, tous plus critiqués les uns que les autres par phamarciens et médecins "classiques". Elle aura même affaire à la justice, fait face à des accusations d'exercice illégal de la pharmacie.

Un dernier concert en février 2020

Fin 1989, elle sort son dernier 45 tours. Deux ans plus tard sort une compilation 30 ans d'amour, pour fêter les 30 ans de carrière de la chanteuse. Puis la chanteuse replonge dans une dépression, chronique cette fois, et n'en sortira qu'en 1994, lorsque ses différents avec la justice se règlent, et en profite pour sortir un nouveau best-seller Ces émotions qui guérissent, qui sera traduit dans plusieurs langues, suivi d'une réédition de Ma médecine naturelle et du Code secret de votre personnalité.

Douze ans plus tard en 2000, Rika Zarai sort son album Hava. Le lancement de cet album se fait au Queen, célèbre boîte parisienne au cœur des Champs-Élysées. Devenue depuis quelque temps l'icône de la communauté gay parisienne Rika se produit régulièrement dans des clubs qui leur sont réservés. En 2004 et 2005, Rika fait une tournée dans toute la France pour sa compilation sortie en 2003, et enchaîne en 2006 avec son autobiographie L'espérance à toujours raison. Avec son nouvel opus Quand les hommes…, Rika Zarai retrouve les planches de l'Olympia pour la dernière fois.

Le 3 juin 2008, Rika Zaraï est victime d’un accident vasculaire cérébral. Hospitalisée en urgence à la Salpétrière, elle est placée en soins intensifs et souffre d’hémiplégie. Un mois plus tard, elle retrouve son domicile parisien. Après quatre mois, elle retrouve un usage normal de la parole à raison de deux séances hebdomadaires d’orthophonie.

À l’occasion de de la sortir du double CD Anthologie 1960-1982 chez Marianne Mélodie, elle répond à quelques interviews pour le journal de 13h de TF1 et le journal Le Parisien. Yohanan Zaraï, son premier mari et père de sa fille, décède le 31 décembre 2019. En septembre 2019 sort chez Marianne Mélodie un coffret de quatre albums rassemblant 100 chansons sur les 600 qu’elle a interprétées durant sa carrière. Le 3 février 2020, 12 ans après son AVC, elle remonte sur scène pour la première fois. Elle chante en public l’un de ses plus grands succès, Prague, aux Folies Bergères à Paris à l’occasion de La nuit de la déprime où plusieurs artistes se sont produits au profit d'associations qui défendent les animaux.