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Israël : Naftali Bennett, le leader de la droite nationaliste aux portes du pouvoir

Le leader de la droite nationaliste religieuse Naftali Bennett a ouvert la voie à la formation, en Israël, d'un "gouvernement du changement" qui pourrait faire tomber le Premier ministre Benjamin Netanyahu, au pouvoir depuis 12 ans. Retour sur le parcours de celui qui rêve d’ouvrir une nouvelle ère politique dans son pays et d’accéder au fauteuil de Premier ministre.

L'ancien ministre israélien Naftali Bennett, leader de Yamina, s'adressant à ses partisans réunis au siège de son parti à Petah Tikva, le 24 mars 2021.
L'ancien ministre israélien Naftali Bennett, leader de Yamina, s'adressant à ses partisans réunis au siège de son parti à Petah Tikva, le 24 mars 2021. © Tsafrir Abayov, AP (archives)
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Dimanche 30 mai, dans la soirée, Naftali Bennett, ancien ministre de la Défense et leader de la droite nationaliste religieuse, a assumé son rôle de faiseur de rois en Israël, après avoir longtemps masqué ses intentions politiques.

"J'annonce que je vais tout faire pour former un gouvernement d'union avec mon ami Yaïr Lapid", a-t-il déclaré, peu de temps après 20 heures, heure locale, lors d’un discours télévisé très attendu.

En apportant son soutien au leader centriste à la tête de l'opposition, chargé depuis le 5 mai de former un gouvernement, il est sur le point de précipiter la fin de l’ère Benjamin Netanyahu.  

Au lendemain des législatives du 23 mars, Naftali Bennett avait le choix soit de couler politiquement le Premier ministre en rejoignant une coalition formée par le bloc anti-Netanyahu, composé de mouvements du centre, de la gauche et de dissidents de droite, soit de le sauver en négociant, en position de force, le ralliement de son parti Yamina à une coalition qui aurait été plus en phase avec ses propres convictions.

Pendant la campagne, Naftali Bennett avait déclaré à plusieurs reprises qu’il était temps que Benjamin Netanyahu, âgé de 71 ans et au pouvoir depuis 2009, laisse la place à une nouvelle génération. Une manière polie pour l'homme de 49 ans d'exprimer son refus d'intégrer une coalition présidée par le chef du gouvernement sortant.

Mais il a aussi assuré par ailleurs que les sept députés de Yamina n’intégreraient pas une coalition dont le Premier ministre serait le centriste Yaïr Lapid, tout en n’excluant pas l’éventualité de travailler avec lui. Avant de changer d’avis donc, en échange du poste occupé par Benjamin Netanyahu.

Face à l’éventualité de son ralliement au bloc anti-Netanyahu, qui devenait ces dernières semaines de plus en plus plausible, la sécurité autour de Naftali Bennett avait été renforcée début mai en réponse à des menaces de mort, selon Yamina.

Un fils d'immigrants juifs américains devenu multimillionnaire

Natif de Haïfa (nord) et diplômé en droit à l’université de Jérusalem, Naftali Bennett aurait pu ne jamais faire de politique. Devenu multimillionnaire après avoir vendu sa société de cybersécurité Cyotta pour 145 millions de dollars en 2005, ce fils d’immigrants juifs américains aurait pu, comme il se plaît à le rappeler, finir sa vie "à boire des cocktails dans les Caraïbes". C’est sa mobilisation sur le front de la guerre de 2006 contre le Hezbollah au Liban qui l’a convaincu, dit-il, de se lancer en politique.

L’ex-commandant de compagnie dans l’unité Maglan, un des piliers des forces spéciales de l'armée israélienne, saute le pas et rejoint les rangs du Likoud, où il dirige le cabinet de Benjamin Netanyahu, alors dans l’opposition. Mais sa carrière personnelle démarre réellement en 2012, lorsqu’il parvient à prendre la tête de la formation de droite dure Foyer juif, qui remportera 12 sièges de députés un an plus tard.

Un acte fondateur qui le propulsera au fil des années au rang des principaux acteurs de la droite israélienne, mais toujours dans l’ombre de Benjamin Netanyahu... qu’il rallie à plusieurs reprises dans des coalitions gouvernementales. Et ce, en échange de portefeuilles ministériels – il est nommé ministre de l'Économie et des Affaires religieuses en 2013, ministre de l’Éducation en 2015, puis ministre de la Défense en 2019, jusqu’en mai 2020.

Fermement opposé à la création d'un État palestinien qui, selon lui, "deviendra à long terme un autre État terroriste comme Gaza", et favorable à l'expansion des colonies juives, où se trouve une grande partie de sa base électorale, Naftali Bennett "aime à se décrire plus à droite que Netanyahu".

Il séduit avec ses discours décomplexés, voire enflammés, sur le renforcement de "l'identité juive" d'Israël, et ses propos chocs visant les Palestiniens et la gauche. Au point d’être qualifié, en 2017, de "clown" à la tête d'un "parti nationaliste délirant qui sent le fascisme" par l’ancien Premier ministre Ehud Barak.

Aujourd’hui, il dirige Yamina aux côtés d’Ayelet Shaked, figure laïque de ce mouvement composé de petits partis de la droite radicale, qui prône à la fois un ultralibéralisme économique mêlant baisse des impôts et réduction drastique des dépenses publiques, une ligne dure face à l'Iran et l'annexion de près des deux tiers de la Cisjordanie occupée.

"Naftali Bennett a percé en politique dans la mouvance de ce que l’on appelle le sionisme religieux, mais il a élargi son spectre à droite au fil des années, selon Alain Dieckhoff, directeur du Centre de recherches internationales de Sciences Po, interrogé en mars par France 24. C’est ce qui l’a amené à diriger aujourd’hui Yamina, qui est un mouvement un peu mixte avec une base sioniste religieuse et en même temps une dimension un peu plus séculière, représentée par son bras droit, la députée Ayelet Shaked."

"Netanyahu-compatible"

Religieux orthodoxe ayant grandi dans une famille laïque, Naftali Bennett ne nie pas partager des affinités idéologiques avec Benjamin Netanyahu, même si les deux hommes ne s’apprécient guère sur le plan personnel et n’hésitent pas à s’invectiver en période électorale.

"Naftali Bennett, qui assume une pratique religieuse assez stricte tout en étant extrêmement moderne sur la forme, est à la tête du parti qui est devenu le fer de lance des colonies et il reste 'Netanyanhu-compatible'", indiquait récemment à France 24 Frédéric Encel, maître de conférences à Science Po et auteur de "L’Atlas géopolitique d’Israël" (éd. Autrement). Et d’ajouter : "La droitisation du Likoud observée ces dernières années a considérablement rapproché les points de vue entre les deux hommes."

Naftali Bennett se démarque également des autres acteurs politiques en accordant le bénéficie du doute à Benjamin Netanyahu, poursuivi pour corruption dans trois affaires, et en disant attendre le verdict de la justice, là ou d’autres exigent son retrait de la scène politique le temps de ses procès.

Une manière pour la figure de la droite radicale de ménager jusqu’à la dernière minute son rival, en attendant que son heure vienne, lui qui a confié pendant la campagne que son objectif était de devenir lui-même Premier ministre. Selon la presse israélienne, Naftali Bennett avait repris des négociations avec le Likoud après les récentes violences dans les villes mixtes où cohabitent Juifs et Arabes israéliens, avant de revenir vers Yaïr Lapid.

Sentant le vent définitivement tourner ces derniers jours, Benjamin Netanyahu a abattu dimanche sa dernière carte, proposant une formule alambiquée : un "bloc de droite", avec Naftali Bennett et Gideon Saar, ancien cadre du Likoud et chef d'un petit parti de droite, sur le principe d'une rotation à trois.

Les deux intéressés ont décliné, Naftali Bennett accusant le Premier ministre de chercher "à emmener (..) tout le pays avec lui dans sa dernière bataille personnelle", quelques semaines après les violents affrontements entre l’armée israélienne et le Hamas, au pouvoir à Gaza.

Dans le cadre de l'accord de coalition annoncé dimanche, Naftali Bennett occupera d'abord le poste de Premier ministre avant de céder plus tard la place à son nouvel allié centriste en vertu d'un système de rotation.

Avant de toucher au but, il doit encore attendre que l’accord soit finalisé avant mercredi minuit, Yaïr Lapid ayant prévenu lundi qu’il restait "encore beaucoup d'obstacles pour former un nouveau gouvernement".

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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