Politique / Société

Mais puisqu'on vous dit qu'il n'y pas d'antisémitisme chez les Insoumis!

[BLOG You Will Never Hate Alone] Inviter Jeremy Corbyn à soutenir des candidats de la Nupes en dit long sur la tolérance de certains face à l'antisémitisme.

Danielle Simonnet et Jean-Luc Mélenchon lors d'une manifestation contre la réforme du code du travail place de la République à Paris, le 12 juillet 2017. | Bertrand Guay / AFP
Danielle Simonnet et Jean-Luc Mélenchon lors d'une manifestation contre la réforme du code du travail place de la République à Paris, le 12 juillet 2017. | Bertrand Guay / AFP

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La semaine dernière, la toujours très discrète Danielle Simonnet, membre active de La France insoumise, a pris, avec Danièle Obono, autre figure de la formation de Jean-Luc Mélenchon, l'heureuse initiative d'inviter Jeremy Corbyn à la soutenir dans sa course à la députation. Un choix des plus judicieux tant Jeremy Corbyn s'y connaît en victoire électorale. À la tête des travaillistes britanniques, il a accompli ce singulier exploit d'obtenir l'un des scores les plus historiquement faibles aux dernières élections législatives, perdant notamment des bastions de toujours dans le nord du pays.

L'autre fait d'armes de Jeremy Corbyn est d'avoir réussi à être exclu de son propre parti (il fut réintégré peu après) après la sortie d'un rapport indépendant l'accusant, lui et sa formation, d'avoir laissé prospérer sans réagir l'antisémitisme au sein des instances de son parti. Il est vrai qu'en matière d'antisémitisme, Corbyn possède ce talent rare de se situer toujours sur cette vertigineuse ligne de crête qui sépare les ardents défenseurs de la cause palestinienne des pourfendeurs du peuple juif dans son ensemble.

Il lui arrive aussi parfois d'avoir des problèmes de vue en manquant de repérer quelques caricatures antisémites présentes sur certaines fresques, d'assister par erreur à un hommage sur la tombe de terroristes palestiniens, d'insinuer que nazisme et sionisme pourraient relever de la même logique... Autant de péripéties et de déclarations qui, lorsqu'elles viennent à être révélées au grand public, nécessitent de sa part de savants rétropédalages où il s'excuse d'avoir été soit maladroit, soit mal compris, soit victime d'une cabale politicienne –on connaît la chanson.

En fait, Jeremy Corbyn, comme son grand ami Ken Loach et comme tant d'autres à l'extrême gauche, sont des intermittents de l'antisémitisme. Ou pour dire les choses autrement, leur besoin effréné de prendre la défense de tous les opprimés de la terre les amène à adopter des positions qui d'une manière mécanique les rendent sourds et rebelles aux aspirations du peuple juif.

En soi, ils n'ont rien contre les juifs –du moins peut-on l'espérer!– mais leur corset idéologique est si rigide, si dogmatique et si peu enclin à la nuance que de facto, le juif, à partir du moment où soit il domine prétendument le monde à travers la finance, soit il colonise une terre qui lui serait étrangère, devient dès lors l'objet de tous les fantasmes et de toutes les répulsions. À l'extrême gauche, on aime le juif quand il est pouilleux et miséreux. Quand il cesse de l'être, il devient d'une certaine manière l'incarnation du mal.

Pareil phénomène se produit quand on est prisonnier d'une grille idéologique qui n'accepte aucune forme de discrétion ou de souplesse. À la longue, on devient esclave de sa propre pensée et tout ce qui pourrait être de l'ordre de la réflexion ou de la remise en question s'estompe face aux commandements inscrits dans le marbre de sa propre catéchèse –l'opprimé, le colonisé, l'humilié, le dominé, tu défendras. Le juif ayant cessé de l'être –en est-on bien sûr?– tu le diaboliseras pour mieux t'en défaire. (Rassurez-vous, viendrait-il demain à l'être de nouveau que pas grand-monde ne s'en émouvrait mais ceci est une autre histoire.)

Car bien évidemment, ces gens-là venus des tréfonds de la gauche révolutionnaire partagent avec les croyants de toutes obédiences la certitude d'être non seulement dans le vrai, mais d'agir pour et au nom du bien commun. C'est une mystique de la bonté, du non-doute, une sorte d'exaltation adolescente à se considérer comme les uniques dépositaires de la justice sur terre, les seuls représentants d'un Christ martyrisé par les puissances de l'argent et du grand capital avec tous les sous-entendus que cette allégation peut comporter.

Quand Danielle Simonnet parade aux côtés de Corbyn, elle ne fait pas acte d'antisémitisme, elle s'acoquine juste avec un individu dont l'indifférence face au peuple juif et à son histoire n'a d'égale que sa fascination pour le peuple palestinien, posture qui en soi n'a rien de blâmable. Après tout, le sort du peuple palestinien est tout aussi honorable que celui du peuple juif. Là où l'antisémitisme surgit, c'est lorsqu'au nom de la défense des Palestiniens, on s'en va soutenir une organisation –le Hamas pour ne pas la nommer– qui prône ouvertement la disparition de toute présence sioniste de la terre d'Israël.

Il est là le crime, elle est là l'outrance faite aux juifs. C'est ici, à partir de ce moment précis, que l'antisionisme devient un antisémitisme. Quand on est prêt à nier aux juifs le droit d'avoir leur propre terre pour la seule satisfaction de répondre aux désirs de factions palestiniennes extrémistes et islamistes. La Cisjordanie n'est pas Gaza. Si dénoncer les colonies israéliennes et leur expansion infinie n'a rien d'antisémite –c'est même affaire de bon sens–, ne rien trouver à redire aux prétentions du Hamas par contre l'est furieusement –des intermittents de l'antisémitisme, disais-je.

On pourrait faire le même parallèle avec la Russie. L'antiaméricanisme primaire des Insoumis les range forcément aux côtés de la Russie. Là aussi, c'est une simple question de mécanique idéologique. On ne réfléchit pas, on fait du copier-coller. À la présumée arrogance de l'Amérique et de l'OTAN répondrait l'éternelle humilité de la Russie, gardienne de tous les pays colonisés de la terre. Et quand cette dernière se permet d'annexer en toute illégalité l'Ukraine, on bafouille, on dit oui, on dit non, on dit arrêtez la guerre et comme cette dernière ne veut finir, on dit cessons de fournir des armes aux Ukrainiens, c'est la seule façon d'en terminer.

Ce qui revient à sacrifier les Ukrainiens.

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