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Simone Rodan-Benzaquen: «Quand l'extrême gauche cessera-t-elle d'instrumentaliser la cause palestinienne ?»

L'activiste franco-palestinien Salah Hamouri, le 20 janvier 2023.
L'activiste franco-palestinien Salah Hamouri, le 20 janvier 2023. JOEL SAGET / AFP

FIGAROVOX/TRIBUNE - La directrice d'AJC Europe dénonce l'accueil triomphal reçu par Salah Hamouri, condamné par la justice israélienne pour tentative d'assassinat, depuis son retour en France. Selon elle, l'extrême gauche contribue à justifier la violence contre des Israéliens et par extension contre des juifs.

Simone Rodan-Benzaquen est directrice d'AJC Europe (American Jewish Committee).


En décembre dernier, après avoir été expulsé par Israël, le Franco-palestinien Salah Hamouri fut accueilli en héros à l'aéroport de Paris par plusieurs députés de la France Insoumise. La députée Ersilia Soudais qualifia même l'expulsion de «déportation orchestrée par Israël», le choix des mots étant pour le moins mal venu. Pour ceux qui suivent la question israélo-palestinienne, mais avant tout le traitement qui en a été fait en France, cet épisode n'est pas surprenant.

Salah Hamouri, souvent présenté comme «avocat franco-palestinien», «défenseur des droits humains», «ancien prisonnier politique», a été emprisonné en Israël entre 2005 et 2011 pour participation à la tentative d'assassinat d'Ovadia Yossef, ancien grand rabbin séfarade d'Israël. Hamouri est soupçonné d'être membre du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) - ce qu'il conteste - classé organisation terroriste par l'Union européenne.

À la suite de son accueil à l'aéroport, Hamouri a été, il y a quelques jours, reçu par le groupe communiste à l'Assemblée nationale. Il a également été invité par le maire EELV Grégory Doucet à une table ronde sur les accords d'Oslo et fait citoyen d'honneur des villes de Rezé, Vitry, Carhaix et Gennevilliers.

Au-delà des débats autour d'Hamouri lui-même, ces initiatives traduisent, incontestablement la volonté de certains responsables politiques d'apparaître comme les parangons de la défense de ce qu'ils s'imaginent être la cause palestinienne, qu'ils utilisent à l'envi comme un outil de clientélisme politique.

Ici en France, l'antisémitisme violent, lié à la haine d'Israël s'est installé depuis au moins deux décennies de façon structurelle et a détruit tant de vies.

Simone Rodan-Benzaquen

Ces élus, souvent d'extrême gauche, ont caressé dans le sens du dévoiement certaines associations et une frange particulière d'électeurs. Avant Salah Hamouri, d'autres figures extrémistes ou terroristes avaient déjà été érigées au rang de symboles de plusieurs villes.

Ce fut notamment le cas de Marwan Barghouti, condamné par la justice israélienne à cinq peines de prison à perpétuité pour le meurtre de civils israéliens et son implication dans quatre attaques terroristes. Majdi Ihrima Al-Rimawi, condamné pour sa participation à l'assassinat du ministre israélien du Tourisme, Rehavam Zeevi, fait citoyen d'honneur de Bezons. Or, suite à l'annulation de cette distinction par le tribunal administratif de Pontoise, en février 2013, le maire avait fait des 4500 Palestiniens reconnus coupables et incarcérés par la justice israélienne, des citoyens d'honneur symboliques.

En glorifiant de cette manière des terroristes, en les qualifiant de «résistants» et en remettant en cause la réalité, l'ampleur et la gravité des crimes commis par ces derniers, alors qu'ils ont été jugés et condamnés, ces représentants de la République ne se limitent pas à une critique politique ou idéologique du gouvernement israélien, ils outrepassent leur fonction.

L'attachement à la cause palestinienne ou israélienne, le débat sur le conflit au Proche-Orient sont des comportements sains lorsqu'ils se déroulent dans le cadre du débat démocratique. La justification, l'apologie du terrorisme et de l'antisémitisme, l'instrumentalisation de la cause palestinienne et la transformation de cette dernière en un soutien indirect envers le terrorisme, ou encore la fraternisation avec des ennemis de la République sont en revanche des comportements indignes. Il faut dénoncer de telles initiatives qui non seulement mettent de l'huile sur le feu mais aboutissent à la réhabilitation des meurtriers et, à une justification de la violence contre des Israéliens et par extension contre des juifs. Ici en France, l'antisémitisme violent, lié à la haine d'Israël s'est installé depuis au moins deux décennies de façon structurelle et a détruit tant de vies.

Les actes de ces terroristes ne sont pas moins horribles, ni plus acceptables que ceux commis par Amedy Coulibaly, les frères Kouachi, Mohammed Merah ou Mehdi Nemmouche.

La confusion morale à laquelle tend la révision d'actes criminels remet en cause les fondements mêmes de la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et le terrorisme.

Simone Rodan-Benzaquen

Dès lors, comment vouloir que nos enfants discernent l'acceptable de l'inacceptable ou comprennent ce qu'est l'idéologie terroriste, si nos responsables politiques sombrent eux-mêmes dans une perversion intellectuelle et morale ?

Comment vouloir empêcher nos jeunes «d'importer le conflit» sur notre sol, si nos élus excusent, voire glorifient, la haine d'Israël ? Comment faire comprendre les nouvelles formes d'antisémitisme y compris celle liée à la haine d'Israël que nos institutions essaient par ailleurs de combattre, notamment en adoptant la définition de travail de l'antisémitisme de l'Alliance pour la mémoire de l'Holocauste (IHRA).

Au moment même où le gouvernement s'apprête à révéler son nouveau plan de lutte contre l'antisémitisme, le racisme et les discriminations, il est difficilement concevable de laisser des élus de la République aller dans le sens inverse et attiser les pires instincts pour des raisons électoralistes. Car, il faut le dire sans détour : la confusion morale à laquelle tend la révision d'actes criminels remet en cause les fondements mêmes de la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et le terrorisme.

Or, si nous souhaitons lutter efficacement contre ces fléaux et défendre les valeurs républicaines, nous devons être intraitables face à toute compromission et récupération politique de l'extrémisme - particulièrement quand elles sont initiées par nos élus. Sans cela, les initiatives, mesures et plans mis en place ne seront définitivement que des coquilles vides.

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17 commentaires
  • BadGuy

    le

    Merci Madame pour votre texte lumineux.

  • WINSTON

    le

    La gauche et l’extrême gauche pour des raisons électoralistes passent leur temps à importer des conflits qui ne nous concernent pas : le conflits israelopalestinien, le racisme des USA, la lutte de pouvoir entre sunnites et chiites etc....

  • Daniel

    le

    C est toujours la société la plus intelotante du monde, qui a fait fuire les juifs de leurs terres et qui fait maintenant fuir les chrétiens d orient..c est toujours ces gens qui se plaignent d être des victimes

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