Yemen Blues, musiques sans frontières

Yemen Blues, 2023. © Zohar Shitrit

Depuis 2010, la musique de Yemen Blues passe les frontières pour faire vibrer les scènes du monde entier. Ravid Kahalani, chanteur et leader charismatique du groupe, a grandi en Israël dans une famille juive yéménite. De passage en France pour une série de concerts, nous l’avons rencontré. Entretien.

RFI Musique : Racontez-nous comment l’aventure du groupe Yémen Blues a commencé ?
Ravid Kahalani : J’ai créé Yemen Blues en 2009 avec quelques amis. À l’époque, je n’avais que quelques chansons. J’ai rencontré Omer Avital, un musicien de jazz israélo-américain avec qui j’ai eu une très forte connexion. Rony Iwryn (percussions), Itamar Doari (percussions) et Itamar Borochov (trompette) nous ont rejoints et nous avons commencé à travailler les chansons. Petit à petit, d’autres instruments se sont ajoutés : violoncelle, violon, trombone, flûte… Nous avons créé le premier album de Yémen Blues en 2009 et nous avons donné un premier concert en 2010 à Marseille, au Babel Med Music. Cette nuit-là, nous sommes partis de rien pour devenir un des projets de jazz world les plus programmés dans le monde. C’est comme ça que nous avons réalisé plusieurs centaines de concerts dans de nombreux pays. Nous avions créé une musique qui n’avait pas de frontières.

D’où est venue la création de cette musique originale ?
Au début, nous ne cherchions pas à faire quelque chose en particulier. C'étaient juste des gens dans une pièce qui jouaient mes chansons, chacun y apportant son style et ses influences. C’était une fusion de musique arabe, de musique latine, de classique, de jazz avec des cuivres, des cordes. Tout était un mélange qui fonctionnait très bien ensemble. Et c’est devenu quelque chose d’unique.

Votre album Insaniya (2015) commence par une collaboration avec le rappeur français Oxmo Puccino. Comment cela s’est fait ?
Je voulais un rappeur français sur ce second disque et un ami m’a présenté Oxmo en 2014. Je lui ai montré ce que je faisais et il a dit : "oui bien sûr, je suis avec vous". On a fait cette chanson Satisfaction ensemble. C’était génial. On a enregistré la chanson en Israël, mais il a posé sa voix ici [en France]. Pour le clip aussi il a fait une vidéo de lui seul, ici, que nous avons montée en Israël. Depuis, nous sommes de bons amis. C’est une personne incroyable.

Vos créations musicales sont aux croisements de cultures avec des artistes d’horizons variés. Pourquoi Tel-Aviv en est le point de convergence ?
Yemen Blues n’a pas vraiment de "base". La plupart des musiciens vivent à Tel-Aviv depuis le début. Donc c’est plus facile pour se voir et travailler. C’est ça le truc avec Yemen Blues : on ne représente pas une culture en particulier. On n’a jamais dit qu’on jouait de la musique israélienne ou de la musique arabe ou de la musique latine. On fait de la musique. Ce qui est beau, c’est que des personnes différentes, du monde arabe, de la diaspora juive, des Français et d’autres, se reconnaissent dans notre musique, car il y a beaucoup d’influences.

Quelles sont ces influences ? Est-ce que les musiques du Sahara en font partie ?
Mes influences se trouvent surtout entre ma culture et la musique afro-américaine. J’ai aussi quelques influences sahariennes, mais c’est arrivé plus tardivement grâce à certains artistes africains comme Mariem Hassan, Habib Koité, Oumou Sangaré ou Ali Farka Touré. On retrouve parfois certains de ces matériaux dans notre musique, mais on crée toujours notre propre version. On n’essaie pas de copier d’autres artistes.

Pourquoi avoir choisi de rendre hommage à Shalom Shabazi dans votre dernier disque ?
On m’a demandé de faire un concert pour Shalom Shabazi en 2019. C’était une figure importante de la communauté juive yéménite qui vivait au Yémen au XVIIe siècle. Il a écrit beaucoup de chansons dont certaines sont devenues une partie de nos prières et d’autres sont devenues très populaires. J’ai choisi plusieurs textes de différents moments de sa vie pour l’honorer. J’ai composé des chansons influencées par des mélodies juives yéménites selon la façon dont il a écrit ses textes, en respectant notamment le rythme des mots. Nous avons réalisé cet album hommage pendant la pandémie. Mais c’est plutôt un projet parallèle pour Yemen Blues. Ce n’est pas vraiment notre troisième album.

Il y aura donc un troisième album à venir ?
En ce moment, nous préparons l’enregistrement du troisième album de musique originale de Yémen Blues. Il sera un peu plus extrême, tribal et dansant, plus empreint du groove et des inspirations des musiciens qui composent maintenant le noyau du groupe avec moi : Shanir Blumenkranz (basse, oud), Dan Mayo (batterie) et Rony Iwryn (percussions).

Yemen Blues Shabazi : Tribute to the Poet (Music Development Company) 2023
Site officiel / Facebook / Twitter / Instagram / YouTube