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Guerre Israël-Hamas

Entre Israël et le Hamas, une guerre de communication qui se joue sur tous les fronts

Depuis l'attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre, l'État hébreu et le mouvement islamiste palestinien sont engagés dans une guerre ouverte, qui se joue également sur le terrain de la communication. Si les deux camps s’affrontent avec des stratégies bien différentes, l’objectif est le même : projeter une image de confiance sans faille. 

Dans cette guerre d'information, le Hamas accuse notamment l'armée israélienne d'avoir frappé un hôpital de Gaza mardi soir, faisant de nombreuses victimes, tandis qu'Israël affirme qu'il s'agit d'une roquette palestinienne mal tirée.
Dans cette guerre d'information, le Hamas accuse notamment l'armée israélienne d'avoir frappé un hôpital de Gaza mardi soir, faisant de nombreuses victimes, tandis qu'Israël affirme qu'il s'agit d'une roquette palestinienne mal tirée. © Abed Khaled, AP
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Depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas, déclenchée par l'attaque d'une ampleur inédite lancée le 7 octobre par le mouvement islamiste palestinien sur le sol israélien, les deux camps se livrent à une guerre de communication sans merci. Un champ de bataille plus discret, où tous les moyens sont bons pour influencer l’opinion publique internationale et obtenir l’avantage sur l’adversaire.  

L'explosion sur le parking d'un hôpital gazaoui, mardi 17 octobre, a été l'occasion d'un nouveau bras de fer communicationnel entre l'armée israélienne et le Hamas. Les deux parties se rejettent la responsabilité de l'attaque, qui a fait près de 500 morts, selon les sources, et de nombreux blessés. Provoquant une confusion médiatique, ce drame a touché toute la communauté internationale. De nombreuses manifestations ont eu lieu dans le monde arabe, où l'on impute l'explosion à Israël.  

Le Hamas a attribué l'explosion à Israël, qui pilonne l'enclave quotidiennement depuis le 7 octobre. Des accusations rejetées par Israël, affirmant que la frappe était due à une roquette palestinienne tirée par le Jihad islamique, un groupe allié du Hamas. Le porte-parole de l'armée israélienne, Jonathan Conricus, a présenté des photos de l'explosion pour soutenir son affirmation. Il a déclaré que la frappe n'était pas due à une bombe israélienne, car il n'y avait pas de cratère sur les photos. Le président américain Joe Biden a également mis Israël hors de cause.

"Peu importe les faits, il n'en reste que l'effet", analyse Héloïse Fayet, chercheuse spécialiste du Moyen-Orient au Centre des études de sécurité de l’IFRI (Institut français des relations internationales). "Le mal est déjà fait, notamment dans les pays arabes qui restent convaincus que ces images sont une nouvelle manipulation israélienne. " 

Dans le contexte de ce conflit, la recherche de la vérité est particulièrement compliquée. D'une part, les journalistes ont un accès très limité à la bande de Gaza, ce qui rend difficile la vérification des informations. D'autre part, le "conflit est tellement passionnel qu’il est impossible de sortir de sa bulle et de la vérité qu’on établit soi-même", ajoute l’experte.  

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Donner du poids à ses actions 

Cette guerre de communication avait cependant démarré dès les premières secondes de l’attaque du 7 octobre, lorsque les combattants du Hamas ont utilisé une caméra embarquée pour filmer et diffuser sur la messagerie Telegram des exactions contre des civils israéliens quasiment en temps réel. Les images ont été reprises par les médias du monde entier, précisément la réaction que recherchait le mouvement islamiste. Cadavres, sang et prises d’otage... Les photos et vidéos choquantes ont rapidement proliféré sur les réseaux sociaux. Objectif : montrer un territoire israélien affaibli et qui subit des pertes. 

Selon Héloïse Fayet, le Hamas a ciblé "prioritairement des civils à des fins de communication et de ralliement, pour donner plus de poids à ses actions". "S'il se plaçait dans une dynamique de guerre asymétrique et de résistance légitime, dans ce cas-là, ils auraient probablement uniquement ciblé des soldats et des militaires israéliens." 

Une stratégie similaire à celle utilisée il y a quelques années par des groupes terroristes comme l’organisation État islamique (OEI), souligne l’experte. En 2015, l'OEI avait diffusé une vidéo montrant la mise à mort d'un pilote jordanien retenu prisonnier depuis plusieurs semaines, suscitant une grande indignation internationale. 

Lundi soir, la stratégie du Hamas a cependant pris un coup : l'un de ses comptes Telegram qui avait diffusé la vidéo d'une otage franco-israélienne, Mia, 21 ans, enlevée le 7 octobre lors du festival trance Tribe of Nova, a été suspendu.

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Une "pornographie de l'horreur" 

En face, l'armée israélienne, le Tsahal, a été extrêmement réactive sur sa manière de communiquer, réutilisant à son bénéfice les images diffusées par le Hamas et les civils. "Il y avait l’idée de créer un choc, un émoi et un trouble épouvantable en Israël afin de précipiter une contre-attaque à Gaza", analyse de son côté Jérôme Bourdon, historien et sociologue des médias sur France 24. 

"Israël a réemployé ces images pour montrer l’horreur du Hamas, mais aussi pour susciter la pitié et contrer la propagande du Hamas", explique l’expert qui note cependant "la grande difficulté d’Israël à maîtriser l'effet que peuvent créer ces images". 

Il existe par ailleurs de nombreuses images d’horreur de la riposte israélienne sur Gaza – où les Gazaouis vivent une situation de grande détresse humanitaire – diffusées par les médias à travers le monde, poursuit l’expert, déplorant que nous sommes tous "un peu complice de la pornographie de l’horreur". Les médias israéliens eux, ne montrent pas les ravages causés par les frappes massives sur le territoire palestinien. 

MIDDLE EAST MATTERS
MIDDLE EAST MATTERS © FRANCE24

Convaincre l'opinion publique occidentale 

Héloïse Fayet rappelle que l'armée israélienne a toujours accordé une grande importance à sa stratégie de communication, notamment auprès des institutions étrangères. "Cet investissement sert d’autant plus à convaincre l'opinion publique occidentale que l'opinion publique arabe, qui a déjà pris son parti pour la Palestine." 

Au-delà de la reprise d’images, l’État hébreu a rapidement multiplié les offensives numériques pour convaincre à l’international. Quelques heures après le début de l'attaque, l'armée a diffusé la préparation des avions de combat. Le ministère israélien des affaires étrangères a par ailleurs institutionalisé sa propagande avec l'achat d’encarts publicitaires sur YouTube – dont l’une diffusée en anglais dans des applications de jeux pour enfants – suscitant de vives critiques. Selon YouTube, ces campagnes ne violaient pas les règles du site. Mais elles ont contribué à alimenter l’idée d’un "deux poids deux mesures" auprès de défenseurs de la cause palestinienne. 

Enfin, dans les deux camps, le conflit est marqué par une vague de désinformation particulièrement importante. Sur les réseaux sociaux, certains comptes utilisent d’anciennes photos et vidéos en les faisant passer pour des images récentes, comme cette vidéo de jeunes enfants enfermés dans des cages, présentée comme celle d'otages israéliens, détenus par le Hamas. Il s’avère que la séquence a été tournée à Gaza quatre jours avant le début de l'offensive. De faux communiqués de presse ont également été publiés en ligne, comme l'un supposément de la Maison-Blanche, selon laquelle les États-Unis financeraient le conflit.  

Ces quelques exemples illustrent le danger que représente l'utilisation des réseaux sociaux dans la médiatisation d'un conflit. Selon Jérôme Bourdon, cela "crée des canaux parallèles d'information, qui diffusent des images violentes, graphiques et brutales de manière extrêmement diverse et rapide par rapport aux canaux traditionnels d'information, comme la télévision. Cela peut créer de la confusion et de la peur, car les gens ne disposent pas encore d'un récit complet et équilibré des événements." 

Depuis le début du conflit, les réseaux sociaux sont dans le viseur de l'Union européenne pour leur manque de modération. Jeudi, Bruxelles a ouvert une enquête sur Meta (Facebook, Instagram) et TikTok pour vérifier si ces plateformes avaient pris des mesures suffisantes pour lutter contre la diffusion de "fausses informations" et de "contenus illégaux", dans le cadre du conflit. Si cette "demande formelle d'informations" ne constitue pas une mise en cause, elle est la première étape d'une procédure qui peut conduire à des sanctions financières en cas d'infractions avérées.

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