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Brouillard de la guerre

Guerre Israël-Hamas : pourquoi l’opération terrestre annoncée à Gaza n’a pas encore eu lieu ?

Si l’armée israélienne a annoncé lundi avoir mené des "incursions terrestres limitées" dans la bande de Gaza, elle n’a jusqu’ici pas mis à exécution sa menace d’intervention de grande envergure dans l’enclave. Faut-il y voir des manœuvres préparatoires ou l’amorce d’un changement de stratégie ? Décryptage.

Une formation de chars israéliens positionnée près de la frontière israélienne avec la bande de Gaza, dans le sud d'Israël, le 20 octobre 2023.
Une formation de chars israéliens positionnée près de la frontière israélienne avec la bande de Gaza, dans le sud d'Israël, le 20 octobre 2023. © Violeta Santos Moura, Reuters
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"Une attaque massive contre le Hamas, d'une intensité qui n'a jamais eu lieu." Deux jours après l’offensive meurtrière contre l’État hébreu le 7 octobre, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu promettait une réponse implacable contre le groupe islamiste, dont l’attaque surprise a causé la mort de plus de 1 400 personnes en Israël et permis la capture de 222 otages.

Le Hamas sera "écrasé" comme le groupe jihadiste État islamique, avait réaffirmé le chef de gouvernement le 12 octobre, lors de la visite du secrétaire d'État américain Antony Blinken en Israël, laissant planer la menace d’une intervention militaire terrestre imminente à Gaza.

Pourtant, deux semaines après le massacre perpétré par le groupe islamiste palestinien, celle-ci n’a toujours pas eu lieu. L’armée israélienne se cantonne pour l’heure à des "incursions terrestres limitées", tout en intensifiant ses frappes contre les "infrastructures terroristes", dont le bilan dépasse désormais les 5 000 Palestiniens morts, dont plus de 2 000 enfants, selon le ministère de la Santé du Hamas.

Le dilemme des otages

Lundi, l’armée israélienne a annoncé avoir conduit des opérations militaires terrestres à Gaza. Un soldat israélien a été tué et trois autres blessés par un tir de missile antichar lors de l’une de ces incursions au sol, a-t-elle précisé.

"Au cours de la nuit, des raids ont été menés par des chars et des forces d'infanterie", a indiqué lors d'une conférence de presse le porte-parole militaire israélien en chef, le contre-amiral Daniel Hagari, décrivant des incursions qui se sont enfoncées "profondément" dans la bande de Gaza.

Selon l’armée, celles-ci ont pour but de tuer des militants armés mais aussi de collecter du renseignement sur les otages détenus par le Hamas.

Après avoir menacé d’exécuter ces prisonniers en réponse aux frappes israéliennes et annoncé la mort de plusieurs d’entre eux lors des bombardements, le Hamas a libéré vendredi deux otages américaines – une mère et sa fille –, pour des "raisons humanitaires", par l’intermédiaire du Qatar. Lundi soir, le groupe armé palestinien a annoncé la libération de deux autres otages, deux femmes âgées israéliennes, retenues à Gaza depuis le 7 octobre.

En montrant que des libérations sont possibles, "le Hamas se livre à un chantage odieux qui restreint le champ d’action de l’armée israélienne", souligne Sofia Amara, réalisatrice et journaliste spécialiste du Proche-Orient. Si Israël déclenche son opération terrestre alors que des négociations sont en cours, on pourrait lui reprocher de compromettre "la possibilité de sortir des otages vivants de la bande de Gaza".

Un haut responsable israélien, cité lundi par le New York Times, affirme qu’une cinquantaine d’otages binationaux pourraient prochainement être libérés par le Hamas, sans conditions.

Flou stratégique

Officiellement, Israël prépare toujours son offensive terrestre. Comme pour les précédentes incursions de l’armée israéliennes à Gaza, en 2006, 2008 et 2014, celle-ci est précédée d’intenses campagnes de frappes aériennes.

"Cela va prendre un mois, deux mois, trois mois… et à la fin, il n’y aura plus de Hamas. Avant que le Hamas soit confronté à nos chars et à notre infanterie, ils vont connaître les bombardements de notre armée de l’air", a déclaré dimanche Yoav Gallant, le ministre de la Défense.

Certains spécialistes militaires perçoivent néanmoins un certain flottement du côté israélien. "Ils semblent avoir du mal à définir clairement leur stratégie", analyse Jean-Paul Paloméros, ancien commandant suprême allié de la transformation de l’Otan. "Ils continuent à bombarder Gaza de manière massive du nord au sud alors qu’ils ont demandé à la population de se déplacer pour éviter ces frappes. En même temps, ils tentent de récupérer du renseignement avec ces incursions. On se demande quelle stratégie va prévaloir : une occupation réelle ou bien des incursions militaires ponctuelles mais bien plus en profondeur."

Selon le journal israélien Yedioth Ahronoth, ce flou stratégique serait lié à de fortes dissensions entre le Premier ministre et le commandement de l’armée, qui le considère responsable de l’échec sécuritaire du 7 octobre.

Éviter un scénario à l’irakienne

Pour Julie Norman, maîtresse de conférences et chercheuse à l'University College de Londres, les hésitations stratégiques israéliennes sont également dues à l’influence des partenaires d’Israël, en particulier à celle des États-Unis.

"Il y a d’un coté les négociations visant à obtenir la libération des otages, celles visant à accélérer l’acheminement de l’aide humanitaire mais aussi l’initiative américaine pour éviter une escalade régionale", souligne-t-elle.

Tout en reconnaissant à Israël le droit de répondre avec force à l’attaque du Hamas, Joe Biden a insisté à de nombreuses reprises sur l’importance d’épargner les civils.

Le 18 octobre depuis Tel-Aviv, il a appelé Israël à ne pas commettre les mêmes erreurs que les Américains après le 11-Septembre.

Les États-Unis s’abstiennent de mettre la pression sur Israël ou de lui dicter sa conduite, explique Julie Norman. Joe Biden essaie néanmoins de faire comprendre à Benjamin Netanyahu que la stratégie israélienne "doit inclure un plan de sortie de crise".

Pour la chercheuse, Washington redoute qu’Israël connaisse à Gaza le même enlisement que les États-Unis en Afghanistan et en Irak. "Même si l’opération militaire israélienne fonctionne, que deviendra Gaza ensuite ? Israël va-t-il réoccuper l’enclave ? Y aura-t-il vacance du pouvoir ? Toutes ces étapes doivent être pensées pour éviter que la situation ne se transforme en impasse", conclut Julie Norman.

Guerre de communication

Enfin, le projet d’anéantir le Hamas par le biais d’une intervention terrestre se heurte à une autre difficulté cruciale : la bataille de l’opinion. Car Israël, comme ses alliés, craint que la guerre ne ternisse durablement son image et mette un coup d’arrêt irréversible au rapprochement initié avec les pays arabes par le biais des accords d’Abraham en 2020. Accusée par le Hamas d’avoir causé un massacre, le 17 octobre, en bombardant l’hôpital Ahli Arab dans le centre de Gaza, l'armée israélienne a immédiatement réagi, incriminant le groupe armé palestinien Jihad islamique et publiant des éléments pour appuyer sa version. Des expertises américaines et européennes privilégient de leur côté l'hypothèse d'une frappe tirée depuis Gaza. Seule une enquête internationale indépendante devrait cependant pouvoir déterminer l'origine du tir.

Lundi, l'armée a convoqué la presse internationale pour la diffusion d’un film de 43 minutes sur l'attaque du 7 octobre. "Des images effroyables que l’on ne peut bien sûr pas diffuser", précise la correspondante de France 24 à Jérusalem Claire Duhamel, présente lors du visionnage.

"Il est intéressant de noter qu’Israël a décidé de diffuser ces images plus de deux semaines après l’événement pour rappeler pourquoi il se bat contre le Hamas", souligne-t-elle. "Cela a été dit de manière très claire par l’un des porte-parole : il est nécessaire de voir ces images pour comprendre ce qui arrive à Gaza en ce moment."

Une déclaration dont le but pourrait être de justifier les frappes israéliennes massives sur Gaza. Et peut-être de préparer les esprits avant l’offensive terrestre annoncée par l'armée israélienne.

 

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