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REPORTAGE

Après les attaques du Hamas en Israël, la paix est-elle encore possible ?

De notre envoyée spéciale en Israël – Les attaques sans précédent du Hamas ont lancé une guerre avec Israël qui pourrait devenir totale. Alors que la communauté internationale tente de désamorcer la crise, la voix de la paix est-elle encore audible ? France 24 est allé à la rencontre d’activistes israéliens ainsi que d'anciens officiels pour leur donner la parole sur le sujet. 

Que reste-il de l'idée d'une paix durable au Proche-Orient après l'attaque du 7 octobre du Hamas ?
Que reste-il de l'idée d'une paix durable au Proche-Orient après l'attaque du 7 octobre du Hamas ? © Gil Cohen-Magen, AFP
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Depuis les attaques meurtrières du Hamas sur le territoire israélien le 7 octobre, la perspective d'une solution durable dans le conflit israélo-palestinien semble semble plus éloignée que jamais. Même la population israélienne la plus modérée, traumatisée par les images des massacres de civils par le Hamas, est devenue sourde à la cause de la paix. 

"Parfois, pour parvenir à la paix, il faut faire la guerre"

Yariv Oppenheimer, directeur de l’ONG "Two State Coalition".
Yariv Oppenheimer, directeur de l’ONG "Two State Coalition". © Assiya Hamza France 24

Yariv Oppeheimer, ancien directeur du mouvement Peace Now, aujourd'hui à la tête de l’ONG "Two State Coalition". "Ce mouvement appelle à la fin de l'occupation en Cisjordanie, à Gaza et à Jérusalem-Est, et à la mise en place d'une solution à deux États.

"Nous devons faire face à la réalité. Depuis cette attaque vicieuse, même les gens qui croient en la paix sont en colère et méfiants envers les Palestiniens. C’est un traumatisme qu'il faudra des années à surpasser. Aujourd'hui, le soutien à un retrait des troupes et des colons ou à un accord avec les Palestiniens n'est pas réaliste pour l'opinion publique israélienne. Nous ne pouvons pas l'ignorer.

À côté de cela, la guerre offre l’opportunité de changer de partenaires pour la paix. Personne au sein du Hamas n'était prêt à parler avec les Israéliens. C'est pourquoi nous avons toujours soutenu la conclusion d'un accord avec l'Autorité palestinienne, avec Abbas [le dirigeant de l'Autorité palestinienne, NLDR], avec l'OLP [l'Organisation de libération de la Palestine, NLDR], afin que ce conflit soit considéré comme un conflit politique et non comme un conflit religieux. Le fait qu'il y ait une chance d'écarter le Hamas et que l'Autorité palestinienne finisse par prendre le contrôle de la bande de Gaza est un signe positif et encourageant pour ceux d'entre nous qui aimeraient voir un jour un accord avec le peuple palestinien.

Si j'étais un Palestinien, j'aurais peur des gens du Hamas car s'ils peuvent faire cela à des Israéliens, ils peuvent aussi le faire à des Palestiniens. Aujourd’hui, les Palestiniens voient la destruction qui résulte de ces atrocités. Le message adressé aux Palestiniens est clair : si vous choisissez cette voie, le résultat sera le même. La brutalité de l'attaque [du 7 octobre], le fait d'enlever des enfants, des femmes et de faire des choses qui sont tout simplement l'enfer sur terre, ne peuvent pas être acceptés. Il ne s'agit pas d'une lutte contre l'occupation mais de crimes contre l'humanité. Parfois, pour parvenir à la paix, il faut faire la guerre. Et c'est ce qui se passe en ce moment. Mais je garde l'espoir qu'à court terme, ce tremblement de terre ouvre les yeux aux Palestiniens sur leurs dirigeants. Je crois que nous devrions avoir les mêmes droits. Et si je veux atteindre mon but, respecter mes valeurs, nous devons opter pour la solution des deux États".

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" La guerre n'est pas la solution"

Tared Abu Ahmed, directeur de l'Institut d'Études environnementales, le 17 octobre 2023.
Tared Abu Ahmed, directeur de l'Institut d'Études environnementales, le 17 octobre 2023. © Assiya Hamza France 24

Dr Tareq Abu Hamed est directeur de l’Institut d’études environnementales dont le but est de faire progresser la coopération environnementale transfrontalière face aux conflits politiques.

"Je me définis comme Palestinien israélien. Certaines personnes aiment cela, d'autres non. Ils préfèrent dire que je suis un Arabe israélien. Mais en ces temps terribles, je ne suis qu'un être humain qui a été profondément blessé par ce que nous avons vu des deux côtés.

Ce qui s’est passé nous a profondément choqués. Il faut que cela cesse. Ça devrait être un signal d'alarme très fort pour tout le monde. Un autre cycle de guerre, un autre cycle de violence. Cela n'apportera aucune stabilité à cette région. Le seul moyen durable d'instaurer la paix au Moyen-Orient est de rassembler les gens, de favoriser la compréhension, de construire la paix juste dont nous avons tous besoin. La guerre n'est pas la solution et elle n'apportera aucun résultat. Personne ne gagne à la guerre. Qu'est-ce qui est facile à faire ? La paix est plus difficile à faire. La paix se fait entre ennemis. Surtout lorsqu'il s'agit de deux communautés qui ont été si profondément blessées, à la fois mentalement et physiquement. Mais nous devons, encore une fois, rassembler les gens pour construire cette confiance, pour avoir un avenir brillant pour nos enfants.

Je rencontre beaucoup de gens, tant en Israël qu'en Palestine : la grande majorité veut vivre en paix. Mais nous ne parlons pas assez fort, dans les deux camps, de l'importance de cette paix. La principale réussite des extrémistes en Israël et en Palestine est d'avoir séparé les sociétés israélienne et palestinienne. Ils jouent sur la peur que nous ne pouvons pas faire confiance à l'autre, mais il y a beaucoup de gens, des deux côtés, en qui on peut avoir confiance.

J'espère qu'après cette guerre, des deux côtés, nous parlerons plus fort de l'importance de la paix".

" Plus que jamais nous devons tout faire pour atteindre la paix"

Gadir Hani à Acre, le 19 octobre 2023.
Gadir Hani à Acre, le 19 octobre 2023. © Assiya Hamza France 24

Gadir Hani, activiste arabe israélienne, membre du mouvement Women wage peace qui milite pour l'intégration des femmes dans les processus de paix et Standing together qui mobilise les juifs israéliens et palestiniens israéliens en faveur de la paix, de l'égalité et de la justice sociale et climatique

"Acre n’était pas comme ça quand j’étais enfant. Il y a beaucoup de tensions et de peur des deux côtés. La confiance n’existe plus depuis les émeutes de mai 2021 (entre Arabes et Juifs, NDLR). On sent la peur quand on parle aux gens et quand on marche dans la rue.

Personne n’était préparé à ce qui s’est passé le 7 octobre. Nous devons renforcer nos liens avec l’Autorité palestinienne pour trouver un accord de paix, sinon le conflit va devenir plus dur et plus douloureux. Plus que jamais nous devons tout faire pour atteindre la paix. Je suis Palestinienne israélienne et même si c’est douloureux, une partie de la population israélienne nous voit aussi comme des ennemis. Nous le sentons après chaque attaque de Palestiniens sur les Israéliens et les opérations militaires. Beaucoup disent que les gens ont voté pour le Hamas et ça me fait peur. Je pense qu’ils ont tort.

J’ai vécu 22 ans dans le Negev et je fais partie d’un groupe qui s’appelle Other voice ("l’autre voix"). J’ai contacté immédiatement mes amis et malheureusement, deux de mes amis juifs ont été attaqués. L’un s’est échappé et s’est caché dans un abri mais l’autre est probablement kidnappé. C’est très douloureux.

Deux semaines après l’attaque du Hamas sur Israël, France 24 a rencontré Radir Hane, de l’organisation Women Make Peace – “les femmes font la paix", en français. (22/10/2023)
Deux semaines après l’attaque du Hamas sur Israël, France 24 a rencontré Radir Hane, de l’organisation Women Make Peace – “les femmes font la paix", en français. (22/10/2023) © Juliette Montilly / France 24

 

Je ne voulais pas regarder les photos et les vidéos mais j’essaie d’aider à retrouver les personnes disparues. Je n’ai pas vu les pires mais j’ai dû en parler. J’ai écrit un premier message sur les réseaux sociaux pour appeler à renforcer la coexistence et un autre quand j’ai réalisé le niveau de l’horreur. J’ai appelé les leaders à condamner fermement ces atrocités.

Je ne sais pas si la solution à deux États est réaliste. Il y a aussi l’idée d’avoir un seul pays pour les deux peuples avec deux gouvernements différents. Chacun fonctionnerait de son côté mais avec la liberté de circuler. Je ne sais pas ce que je veux maintenant pour être honnête.

C’est pour ça que nous devrions avoir des leaders courageux qui avancent et qui mettent les choses à plat. Il faut mettre les deux parties en avant. C’est important d’impliquer les femmes dans les négociations. C’est pour cela que je porte cette broche 1325 : c’est le numéro de la résolution de l’Onu votée en 2000 qui affirme que les pays devraient intégrer les femmes dans les processus de paix. En Irlande et en Afrique du Sud, elles ont réussi à maintenir des accords.

Je veux aussi être partie prenante des discussions parce que je suis Palestinienne et citoyenne israélienne. J’ai un rôle important de pont entre les deux cultures".

"Nous ne pouvons pas faire la paix avec des sauvages"

 

Oren Helman à Tel Aviv, le 19 octobre 2023.
Oren Helman à Tel Aviv, le 19 octobre 2023. © Assiya Hamza France 24

 

Oren Helman, ancien directeur général du service de presse du gouvernement, activiste

"Nous avons toujours parlé de paix et de sécurité. Vous n’avez pas l’un sans l’autre. Nous sommes un peuple pacifique. En Israël, le mot que nous prononçons chaque fois que nous voyons des gens est Shalom – "paix". Mais nous ne pouvons pas faire la paix avec des sauvages, des barbares qui tuent les enfants, les survivants de l'Holocauste, kidnappent les personnes handicapées, les femmes, les bébés.

Il faut tuer tous les membres du Hamas. Nous aurions dû le faire il y a longtemps. Nous pensions les juger selon les critères du monde occidental. Nous pensions que nous avions affaire à des gens. Une partie du monde les appelle encore des combattants de la liberté. Ils ne se battent pas pour la paix. Ils ne se battent pas pour la liberté des Palestiniens. Si nous voulons la paix, et si les États qui nous entourent veulent la paix, nous devons les détruire exactement comme le monde a détruit Al-Qaïda, Daesh et tous ces fous qui essaient de tuer tous ceux qui ne pensent pas comme eux. Nous leur parlerons avec nos armes et nos canons.

Je pense que c'est le moment pour la population civile de Gaza de faire une révolution contre le Hamas parce qu'il est évident qu’il ne se soucie pas d’elle. Il y a environ 17 ans, le Hamas a été élu lors d'élections libres et depuis, les citoyens de Gaza n'ont jamais rien dit contre lui. Si nous séparons la population des terroristes, quelque chose pourra se passer. Israël est un État très moral. Nous ne tuons pas de civils. Nous ne tuons pas d'enfants [sic, les bombardements d'Israël dans la bande de Gaza ont fait à la date du 23 octobre 4 600 victimes parmi lesquels des enfants et une majorité de civils]. Mais eux tuent leurs propres enfants. Ils ont même menti au sujet de cet hôpital à Gaza où ils ont lancé un missile par erreur qui leur est revenu. En l'espace d'une heure, ils ont dénombré 500 morts. Ils ne se soucient pas des gens. Nous n'avons rien contre les Arabes. Nous n'avons rien contre les musulmans. Nous avons une dent contre ceux qui sont responsables du second Holocauste. Nous avons le droit de nous venger.

Au sein de l'Autorité palestinienne, les gens croient encore au droit au retour. Où veulent-ils retourner ? Ici, en Israël ? À Ramla, à Jaffa, à Haïfa, à Tel Aviv ? Cela signifie qu'ils ne reconnaissent pas le droit d’exister à l'État d’Israël. Avant de parler de paix, ils doivent donc dire qu'ils renoncent à leur demande de droit au retour. Ils doivent comprendre que Jérusalem est notre capitale et que s'ils veulent vivre en paix avec nous, ils doivent se débarrasser de tous ces terroristes".

" Il faut démilitariser Gaza et le Liban"

 

Zvi Hauser, le 20 octobre à Tel Aviv.
Zvi Hauser, le 20 octobre à Tel Aviv. © Assiya Hamza France 24

 

Zvi Hauser, ex-secrétaire du cabinet de Benjamin Netanyahu et ex-président de la commission des affaires étrangères et de la défense du Parlement israélien.

"Il n'est pas possible de laisser perdurer cette idée fausse que ces groupes terroristes peuvent tirer des missiles chaque semaine, chaque mois sur des civils. Il faut changer de stratégie. Il faut démilitariser Gaza et le Liban. C'est le problème de la communauté internationale ou du monde libre. Ce que vous voyez en Israël en 2023, vous le verrez en France en 2033.

Il ne s'agit pas d'une question de vengeance. Il s'agit de compréhension. Il y a un moment dans l'histoire où il faut mener un changement stratégique pour amener cette région à plus de stabilité, plus de paix et plus de sécurité. Car ce que nous avons vu il y a deux semaines était contraire à l'humanité, aux valeurs libérales et humaines. Et nous ne pouvons pas dire que cela fait partie du jeu.

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La paix au Moyen-Orient ne sera possible que lorsque nos voisins comprendront qu'Israël fait partie de la solution et non du problème. Et pour cela, nous devons gagner la guerre contre les islamistes extrémistes iraniens et leurs théories, parce qu'ils essaient de pousser cette région à la conclusion qu’il est possible de se débarrasser d'Israël. Mais c'est là une grave erreur. Nous devons donc d'abord vaincre cette terrible pensée.

Il y a deux façons de comprendre la situation au Moyen-Orient. Il y a ceux qui pensent qu'Israël est le problème et ceux qui pensent qu'Israël fait partie de la solution. Nous l'avons vu avec les accords d'Abraham, c'est-à-dire que de plus en plus de pays de la région ont compris qu'Israël fait partie de la solution. Elle peut apporter une énorme contribution à cette région : offrir la technologie, des services de santé, la science. C'est notre vision historique, les racines du peuple juif. Mais il y a aussi des pays qui pensent qu'ils doivent adopter des idées du 11e siècle contre les Juifs qui vivent au Moyen-Orient.

Ce qui s’est passé il y a deux semaines est une tragédie pour les familles, pour la nation. Mais ce n'est pas tout. Il ne s'agit pas seulement de l'aspect émotionnel. Israël doit gagner pour l'intérêt du monde libre".

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