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Témoignages

"Pas sûre d'avoir de la chance d'être en vie" : les Gazaouis redoutent une catastrophe sanitaire

L'Organisation mondiale de la Santé met en garde contre une "catastrophe sanitaire imminente" dans la bande de Gaza, où le déplacement d’un million de personnes, la surpopulation dans les abris et les dégâts causés aux réseaux d’eau et d'assainissement, risquent fort de favoriser la propagation de maladies. La réalisatrice Bisan Owda témoigne depuis le territoire palestinien.

Un jeune homme transporte des bidons d’eau à vélo à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 22 octobre 2023.
Un jeune homme transporte des bidons d’eau à vélo à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 22 octobre 2023. © Mohammed Abed, AFP
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"Salut les gars, je suis toujours vivante". C'est ainsi que Bisan Owda, 25 ans, lance la plupart de ses directs sur Instagram. Mais après seize jours de bombardements israéliens, la réalisatrice a confié à ses 665 000 abonnés : "ma plus grande peur, ce n’est pas de mourir, ma plus grande peur, c’est de rester en vie."

À l’instar de quelque 50 000 déplacés, Bisan Owda et ses parents ont trouvé refuge dans l’enceinte et à proximité de l'hôpital Shifa, le plus grand de la bande de Gaza. Ils font partie des plus d'un million de Gazaouis qui ont été déplacés depuis que le Hamas a perpétré un massacre dans le sud d'Israël le 7 octobre, qui a fait au moins 1 400 morts.

L'attaque terroriste du groupe palestinien a entraîné une réplique d’Israël qui mène, depuis, une campagne de bombardements de l'enclave. En parallèle, le gouvernement israélien a ordonné aux habitants d’évacuer le nord de la bande côtière.

Selon le ministère de la Santé du territoire palestinien, contrôlé par le Hamas, plus de 7 000 personnes ont été tués dans les frappes aériennes israéliennes. La maison de la famille de Bisan Owda, située dans le village de Beit Hanoun au nord de la ville, a été bombardée, tout comme son bureau du quartier de Rimal de Gaza. La jeune réalisatrice a perdu ses biens et tout son matériel de tournage.

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Les maladies se propagent

Les conditions de vie dans le camp de déplacés sont extrêmement difficiles, affirme Owda. Tout autour de l'hôpital Shifa, des familles campent dans les rues, sur le parking et à l'intérieur des couloirs de l’établissement. "L'hiver arrive. Il fait de plus en plus froid, et nous n'avons pas d'endroit convenable pour dormir ni de couverture", poursuit Owda. "Il a plu pendant que je dormais et ma mère s'est mise à pleurer. Pour certains, l'hiver évoque le chocolat chaud mais à Gaza, l'hiver est désastreux. Avons-nous vraiment de la chance d'être en vie ?" À force de s’entasser dans des espaces restreints, sans accès à des installations sanitaires ni à suffisamment d’eau potable, les Gazaouis commencent à tomber malade. "Les gens ont de la fièvre, ils toussent, les enfants sont en danger, on pourrait attraper un nouveau variant du Covid-19", ajoute-t-elle.

"Nous avons déjà constaté que certaines maladies se propagent, notamment la variole", prévient Adnan Abu-Hasna de l'Agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA). Le 21 octobre, l'OMS (l’Organisation mondiale de la santé) a mis en garde contre une "catastrophe de santé publique imminente" provoquée par les déplacements massifs de la population, la surpopulation dans les abris et les dégâts causés aux réseaux d’eau et d'assainissement. L'eau potable est devenue rare, tandis que l’eau en bouteille est inabordable pour la majorité de la population. Après l’attaque du 7 octobre, Israël a imposé un blocus total de Gaza et a coupé l'approvisionnement en eau potable, en électricité et en carburant.

Depuis le 21 octobre, après la visite du président américain Joe Biden en Israël, quatre convois d'aide humanitaire sont entrés à Gaza par la frontière égyptienne de Rafah. L’État hébreu a jusqu'à présent refusé que ces convois transportent du carburant. Au motif que le Hamas, qui pourrait s’en emparer sur les sites de l'ONU, l'utiliserait militairement. Sauf que le carburant est indispensable au fonctionnement des stations d’épuration et de dessalement.

L'UNRWA a fourni du carburant mais a prévenu qu'il n'y en aura plus à partir du mercredi de cette semaine. "Nous nous dirigeons vers une véritable catastrophe, celle du manque d'eau potable dans la bande de Gaza", prévient Adnan Abou-Hasna. Dans le camp de l'hôpital de Shifa, Bisan Owda affirme que les déplacés puisent de l'eau dans un puits voisin qui pourrait être contaminée par les eaux usées et salées. "Ce n'est pas buvable, il faut procéder à un nettoyage", explique-t-elle. "Nous ne savons pas vraiment si c'est sans danger, mais nous buvons cette eau parce que nous n’avons pas d’autre choix."

"On compte parfois seulement quatre toilettes"

Le carburant est également nécessaire pour faire fonctionner les systèmes de traitement des eaux usées et des déchets. "On sent l'odeur des eaux usées dans les rues et c'est horrible", témoigne Adnan Abu-Hasna, qui fait également partie du million de Gazaouis déplacés. Sa maison, dans le nord de l’enclave, a été partiellement détruite par les frappes aériennes israéliennes. Désormais, il vit avec sa famille plus au sud.

Les déplacements massifs de population exercent une pression supplémentaire sur le système d’égouts. "Pour 5 000 personnes, on compte parfois seulement quatre toilettes" dans les abris, déplore Adnan Abu-Hasna. Dans la partie nord de Gaza, les infrastructures de traitement des déchets ne fonctionnent pas, dit-il. "Dans le sud, les centres de collecte et de traitement fonctionnent partiellement. Partout, on voit des tas d’ordures dans les rues." Même dans le sud, Abu-Hasna affirme que les raids aériens israéliens rendent "très dangereux" les déplacements des chauffeurs de camions-benne "car ils sont très exposés lorsqu'ils travaillent dans les rues".

Les frappes israéliennes ont détruit des quartiers entiers, et rasé des maisons, des écoles, des lieux de culte à travers Gaza. "Pourquoi ai-je peur de vivre ? Parce que je ne suis pas sûre que ce soit une chance de rester en vie", dit Bisan Owda. "Nous avons faim, nous avons soif, nous avons froid, nous sommes sans abri, avec des proches qui ont été assassinés. Parce que nous avons survécu, cela signifie que nous devrions affronter tout ça, seuls."

Cet article a été adapté de l'anglais. L'original est à retrouver ici.

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