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Guerre Israël-Hamas: «Les islamistes ont tué le camp de la paix»

Une femme israélienne brandit un panneau en faveur de la paix à l’occasion d’une manifestation le 5 novembre 2016 à Tel-Aviv pour marquer le 21e anniversaire de l’assassinat d’Yitzhak Rabin.
Une femme israélienne brandit un panneau en faveur de la paix à l’occasion d’une manifestation le 5 novembre 2016 à Tel-Aviv pour marquer le 21e anniversaire de l’assassinat d’Yitzhak Rabin. JACK GUEZ / AFP

FIGAROVOX/TRIBUNE - Vingt-huit ans après l’assassinat de l’ancien premier ministre israélien Yitzhak Rabin, aucun rassemblement n’a eu lieu cette année en Israël. Pour Julien Bahloul, ancien journaliste et ex-réserviste dans l'unité du porte-parole de Tsahal, l’attaque du 7 octobre a enterré tout espoir de paix.

Franco-israélien, Julien Bahloul a été journaliste à I24 News. Dans le passé, l'auteur a par ailleurs servi en tant que réserviste dans l'unité du porte-parole de Tsahal. Désormais business development manager dans une entreprise high-tech israélienne à Tel-Aviv, il analyse régulièrement l'actualité israélienne sur Twitter et dans plusieurs médias français.


J'étais dans le camp de la paix israélien. À présent je suis dans le seul camp qui reste en Israël : celui du deuil. Ce samedi 4 novembre marquait le 28e anniversaire de l'assassinat du premier ministre Yitzhak Rabin, en marge d'une manifestation pour la paix. Un intégriste juif l'avait abattu de plusieurs balles dans le dos pour protester contre les compromis territoriaux accordés aux Palestiniens. Jusqu'à il y a peu, un grand rassemblement de la gauche avait lieu à cette date.

«Non à la violence - Oui à la paix», peut-on lire sur les banderoles que j'avais photographiées en 2011. Nous nous retrouvions chaque année. Je ne loupais l'évènement pour rien au monde. Avant même d'avoir émigré en Israël, je suivais de loin les discours, je regardais les images de la foule en masse. Nous étions fiers d'être présents. De rêver ensemble à une paix possible avec nos voisins Palestiniens. Nous applaudissions les discours qui nous donnaient tant d'espoir et nous terminions le rassemblement en entonnant «Shir LaShalom», «Le chant de la paix», qu'Yithzak Rabin avait chanté quelques minutes avant d'être tué le 4 novembre 1995.

«Ne regardez pas en arrière. Laissez partir ceux qui sont partis. Gardez les yeux tournés vers l'espoir. Chantez une chanson d'amour et non un chant de guerre. Ne dites pas un jour viendra”, faites venir ce jour. Ne murmurez pas une prière, chantez plutôt un chant pour la paix.»

Novembre 2023. Guerre oblige, aucun rassemblement pour la paix n'a lieu cette année. Triste clin d'œil, la place Rabin est d'ailleurs inaccessible. Elle est devenue un énorme chantier pour bâtir la future station de tramway.

Comment espérer que les enfants de Gaza qui ont grandi sous un régime islamiste et ont survécu à nombre incalculable de combats avec Israël puissent rêver d'une paix avec nous ?

Julien Bahloul

Ce n'est pas que la place qui est devenue inaccessible, mais bel et bien l'avenir dont nous rêvions. Le pogrom du 7 octobre a été dirigé par les islamistes du Hamas. Mais nous ne pouvons ignorer le fait que de nombreux civils ont participé aux massacres.

«De simples Gazaouis, des adolescents, des jeunes, des civils, sont aussi entrés dans nos maisons. Ils ont participé aux pillages, aux violences. Ils avaient la haine dans les yeux.» Ce témoignage, je l'ai entendu de la bouche d'une rescapée des massacres. Elle a survécu au pogrom et a vu un de ses proches se faire kidnapper.

Ses mots ne me sortent pas de la tête. La pensée qu'une foule d'adolescents a pu se jeter comme des barbares sur des civils comme certains se jettent sur des produits en soldes me hante.

Les attentats ne sont pas un élément nouveau dans la réalité israélienne. Mais nous avions toujours l'espoir qu'ils étaient le fait de fanatiques, qu'ils ne représentaient pas la société palestinienne. Nous préférions ne pas voir ce que nous savions pourtant : l'éducation à la haine antisémite dans les territoires palestiniens. Sous la dictature islamiste à Gaza bien entendu, mais également dans les manuels scolaires de l'Autorité palestinienne. Cette éducation nous a explosé au visage il y a un mois.

Aujourd'hui il reste le deuil et des questions.

Comment espérer que les enfants de Gaza qui ont grandi sous un régime islamiste et ont survécu à nombre incalculable de combats avec Israël puissent rêver d'une paix avec nous ? Pour la plupart, le seul aperçu qu'ils ont de leurs voisins ce sont les bombardements. L'enfant gazaoui se moque bien de savoir que le Hamas est responsable de la guerre. Il voit uniquement les terribles conséquences dont il est victime.

J'entends dire dans les médias que « le camp de la paix israélien » a disparu. C'est vrai. Mais si vous cherchez bien vous pourrez le trouver. Il est sous les cadavres des habitants des kibbutz Beeri et Kfar Aza, ces familles idéalistes qui rêvaient de coexistence avec Gaza.

Julien Bahloul

Qui, au lendemain de la guerre en Israël, aura le cœur à venir chanter avec conviction Le chant de la paix ? Pas grand monde. Les sondages publiés ces jours-ci montrent qu'en cas d'élections Netanyahou subirait un terrible revers, mais la gauche n'en ressortirait pas renforcée pour autant.

J'entends dire dans les médias que «le camp de la paix israélien» a disparu. C'est vrai. Mais si vous cherchez bien vous pourrez le trouver.

Il est sous les cadavres des habitants des kibbutz Beeri et Kfar Aza, ces familles idéalistes qui rêvaient de coexistence avec Gaza.

Il est sous les 260 corps mutilés des jeunes du festival de musique Nova, qui dansaient en rêvant d'un monde apaisé.

Il est dans les cendres des familles brûlées vives qui tentaient de protéger leurs enfants.

Le camp de la paix israélien n'a pas disparu. Il a été assassiné par les islamistes.


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6 commentaires
  • Winston C

    le

    Texte très émouvant et bien triste en effet… Courage aux Israéliens!

  • HNA92-69

    le

    Poignant et triste à la fois … que reste t il a faire ?

  • Kha64

    le

    Excellent article, et il est bon de le rappeler car Tout les monde a oublié que le Fatah comme le hamas ont préféré enseigner la haine des juifs, avec d’horribles mensonges (les juifs eventrent les femmes musulmanes pour prendre leur bébé et les offrir à leur dieu…) qui ont porté leurs fruits et se sont exprimé dans toute leur horreur le 7/10. Comme tout le monde a oublié ce qui arrive à deux adolescents israéliens perdus au milieu de palestiniens : démembrés vivants par la foule pleine de haine (années 1995 environ). Comme tout le monde oublie que c’est Israël qui est systématiquement attaqué et doit à chaque fois se défendre. Malgré cela palestiniens et israéliens vivent ensemble. Les extrémistes nourrissent les extrémistes. Mais trop de monde en France accuse la victime. Des immeubles détruits pris en photos sous tous les angles par un nombre incalculable de “journalistes” (telle y nombreux qu’on les voit sur chaque photo) … pour finalement être surpris après guerre de constater que Gaza n’est pas autant détruit que ce que l’on croyait. Non personne ne parle de cette mise en scène terrible. Pour les deux peuples.

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