Accéder au contenu principal
Impasse diplomatique

Guerre Israël-Hamas : quel rôle peut jouer l’Autorité palestinienne ?

Antony Blinken, le chef de la diplomatie américaine, tente de faire jouer un rôle à l’Autorité palestinienne dans la guerre qui oppose Israël au Hamas. Accueilli avec froideur par toutes les parties, cette proposition souligne les faiblesses de cet embryon d’État palestinien pourtant doté d’un important appareil sécuritaire.

Antony Blinken et le président palestinien Mahmoud Abbas à la Mouqata'a, le siège de l'autorité palestinienne à Ramallah le 5 novembre 2023.
Antony Blinken et le président palestinien Mahmoud Abbas à la Mouqata'a, le siège de l'autorité palestinienne à Ramallah le 5 novembre 2023. © Jonathan Ernst, AFP
Publicité

Dimanche 5 novembre, Antony Blinken effectuait à Ramallah sa première visite au siège de l’Autorité Palestinienne depuis le début de l’affrontement meurtrier entre Israël et le Hamas, le 7 octobre. Le chef de la diplomatie américaine a une nouvelle fois fait part de son souhait de voir la structure gouvernementale née des accords d'Oslo il y a 30 ans reprendre le contrôle de la bande de Gaza une fois les opérations militaires terminées.

À lire aussiIsraël contre le Hamas : le dangereux "jour d’après" d'une opération terrestre à Gaza

Le président palestinien Mahmoud Abbas a lui réaffirmé que "la bande de Gaza est partie intégrante de l'État de Palestine" et que l’Autorité palestinienne ne pourrait y jouer un rôle que dans le cadre d’une "solution politique globale pour la Cisjordanie, Jérusalem-Est et la bande de Gaza" mettant fin à l’occupation israélienne.

"Je n’ai pas de mots pour décrire le génocide et la destruction subis par notre peuple palestinien à Gaza aux mains de la machine de guerre israélienne, au mépris des principes du droit international", a déclaré le leader palestinien âgé de 87 ans au chef de la diplomatie américaine.

Successeur de Yasser Arafat, Mahmoud Abbas semble plus impuissant que jamais face au déferlement de violence. Mise en place en 1996, son administration à la souveraineté très limitée n’exerce formellement son autorité que sur 18 % de la Cisjordanie, à savoir la "zone A", créée par les accords d’Oslo, qui regroupe les villes palestiniennes de la rive gauche du Jourdain.

Depuis 2007, l’Autorité palestinienne est absente de la bande de Gaza suite à la victoire électorale du Hamas en 2005 et au coup de force du parti islamiste pour expulser ses représentants en 2007.

Une légitimité inexistante et des pouvoirs très limités

Très impopulaire auprès des Palestiniens, qui bien souvent ne voient en elle qu’une structure politique corrompue et répressive, l’Autorité palestinienne dispose cependant d’une administration civile, de forces de sécurité et de renseignement. Elle bénéficie du soutien financier des États-Unis, de l’Union européenne et d’autres donateurs internationaux.

Peu de données officielles existent concernant l’appareil sécuritaire palestinien en Cisjordanie. Selon plusieurs sources, les forces de sécurité palestiniennes sont composées d’environ 40 000 hommes armés, dont certaines unités sont équipées de blindés légers.

Elles sont réparties entre plusieurs agences. La police palestinienne (PCP, Palestinian Civil Police) qui assure des taches civiles de maintien de l'ordre, de lutte contre la criminalité et qui administre les prisons. Elle compterait environ 10 000 policiers et bénéficie du soutien financier et technique de l’Union européenne.

Les forces de sécurité palestiniennes (NSF, National Security Forces) souvent décrites comme l'armée en attente de la Palestine, compteraient entre 10 et 30 000 membres et reçoivent des formations et un soutien de la Jordanie et des États-Unis.

La Sécurité nationale (GIS, General Intelligence Service) compte elle 3 000 agents de renseignement, lutte contre l'espionnage, et coopère avec les services de renseignement étrangers.

La Sécurité Préventive (PS), l'agence de renseignement interne de l'Autorité palestinienne compterait 2 000 agents tandis que la Garde présidentielle (PG), une force d'élite de 2 à 3 000 hommes, assure la protection personnelle du président.

Depuis 2007, toutes ces forces loyales à Mahmoud Abbas sont cantonnées à certaines zones de la Cisjordanie et se sont engagées dans une coopération sécuritaire ininterrompue avec l’État hébreux.

Pour Jean-Paul Chagnollaud, directeur de l’Institut de recherche et d’études Méditerranée Moyen-Orient (iReMMO) "la coopération entre les services palestiniens et les services israéliens est très poussée, (…) et a résisté à toutes les situations. À chaque fois que Mahmoud Abbas a voulu interrompre la coopération sécuritaire, les Américains s’y sont opposés et il ne l’a pas fait. C'est une relation presque organique et pour beaucoup de Palestiniens, la coopération sécuritaire ne s'accompagne d'aucun retour politique. Et c'est pour ça que beaucoup accusent l’Autorité palestinienne d'une sorte de collaboration".

Pour le chercheur, imaginer "que l'Autorité palestinienne rentre à Gaza avec les blindés israéliens, dans les fourgons de l'armée d'occupation, serait catastrophique" pour l’Autorité et inacceptable aux yeux de la grande majorité des Palestiniens.

À lire aussiMarwan Barghouti, le "Nelson Mandela palestinien", peut-il être le faiseur de paix à Gaza ?

L’Autorité palestinienne peut-elle administrer à nouveau Gaza ?

Pour Fréderic Encel, docteur en géopolitique et spécialiste du Proche-Orient, le retour de l’Autorité palestinienne à Gaza est cependant inéluctable car "d'un point de vue à la fois juridique, international et diplomatique, il n'y a pas d’autres alternatives (…), Israël n'ayant aucune légitimité et surtout aucune volonté de réoccuper et encore moins d'annexer l’enclave. L’Égypte qui l'a occupée jusqu'à 1967 ne veut pas du tout la prendre en charge. Et aucun État n'enverra des casques bleus pour tenir la bande de Gaza."

Cependant pour que ce retour soit envisageable, il faudrait que de nombreuses conditions soient réunies. "La première condition, qui n'est pas évidente, c'est d'abord la démilitarisation des forces principales du Hamas c'est à dire ses missiles et surtout ses terroristes qui peuvent entrer en Israël. Tant que cette condition ne sera pas remplie les Israéliens n'arrêteront pas la guerre. La deuxième condition c’est un soutien massif [de la communauté internationale]. Et la troisième, c’est que l’actuel gouvernement israélien chute à court terme".

À lire aussiDe la haine et de l'outrance : la stratégie de l'extrême droite israélienne pour peser

L’essayiste et maitre de conférence à Science Po estime que l’on peut nourrir des "espoirs raisonnables. (…) La conjugaison aujourd'hui de ces éléments est certes difficile mais pas impossible. Toutes les enquêtes d'opinion réalisées en Israël depuis le massacre du Hamas du 7 octobre, donnent systématiquement un avantage substantiel à une équipe qu'on peut qualifier de centriste et de centre gauche, pas du tout opposée à la solution à deux États et à la reprise de négociations avec les Palestiniens".

Les États-Unis sans solution politique

Le pari de l’administration américaine, "qu’une Autorité palestinienne efficace et revitalisée reprenne la gouvernance et, finalement, la responsabilité sécuritaire à Gaza" selon les mots d’Antony Blinken prononcés le 31 octobre devant la commission sénatoriale des Finances du Congrès américain rencontre évidemment l’opposition du Hamas.

Lors d'une conférence de presse, Oussama Hamdane, l’un de ses responsables au Liban affirmait lundi que "notre peuple ne permettra pas aux États-Unis d'imposer ses plans visant à créer une administration qui lui convienne et qui convienne à l'occupation (par Israël, ndlr), et notre peuple n'acceptera pas un nouveau gouvernement de Vichy".

Côté israélien, le projet du chef de la diplomatie américaine n’a pas non plus remporté l’adhésion. Lundi soir, Benjamin Netanyahu a de nouveau rejeté la possibilité d'un cessez-le-feu à Gaza et a promis d'y prendre la "responsabilité générale de la sécurité" après la guerre qui est entrée mardi 7 novembre dans son deuxième mois.

Une façon d'écarter l'initiative de la diplomatie américaine qui repose aujourd'hui sur une lointaine chimère : un accord global entre une Autorité palestinienne dotée d'un nouveau leader et un gouvernement israélien débarrassé des faucons du Likoud et de ses alliés d'extrême droite. 

Le résumé de la semaineFrance 24 vous propose de revenir sur les actualités qui ont marqué la semaine

Emportez l'actualité internationale partout avec vous ! Téléchargez l'application France 24

Partager :
Page non trouvée

Le contenu auquel vous tentez d'accéder n'existe pas ou n'est plus disponible.