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Notre critique des Suppliques: six destins tragiques sortis de leurs tombeaux et sublimés

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Les Suppliques.
Les Suppliques. Simon Gosselin

CRITIQUE - Au Théâtre de la Tempête, ce spectacle met en scène des histoires à partir de lettres envoyées au Commissariat aux questions juives qui plaidaient la cause des vies menacées sous l’Occupation. Le plus poignant de cette rentrée.

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Sans doute le « spectacle » le plus bouleversant de ce début d’année. Un « spectacle » où tout est terriblement vrai. Un dispositif bifrontal, une scène nue, cela suffit. Deux comédiennes et deux comédiens (Salomé Ayache, Marie Bunel, Pascal Cesari et Vincent Winterhalter) sont assis au premier rang parmi les spectateurs. Une jeune femme, Salomé, se lève. Elle évoque une visite scolaire au Mémorial de la Shoah. Elle a cherché sur le mur des noms celui d’une arrière-grand-tante qui fut déportée. Nous entendons alors une archive audio. La diffusion de la loi du 2 juin 1941 portant sur le statut des Juifs et les professions qui leur sont désormais interdites.

Marie Bunel se lève à son tour. Elle interprète Edith Schleifer, elle tient un commerce de fruits et légumes. Elle est catholique mais son époux, Samuel, est israélite, alors… Alors, elle envoie une lettre au commissariat général aux questions juives pour ne pas perdre sa boutique.

Samuel (Vincent Winterhalter) se lève à son tour et fait face à un certain Monsieur Pierre (Pascal Cesari), un jeune employé aux basses besognes, celles de spolier les « biens juifs » au nom de l’aryanisation économique. On ne reverra plus jamais Edith et Samuel. Les acteurs semblent ne pas jouer. Chacun de leurs gestes, de leurs mots nous fait entrer dans leur intimité violée.

6 destins

D’autres « histoires » seront contées. Il y a celle de Gaston Levy (Vincent Winterhalter). Il s’est battu pour la France durant la Première Guerre mondiale. Onze fois décoré. Il aimait Pétain, le héros de 14. Gaston est issu d’une vieille famille juive installée en France depuis des générations. Il a maintenant 70 ans et est considéré par le gouvernement de ce même Pétain comme un Untermensch. Grésille la voix de Paul Baudoin, ministre des Affaires étrangères : « (…) Nous ne voulons plus que les Juifs soient chez nous comme un empire dans un empire. »

Voilà maintenant l’histoire de Renée et Jacques Haguenauer, contée par la remarquable et frappante Marie Bunel. Jacques a été dénoncé, déporté vers « une destination inconnue ». Sa fille cadette malade ? Internée dans un HP. Ses deux autres filles ? On ne sait. Renée, la mère, répète : « Ils reviendront, ils reviendront, ils reviendront. » La supplique de Renée restera sans réponse. Et Renée sera à son tour déportée. Conseillées par l’historien Laurent Joly, Julie Bertin et Jade Herbulot (du Birgit Ensemble) alignent ainsi six destins dans une mise en scène qui ne pleurniche pas puisqu’elle redonne vie à toutes ses pauvres âmes et on sort de là complètement abasourdi. C’était hier, c’était en France. Restent ces suppliques, bouteilles à la mer, « souvenirs fragiles en forme de tombeau ».

Les Suppliques, au Théâtre de la Tempête (Paris 12e), jusqu’au 16 février.

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