Un rapport accablant
Le Premier ministre israélien respire, dit-on dans l'entourage d'Ehoud Olmert. Pourtant, il n'y a pas de quoi. Le rapport final de la commission d'enquête israélienne sur la guerre au Liban en 2006 ne le cloue pas entièrement au pilori. Edito: Le bilan d'une guerre éloigne de la paix
- Publié le 30-01-2008 à 00h00
Correspondante à Jérusalem Le Premier ministre israélien respire, dit-on dans l'entourage d'Ehoud Olmert. Pourtant, il n'y a pas de quoi. Le rapport final de la commission d'enquête israélienne sur la guerre au Liban en 2006 ne le cloue pas entièrement au pilori. Mais la plupart des conclusions sont accablantes, tant pour l'armée que pour l'échelon politique. Entraîneront-elles la chute de M. Olmert ? C'est la question que se pose à présent toute la classe politique ici.
Présidée par le juge Eliahou Winograd et formée d'experts en défense, droit et gouvernance, la commission avait été mise sur pied par M. Olmert en septembre 2006, à la suite des pressions du public qui exigeait des comptes sur les "ratés" de cette guerre contre le Hezbollah. Les 34 jours de combat avaient causé la mort de 160 Israéliens (en majorité militaires) et 1200 Libanais (en majorité civils), dévasté l'infrastructure du pays du Cèdre et soumis un tiers d'Israël au bombardement de milliers de roquettes, sans pour autant écraser le Hezbollah ni ramener les deux soldats dont l'enlèvement avait déclenché les hostilités.
En avril 2007, la commission avait déposé un rapport préliminaire sur la façon dont le gouvernement avait décidé de partir en guerre et sur la gestion des premiers jours de campagne. C'était un réquisitoire implacable contre les "erreurs graves" commises par M. Olmert, son ministre de la Défense, Amir Peretz, et le chef d'état-major de l'armée, le général Dan Haloutz. Ces deux derniers ont démissionné depuis lors et la hiérarchie militaire a été remaniée. Mais M. Olmert s'est accroché. Dans son rapport final, la commission complète le tableau par une analyse tout aussi implacable du reste de la guerre. Notamment des dernières 60 heures durant lesquelles M. Olmert autorisa une ultime offensive terrestre dans le Sud-Liban profond, alors que l'Onu finalisait déjà l'accord de cessez-le-feu. Soixante heures qui devaient améliorer les positions de sortie d'Israël, mais furent les plus sanglantes pour son armée (lire en page 3).
Pas de recommandations personnelles, toutefois. En ce qui concerne le volet militaire, M. Peretz et l'état-major de 2006 ont déjà "payé". Quant à une éventuelle démission de M. Olmert, la question est laissée au jugement public. En présentant son rapport à la presse mercredi, le juge Winograd a néanmoins souligné que l'absence de recommandation personnelle n'écartait pas la responsabilité imputée à chacun. M. Olmert ne partira en tout cas pas de son plein gré. Dans une apologie préventive, la semaine dernière, il a réitéré qu'il "ne regrettait pas" ses décisions concernant la guerre de 2006. S'il y a eu des erreurs, "elles ont été corrigées et les leçons tirées". Depuis un an et demi, la frontière israélo-libanaise est calme, argue-t-il. "Un calme qui reflète notre force de dissuasion." Le Hezbollah s'est réarmé, certes, "mais pour la première fois, une force internationale fait efficacement tampon entre lui et nous, et la frontière est contrôlée par l'armée libanaise".
Tous les yeux sont donc tournés vers Ehoud Barak, qui a remplacé M. Peretz à la Défense et à la tête du Parti travailliste. L'an dernier, il était catégorique : si M. Olmert ne trouve pas grâce auprès de la commission, les travaillistes exigeront qu'il cède le pouvoir à un autre membre de Kadima ou qu'il accepte d'avancer les législatives prévues normalement pour novembre 2010. Ces dernières semaines, il demeurait plus vague sur ses intentions. Car beaucoup au sein de son parti craignent que des élections anticipées ne ramènent la droite - Benjamin Netanyahou et son Likoud - au pouvoir. La Knesseth va néanmoins ouvrir le débat dès la semaine prochaine, tandis que les réservistes et les parents de soldats tués comptent intensifier leurs protestations contre M. Olmert. La tempête politique ne fait donc que commencer.