Proeuropéen, francophone et francophile, l'ancien chef de la diplomatie polonaise Stefan Meller est mort, lundi 4 février à Varsovie, à l'âge de 65 ans, des suites d'un cancer. Ambassadeur de Pologne en France de 1996 à 2001, il a dirigé les affaires étrangères dans le gouvernement conservateur de Kazimierz Marcinkiewicz après la victoire des frères Kaczynski aux élections de 2005.
Salué mardi par le chef de la diplomatie française, Bernard Kouchner, comme un "Européen engagé et ami de la France", Stefan Meller était né à Lyon, en 1942, dans une famille juive polonaise et communiste, réfugiée en France avant la guerre pour fuir les persécutions. "Polonais de culture et d'identité",selon ses propres termes, il est resté profondément attaché à la France, où il a perdu son grand-père, déporté au camp d'internement de Drancy, en 1943.
De retour en Pologne après la guerre, Stefan Meller commence des études d'histoire à l'université de Varsovie. En mars 1968, il est victime des campagnes antisémites du régime communiste. Chassé de l'université, il perd ses fonctions à l'Institut des affaires internationales. Il devra attendre 1974 pour y être réintégré. Entre-temps, il vit en donnant des cours de français et rédige son doctorat. Après l'état de guerre proclamé en 1981, il publie sous pseudonyme dans la presse clandestine.
En 1992, trois ans après la chute du régime communiste, il entre comme vice-directeur des affaires européennes au ministère des affaires étrangères. Promu vice-ministre en 1995, il est nommé un an plus tard à Paris où il est un représentant très engagé et apprécié de son pays, alors en pleine négociation d'adhésion à l'Union européenne. De 2002 à 2005, il est ambassadeur à Moscou au moment où les tensions polono-russes se multiplient, aggravées par la "révolution orange" en Ukraine.
Issu du groupe de diplomates formés par Bronislaw Geremek, Stefan Meller était proche de l'Union de la liberté, qui rassemble les anciens de Solidarnosc qui ont opté pour une transition démocratique négociée avec les anciens communistes, sans toutefois adhérer à ce parti.
A l'automne 2005, la droite nationaliste des frères Kaczynski prend le pouvoir un an après l'adhésion de la Pologne à l'Union européenne. Stefan Meller accepte d'entrer dans le gouvernement minoritaire formé par M. Marcinkiewicz après s'être assuré que la politique proeuropéenne serait poursuivie. Il rendra son portefeuille bruyamment sept mois plus tard, en signe de protestation contre l'élargissement du gouvernement à l'extrême droite nationaliste et aux populistes.
A l'été 2006, il signe, avec d'anciens chefs de la diplomatie polonaise, une lettre ouverte condamnant la politique extérieure des frères Kaczynski. Le prétexte en est l'annulation par le président Lech Kaczynski d'un sommet du triangle de Weimar, le forum de concertation tripartite lancé entre la France, l'Allemagne et la Pologne après la réunification allemande de 1990, auquel il était profondément attaché.
Ancien rédacteur en chef du mensuel historique Mowia Wieki ("Les siècles parlent"), féru de Révolution française, il est l'auteur de La Révolution française en Touraine. Chinon (1789-1799), publié en 1983.
Voir les contributions
Réutiliser ce contenu